Comment les datacenters en colocation s’articulent avec le cloud hybride
Les DSI ont compris qu’elles devaient aller dans le cloud pour gagner en agilité. Mais l’impossibilité de migrer les systèmes et les données existants est un obstacle. Les datacenters en colocation apportent toutes les solutions pour le surmonter.
Les entreprises ont dans leur feuille de route des projets dits « cloud-native », c’est-à-dire conçus pour fonctionner en ligne, car elles ont compris qu’il s’agissait de la clé pour devenir plus agiles. Plus agiles signifie ici fournir plus rapidement de nouveaux produits et services, tout en conservant un modèle de coûts contrôlable. Le problème des projets est qu’ils se heurtent à la migration des systèmes et des données actuellement présents dans le datacenter.
Certaines applications nécessiteront en effet un remaniement important. Et c’est pour cette raison principale que nombre d’entreprises préfèrent encore investir dans des datacenters classiques. Dans ce contexte, les offreurs de datacenters en colocation sont parvenus à séduire nombre d’entreprises en leur proposant de réduire les frais liés à l’exploitation de leurs propres salles informatiques. Grâce à eux, les entreprises peuvent louer un espace IT dans de grandes installations disposant de toute l’énergie, du refroidissement et de la mise en réseau nécessaires au fonctionnement des équipements informatiques.
Surtout, les fournisseurs d’espace en colocation ont évolué : ils se présentent désormais comme des spécialistes du cloud hybride. « Nous avons dû nous adapter en raison de l’évolution de la manière dont les entreprises souhaitent déployer leurs applications de base », explique Jeff DeVerter, directeur technologique chez l’hébergeur Rackspace.
« L’un des grands changements que nous avons observés dans le domaine de la colocation est la prolifération de sites plus petits et plus proches des clients. C’est une croissance des clouds privés utilisés en conjonction avec des ressources ou des ensembles de données en cloud public. Les lignes entre le public et le privé commencent à devenir moins visibles et cette tendance devrait se poursuivre », ajoute-t-il.
Un moyen d’éviter les silos et de se délester de la charge informatique
Dans son rapport « Datacentre and colocation market trends 2021 », le cabinet Forrester décrit le concept de gravité des données, qui introduit des points de décision stratégiques sur les plans d’expansion en fonction de l’endroit où se trouveront les données à l’avenir. « Les entreprises doivent faire attention à ne pas créer des silos de données qui alourdiraient le coût de la migration, celui de l’accès au réseau et les termes contractuels », prévient l’analyste Abhijit Sunil dans le rapport.
Ainsi, Forrester conseille vivement aux responsables informatiques d’envisager un modèle de cloud hybride pour déployer dorénavant les charges de travail. Dans ce cas, les applications critiques sont hébergées dans un centre de données en colocation et peuvent avoir un accès direct au cloud via des passerelles dans le même centre de données.
Selon le cabinet ISG (Information Services Group), les entreprises ont acquis que l’adoption de la colocation sur le marché des centres de données était un moyen de mettre en œuvre des stratégies multicloud et de répondre aux préoccupations concernant la souveraineté des données, la sécurité et les réglementations.
Jeff DeVerterdirecteur technologique, Rackspace
Selon une étude récente que le cabinet a menée au Royaume-Uni, environ 60 % des applications des entreprises britanniques sont encore exécutées sur site et de nombreux centres de données privés sont exploités par le personnel interne. L’étude indique que les raisons pour lesquelles les entreprises optent pour la colocation sont, entre autres, le besoin d’auditer la localisation des données, la migration des licences logicielles vers le cloud public, la capacité et l’accessibilité des systèmes hyperconvergés et l’amélioration des outils d’administration.
« Dans le but d’économiser du temps, de l’argent et de l’espace, de nombreuses grandes entreprises chercheront à déplacer leurs opérations informatiques internes vers des installations de colocation managées, voire à vendre tous leurs centres de données pour ne plus louer que l’espace dont elles ont besoin pour fonctionner », explique Barry Matthews, analyste chez ISG North Europe.
Selon lui, les entreprises considèrent de plus en plus les fournisseurs de services de colocation comme une extension de leur activité, ces derniers s’occupant de suivre les stocks de ressources informatiques, d’interagir avec le support utilisateur interne à l’entreprise, et de surveiller en temps réel la bonne marche des systèmes.
Indépendance, latence et coûts plus adaptés
En conséquence, en plus de fournir un hébergement dans un centre de données pour les propres systèmes des clients, certains fournisseurs de colocation ont étendu leurs offres aux services managés, où les applications virtualisées sont exécutées depuis des systèmes partagés entre plusieurs clients.
Cette colocation résout une autre contrainte que redoutent les entreprises : être pieds et poings liés aux technologies d’un fournisseur de cloud public. Les fournisseurs de services de colocation assurent dans ce contexte la connexion entre un datacenter classique et tous les services des grands clouds publics, AWS, Azure ou Google GCP, via des liens Direct Connect rapides. Ces liens permettent de profiter de chaque service en ligne comme si toutes les applications étaient hébergées à côté, mais sans la contrainte de l’être véritablement.
