Comment former une équipe FinOps
L’approche FinOps implique la centralisation de la gestion des coûts IT tout en favorisant la collaboration entre les parties prenantes d’une entreprise. Voici quelques pistes pour résoudre les défis de l’instauration d’une équipe FinOps.
Les principes FinOps intéressent de plus en plus les entreprises. Les coûts élevés du cloud, les crises successives et l’augmentation des prix de l’énergie jouent en faveur de la mise d’une politique de gestion spécifique au cloud.
Le premier des six principes de l’approche FinOps insiste sur le fait que « les équipes ont besoin de collaborer » pour optimiser les dépenses. Or, si tous les product owners doivent être responsables de leur consommation de ressources IT, une seule équipe veille à la bonne application de l’approche FinOps. La centralisation est l’un des autres principes clés de ce modèle.
En effet, des développeurs, des opérateurs ou des architectes cloud peuvent, de manière isolée, prendre en compte cette gestion fine de la consommation des ressources cloud, mais les efforts disparates ne permettent pas d’obtenir des résultats probants à l’échelle d’une entreprise.
Toutefois, la fondation FinOps – qui rassemble les bonnes pratiques autour de cette approche – ne préconise pas un seul modèle organisationnel à absolument mettre en place.
Un rôle important, mais intérimaire : le « chauffeur »
Pourquoi ? Tout simplement, parce que les contributeurs de la fondation FinOps prennent en compte la maturité des organisations et des entreprises dans l’adoption de ces pratiques de gestion et d’optimisation des coûts IT.
Clairement, mettre en place une telle culture ne se fait pas en un jour. La fondation présente un exemple de feuille de route pour démarrer la mise en place de l’approche FinOps à l’échelle d’une entreprise.
Cette feuille de route se déroule en cinq étapes : la planification, la socialisation, la préparation, le lancement des pratiques FinOps et enfin leur mise en pratique concrète.
Pour entamer ce voyage, il faut, selon la fondation, un « chauffeur ». Le chauffeur peut être une personne ou une équipe. C’est l’entité à l’origine de l’adoption de l’approche FinOps dans l’entreprise, idéalement le DSI, le CTO, voire le PDG. Cet initiateur se doit de se renseigner sur les points qui empêchent la bonne mesure des coûts IT, leur visibilité ou tout autre défaut qui pourrait limiter la prise d’initiative pour ajuster les budgets.
Le chauffeur doit s’entourer de gens « cultivés », tout du moins au fait des manières de gérer et d’optimiser les coûts, et de sponsors, idéalement des cadres IT ou financiers et des responsables d’équipe. Le chauffeur doit aussi et surtout chercher et consulter les équipes et les groupes concernés par des dysfonctionnements ou des frustrations.
D’expérience, les entreprises ayant passé le pas de l’approche FinOps remarquent qu’il est beaucoup plus simple d’embrasser cette voie, quand les parties prenantes se sentent réellement concernées par les problématiques de coûts, d’accès aux ressources IT, de gestion de licences, de gestion sièges dans un logiciel SaaS, d’optimisation de la consommation cloud, des problèmes techniques, etc.
Une fois cette première phase terminée, le Driver planifie la présentation de la stratégie. Il commence par établir un état de l’art en comparant la tendance générale en matière de dépenses IT et les éléments spécifiques à l’entreprise, dont sa culture, ses difficultés et son modèle organisationnel.
Il convient également d’identifier les outils, existants ou non, qui pourront assurer le suivi, tout comme les indicateurs clés permettant de réaliser des benchmarks, de suivre les sources de dépenses, mais aussi d’évaluer les performances et les engagements des premières équipes impliquées.
Quel rapport entre l’équipe FinOps et le cloud center of excellence ?
Se pose rapidement la question du positionnement organisationnel de la fonction FinOps. Par nature, il s’agit d’une pratique transverse qui touche à la fois l’IT, la finance, parfois les métiers et la direction de l’entreprise.
Suivant le modèle organisationnel et la criticité du cloud pour l’entreprise, une équipe FinOps pourrait « dépendre de la direction financière ou informatique », notent les contributeurs de la Fondation FinOps. Quand l’usage du cloud est critique, elle pourrait rendre directement des comptes au comité de direction.
Peu importe ce positionnement, son rôle est d’interagir avec l’équipe en charge de l’infrastructure, les cadres, les products et business owners, ainsi que le pôle finance et achats. Cette position centrale est particulièrement compatible avec la mise en place d’un Cloud center of Excellence (CCoE). Cette structure doit permettre de réunir une équipe d’experts multidisciplinaires afin que différentes unités commerciales – sinon toutes – partagent leurs avancées en matière d’adoption du cloud. Le centre d’excellence cloud aide à définir les politiques, choisir le ou les fournisseurs, conseille les parties prenantes, mais aussi élabore l’architecture technique et suit l’utilisation des ressources cloud.
Le CCoE est au centre de toutes les discussions concernant cette technologie, et est habituellement associé à la DSI. Il est souvent rattaché à un pôle IT central qui interagit avec des directions informatiques associées aux lignes métiers. Selon les responsables de la Fondation FinOps, les membres du CCoE peuvent prendre dans un premier temps à leur charge le déploiement des pratiques FinOps. Toutefois, il faudra rapidement réunir une équipe dédiée. Celle-ci pourra être indépendante du CCoE ou répondre directement à ce conseil du cloud. Le responsable de l’unité FinOps devient idéalement un membre du centre d’excellence cloud. Au quotidien, il communique avec le DSI ou un responsable Ops, son homologue dans le pôle Finance/Achat et les product owners.
