Comment la 5G se conjugue avec l’usine intelligente
Au-delà des antennes, déployer des infrastructures SDN et NFV permet de piloter les lieux de production à distance de manière sécurisée.
Les usines intelligentes, celles évoquées sous le terme industrie 4.0, reposent classiquement sur l’intelligence artificielle et des objets connectés. Désormais, elles devront compter avec une nouvelle technologie : la 5G. Plusieurs industriels, Ford, Mercedes-Benz, Volkswagen ou encore le fabricant de véhicules agricoles John Deere ont déployé des antennes à la nouvelle norme mobile sur leurs sites éloignés des centres urbains, ne serait-ce que pour les relier à leur réseau WAN malgré l’absence d’une connexion terrestre.
Mais un avantage particulier de la 5G dans les usines intelligentes est la possibilité de détacher les équipements des câbles Ethernet qui limitent la mobilité. Les machines connectées à la 5G sans fil peuvent être repositionnées n’importe où dans une usine, ce qui peut accélérer la transformation d’une chaîne de montage.
La 5G ne se limite pas aux antennes. Elle s’accompagne d’une virtualisation des cibles sur le réseau, le SDN (Software-Defined Network), ce qui permet d’appliquer des règles de routage et de filtrage sur des appareils indépendamment de leur emplacement physique.
La 5G vient aussi avec des équipements de routage qui sont eux-mêmes virtualisés par un NFV (Network Functions Virtualization), de sorte qu’on puisse les déployer à volonté, sur des petits serveurs génériques situés près des antennes.
SDN et NFV pour mettre les chaînes de production sur un réseau agile
« Le SDN et le NFV apportent de nombreux avantages, notamment le fait d’utiliser la 5G comme un réseau privé. L’intérêt d’un tel réseau permet d’innover au niveau des services réseau, mais aussi concernant les lieux de production, à commencer par les emplacements géographiques eux-mêmes. Pour autant, les entreprises ont besoin de se faire accompagner pour les déployer. Généralement, elles font appel à un opérateur télécom », commente Robert Cohen, un expert des questions industrielles auprès du Think Tank américain Economic Strategy Institute.
Un SDN permet par exemple de mettre sur le même réseau local deux appareils ou deux machines-outils qui se trouvent en deux endroits différents, tout en empêchant la communication entre deux autres appareils pourtant situés l’un à côté de l’autre.
Techniquement, le SDN sert à séparer un réseau en différents segments virtuels ; il a été créé pour ménager une certaine étanchéité entre les applications, mais aussi entre les applications et les flux de contrôle de l’infrastructure. Agencer un réseau en segments virtuels apporte plus de flexibilité dans les déploiements et plus de possibilités de monitoring.
Robert CohenExpert des questions industrielles auprès du Think Tank américain Economic Strategy Institute
« Un SDN va par exemple servir à surveiller les performances de chacune des machines, à rapatrier en permanence des relevés sur leur fonctionnement. Un point déterminant est que l’industriel gagne ainsi en réactivité face aux incidents sur sa chaîne de production », illustre Robert Cohen.
Le NFV porte quant à lui la promesse de ne plus avoir à acheter des équipements réseau ou télécoms propriétaires. Techniquement, le NFV est le système de virtualisation, l’hyperviseur en quelque sorte, tandis que les équipements virtualisés sont les VNF (Virtualized Network Functions), soit des machines virtuelles ou des containers. Parmi les VNF, on trouvera classiquement un routeur, un pare-feu, un répartiteur de charge, etc.
« Le NFV va surtout permettre à un prestataire d’offrir les mêmes services, avec les mêmes configurations, qu’un opérateur télécom. Ce prestataire va typiquement configurer à distance des réseaux sur le site de son client », explique Robert Cohen.
Selon lui, l’utilisation conjointe d’un SDN et d’un NFV donne aux entreprises une « approche orientée services » de leurs réseaux. « Il y a l’idée que vous pouvez en permanence optimiser votre réseau au gré de vos besoins et améliorer ses performances très simplement. Conceptuellement, il s’agit de traiter la ressource réseau comme une ressource cloud. »
Ces industriels qui ont déjà adopté la 5G dans leurs usines
Ford a par exemple déployé la 5G sur l’une de ses usines au Royaume-Uni pour prélever des informations de performances sur les batteries qu’il installe dans ses véhicules. Ces informations sont ingérées par un serveur local qui les analyse et envoie en temps réel un rapport au siège. Ce dispositif sert à détecter en amont les batteries défectueuses, ce qui permet d’économiser des coûts, des pièces et de la main-d’œuvre en ne les installant pas dans les véhicules.
Autre exemple, en Allemagne, six usines de Mercedes-Benz collectent des données fonctionnelles sur les machines pour mieux prédire les opérations de maintenance. Mercedes-Benz s’est même servi de ces informations pour mettre en place un jumeau numérique, à savoir une représentation virtuelle d’un site à des fins d’analyse et de simulation d’optimisations. Cette simulation permet de prédire comment la fabrication d’un produit va se dérouler avant même la mise en production.
« À date, Mercedes-Benz a mis sur son réseau de collecte tous les aspects de la production – de la conception à la fabrication, aux ventes et aux services. Ils ont commencé par tester le réseau 5G sur une usine, l’ont enrichi, puis ont décliné le modèle sur d’autres usines. Les données sont désormais partagées entre toutes les usines », rapporte Robert Cohen.
Volkswagen a déployé un système similaire à celui de Mercedes-Benz, sauf qu’il a étendu le concept en l’appuyant sur des serveurs d’analyse hébergés chez AWS et accessibles depuis toutes les usines de Volkswagen dans le monde. À l’heure actuelle, 20 usines sont reliées au même réseau WAN. Elles devraient être 133 d’ici à 2025. Profitant des ressources d’AWS, Volkswagen a développé tout un système de tableaux de bord pour représenter les données collectées dans différents contextes.
Ford, Mercedes-Benz et Volkswagen utilisent tous le réseau 5G public, et sécurisent leurs données dessus grâce au SDN et aux NFV installés sur site. Aux USA, l’industriel John Deere a, lui, acheté une bande de fréquences à la FCC, le gendarme des télécoms américain. Cette bande de fréquences permet à six de ses usines, toutes situées les unes à côté des autres, de communiquer leurs données sans jamais passer par les télécommunications publiques.