Barry Matthews ISG North Europe
L’année dernière, dans son rapport 2020 sur l’industrie des centres de données et des services multilocataires, 451 Group a décrit la colocation comme le moyen évident de connecter les entreprises, les fournisseurs de services et les plateformes de cloud computing.
Les entreprises souhaitent souvent faire appel à plus d’un cloud public, car chacun d’entre eux possède des atouts particuliers, qu’il s’agisse de solutions dédiées ou de prix. Cependant, les entreprises redoutent de devoir surmonter des obstacles à un fonctionnement à cheval entre plusieurs clouds. Et c’est l’une des tendances à l’origine de l’expansion des services de colocation. L’étude d’ISG a révélé que de nombreux clients se tournent vers les fournisseurs de services pour les aider à gérer les environnements multiclouds.
Par ailleurs, la colocation de proximité apporte le bénéfice d’une meilleure latence, c’est-à-dire d’une meilleure rapidité lorsqu’il s’agit d’obtenir des informations métier. Cet avantage est particulièrement important lorsque les données doivent être traitées à proximité de l’endroit où elles sont générées ou lorsque des réglementations empêchent le traitement des données en dehors du pays où elles sont générées.
Il y a enfin la question du coût. L’un des premiers points que les DSI doivent déterminer est le degré d’économie qu’apporterait l’hébergement des applications et des données dans un cloud public. Lorsqu’elles utilisent des offres de cloud public, d’infrastructure publique en tant que service (IaaS) et de plate-forme en tant que service (PaaS), les entreprises sont facturées en flux continu, au fur et à mesure de leur consommation, au lieu d’un paiement unique lorsqu’elles achètent la capacité de leur centre de données.
Or, les entreprises se rendent compte que certaines applications et certains formats de données ne sont pas si bien adaptés au déploiement en cloud public. Une application qui n’a pas besoin d’élasticité pour faire face à des pics d’activité coûtera moins cher à opérer depuis un environnement qui ne facture pas l’hébergement en fonction de l’utilisation.
Comme le souligne le bureau d’études Gartner dans un récent rapport, les entreprises sont confrontées à la difficulté d’estimer précisément les coûts d’une infrastructure en cloud. « Elles sont souvent surprises par des factures qu’elles ne peuvent pas expliquer simplement, et elles peinent à identifier les postes responsables des dépenses. En conséquence, la gestion financière est souvent négligée, jusqu’à ce que les dépenses deviennent incontrôlables », prévient Marco Meinardi de Gartner.
Des compétences qu’il devient problématique de trouver sur le marché du travail
Les centres de données en colocation foisonnent par ailleurs de personnels compétents sur les technologies de pointe. Et cela tombe bien, car, selon ISG, de nombreuses entreprises redoutent une éventuelle pénurie de compétences technologiques.
Ce déficit de compétences a d’abord été mis en évidence par une récente enquête menée chez Rackspace Technologies auprès de 1 870 décideurs informatiques. L’enquête a révélé que plus d’un tiers (35 %) des initiatives de recherche et développement en matière d’intelligence artificielle (IA) échouent ou sont abandonnées, tandis qu’une grande partie des projets (48 %) confient le support technique à des partenaires externes de confiance, en raison du manque de ressources internes.
Le savoir-faire technique est aussi recherché dans le domaine du calcul haute performance (HPC). « Les applications de supercalcul ont de fortes exigences, parmi lesquelles des centres de données à haute densité. Les fournisseurs d’espace en colocation en proposent directement, ou par le biais de partenariats », indique Abhijit Sunil de Forrester. Il cite les enseignes Cyxtera, Digital Realty et Equinix qui proposent par exemple des installations clés en main des centres avec des infrastructures Nvidia DGX pourvues de tout le stockage nécessaire.
Si les responsables informatiques sont conscients de la pénurie de compétences dans les domaines technologiques de pointe tels que le calcul intensif et l’intelligence artificielle, les recherches de l’Uptime Institute montrent que la crise des compétences touche tous les domaines du centre de données. Selon une enquête qu’il a récemment menée, 81 500 nouveaux postes de spécialistes en centres de données devront être créés d’ici à 2025 en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (zone EMEA).
Tout cela suggère une crise croissante des compétences, qui, selon l’Uptime Institute, incitera davantage les entreprises à externaliser au moins une partie de leur informatique de centre de données vers des fournisseurs de cloud public ou de colocation. Il note par ailleurs que les datacenters privés sont généralement de petite taille, ce qui offre peu de possibilités d’économies d’échelle, y compris pour le personnel. Par exemple, tous les centres de données, quelle que soit leur taille, requièrent des postes de techniciens en matériel informatique et d’électriciens.