L’équipe FinOps, tout comme le CCoE ne prend pas de décision. Elle est consultée à des fins de reporting, de benchmarks ou de recommandations d’optimisation du coût du cloud. C’est au pôle finance/achat de négocier les contrats et les tarifs avec les fournisseurs cloud, tandis que les Ops effectuent les changements d’infrastructure.
Les rôles qui composent une équipe FinOps
Outre le positionnement de l’équipe FinOps, il est intéressant de passer en revue les membres qui la composent, les fameux protagonistes. Ils sont généralement au nombre de cinq.
- FinOps Practitionner
Un praticien FinOps est un rôle relativement spécialisé ou dédié destiné à faciliter les environnements et les initiatives FinOps, en menant efficacement la collaboration et en guidant les membres de l’équipe FinOps à travers des activités prescriptives et des meilleures pratiques.
- Cadres
La direction de l’entreprise est généralement représentée par un ou plusieurs cadres, tels qu’un DSI, un CTO ou un responsable du centre d’excellence cloud. Les cadres veillent à l’efficacité de l’équipe, à la responsabilité des parties prenantes, à la gestion du budget et à la transparence.
- Products Owners
Tout comme les cadres, les Product Owners représentent généralement les chefs de service ou les chefs de projet directement responsables de la création, du déploiement et de la gestion des charges de travail de cloud pour l’entreprise. Il peut également s’agir d’un directeur de l’optimisation du cloud, d’un analyste du cloud ou d’un responsable des opérations commerciales.
- Ingénieurs et Ops
L’approche FinOps réclame de faire appel à des personnes qui comprennent et utilisent les technologies natives du cloud, comme des ingénieurs logiciels, des ingénieurs système, des architectes du cloud et des responsables de l’ingénierie. Ce sont les membres de l’équipe FinOps qui traduisent les budgets et les exigences en environnements où les charges de travail sont déployées. Les membres de l’équipe d’ingénierie s’occupent par ailleurs d’une grande partie du dépannage, de l’automatisation et de la mise à l’échelle nécessaire pour optimiser une charge de travail en cloud.
- Finance/Achat
Les professionnels de la finance, tels que les spécialistes de l’approvisionnement, les planificateurs financiers et les conseillers financiers d’entreprise, aident à établir les budgets, à gérer la comptabilité et à mettre en œuvre les prévisions relatives au cloud. Cela implique généralement l’utilisation d’une facturation continue pour créer des modèles de coût du cloud plus précis. Les spécialistes des finances peuvent également prendre en charge les négociations de prix avec les fournisseurs de cloud.
Pourquoi il y a-t-il besoin d’embarquer toutes ces parties prenantes ? Même si une équipe FinOps peut être composée de cinq membres (ou moins) au début, elle rend des comptes à… cinq organisations différentes. Elle envoie des rapports financiers et des inventaires à la direction, elle gère la quantité de ressources et le nombre de sièges avec les products owners. Avec l’unité Achat, elle reçoit et partage des éléments de négociation de prix des contrats cloud. Avec la comptabilité, l’équipe FinOps effectue la réconciliation et la rétrofacturation des services aux entités responsables des applications, puis avec la DSI, elle gère le coût des infrastructures et des architectures, réalise des benchmarks, évalue les possibilités d’optimisation.
La Fondation FinOps répartit les tâches de cette équipe dans les trois phases du cycle FinOps. Il s’agit d’informer les parties prenantes en collectant les bonnes données, d’optimiser les ressources allouées et d’opérer les métriques permettant la collaboration des différentes entités de l’entreprise.
La professionnalisation de l’équipe FinOps
A priori, les membres de l’équipe FinOps n’ont pas pour seule prérogative l’application des bonnes pratiques de gestion des coûts. Les architectes, les ingénieurs, le DSI, le CTO, les membres des pôles finances/achats doivent évidemment accomplir leurs autres tâches.
L’approche FinOps pose plusieurs difficultés. Certaines sont techniques, il faut choisir les bons outils et mettre en place les bons pipelines de traitements de données. D’autres sont organisationnelles, il faut harmoniser les relations entre des corps de métier qui n’ont pas forcément pour habitude de collaborer.
Dans certains pays comme la France, où l’externalisation des activités IT est très répandue, la fonction FinOps peut incomber à des prestataires qui participent à la mise en place de cette politique ou agissent comme des mercenaires pour résoudre une problématique spécifique, par exemple la gestion des coûts liée à l’utilisation des services d’un fournisseur cloud. Les cabinets de conseil et les ESN proposent de faire appel à leurs consultants.
Les entreprises qui ont déjà sauté le pas de l’approche FinOps ou qui ont déjà mis en œuvre un centre d’excellence cloud commencent à recruter des experts, des ingénieurs ou encore des responsables FinOps. En France, la consultation des annonces sur Indeed montre que des entreprises comme la Française des Jeux, Transdev, la Saur, BNP Paribas, ou encore Adeo (Leroy Merlin) recherchent ce type de profil. Dans les offres d’emploi, ces entreprises précisent que la gestion des coûts va souvent au-delà du cloud et concerne également les produits et services déployés sur site.