Cloud ou sur site : quelle option est la plus rentable pour vos applications
Les entreprises se ruent vers le cloud, avec la certitude que les économies de coûts sont garanties. Toutefois, toutes les applications ne sont pas faites pour le cloud, et en migrer certaines peut coûter bien plus que prévu.
Pouvoir consommer des ressources quand bon vous semble est certainement le moyen le plus évident pour améliorer l’efficacité de votre entreprise. Si vous pouvez certes éteindre un serveur quand il n’est pas utilisé, et économiser ainsi quelques euros, vous ne pouvez économiser ces fameux coûts d’investissement. De plus, les programmes de licences ne tiennent pas compte du niveau d’usage des applications. Si, ainsi, on vous propose de payer pour les ressources que vous consommez, quand vous le souhaitez, vous économisez de l’argent… Sauf que ce n’est pas toujours le cas.
Certaines applications ne sont en effet pas faites pour être exécutées dans le cloud, et ce, pour des raisons soit technologiques, soit purement financières, explique David Linthicum, vice-président de cloud Technology Partners, un spécialiste du cloud localisé à Boston. Pour éviter d’avoir à payer plus que prévu, les entreprises ont tout intérêt à comparer en amont les coûts du on-premise avec ceux du cloud.
« Cela peut représenter jusqu’à 50 % des applications dans une entreprise traditionnelle, la moyenne se situant entre 30 à 40 %, ajoute l’expert. Vous devez faire le tri et bien comprendre le portefeuille applicatif de l’entreprise, autrement, cela débouchera sur de mauvaises décisions et sur la migration de workloads dans le cloud pour, au final, se terminer avec des coûts en augmentation ».
Les applications, fortement dépendantes d’une base de données ou qui nécessitent une réécriture, sont celles qui sont le plus enclines à rester sur site, souligne encore David Linthicum. « Certaines applications ont juste été développées d’une façon qui accentue la consommation de ressources et elles consommeront davantage chez un fournisseur de cloud. Comme un vieux réfrigérateur de 30 ans : celui-ci consommera plus d’électricité que le dernier modèle. »
En fait le cloud repose sur deux arguments : l’application a-t-elle été conçue pour s’exécuter dans le cloud et quelle quantité de travail faut-il pour la réécrire ? C’est ce qu’explique Erik Peterson, directeur en charge de la stratégie chez Veracode, spécialisé dans la sécurité (ses applications tournent sur AWS). « La plupart des entreprises s’imaginent pouvoir modifier, puis migrer leurs applications vers AWS », dit Erik Peterson. « Mais elles ne réalisent pas qu’une migration est aussi une transformation intellectuelle. »
Pendant des années, les entreprises ont dépensé beaucoup d’argent pour maintenir leurs applications en production, en cas de défaillance (en investissant par exemple dans des systèmes redondants capables d’absorber les pics de demandes). En de nombreux points, le cloud public a pris cela à son avantage, avec la promesse d’une plateforme élastique pouvant justement gérer ces défaillances. Sans surprise, les workloads conçues pour une infrastructure ne peuvent souvent pas se convertir à une autre. Lorsqu’une application est déployée sur site, les administrateurs allouent généralement des ressources pour répondre aux prévisions en matière de demandes. Mais si les mêmes principes sont appliqués dans le cloud, la facture sera bien plus élevée.
Le cloud hybride complique encore plus le calcul
Un autre aspect, plus récent, brouille un peu plus les cartes : le cloud hybride. Dans celui-ci, l’IT d’une entreprise parvient à être à cheval entre un datacenter et un cloud public grâce à composant logiciel ou matériel qui détourne le datacenter ou le cloud de sa fonction première. Soit le datacenter sert classiquement d’unité de production principale, tandis que le cloud devient un réservoir de puissance à n’utiliser qu’en cas de pépin sur le site principal. Soit le cloud est la plateforme d’exécution par défaut, et une partie de ses ressources sont déportées sur site pour exécuter ce qui ne peut fonctionner que localement, pour des raisons réglementaires ou de latence.
Dans le premier cas, l’entreprise n’exécutera pas sur AWS, Azure ou Google GCP des applications optimisées pour ces infrastructures. Elle exécutera en ligne une version cloud du système VMware qu’elle utilise déjà sur site. Cette option suppose de payer deux fois pour le cloud : au coût des ressources de l’hyperscaler s’ajoutent celui des licences VMware pour changer le comportement des machines virtuelles en ligne et leur routage réseau. Cette solution est utile dans les Plans de reprise d’activité (PRA), qui consistent à restaurer en cloud les sauvegardes du datacenter, quand ce dernier ne répond plus. Des fournisseurs d’équipements pour datacenters proposent des bundles pour tout réunir sur une seule facture. Citons les programmes APEX chez Dell ou GreenLake chez HPE.
Dans le second cas, AWS, Azure et GCP proposent à l’entreprise d’installer leurs propres serveurs dans son datacenter. Les applications qui s’exécutent sur ces machines locales sont développées pour le cloud, mais elles ne s’exécutent jamais en ligne pour diverses raisons de souveraineté, de sécurité, ou encore de rapidité d’accès. Reste à déterminer si cela valait véritablement la peine d’en faire des applications cloud plutôt que des applications traditionnelles. Ces serveurs locaux sont facturés par les hyperscalers comme des infrastructures en ligne supplémentaires : selon l’usage de leurs VMs, de leur stockage et de leurs liens réseau.
Prendre absolument tout en compte
Il est recommandé que les entreprises évaluent d’abord les motivations premières – hors coûts – d’une éventuelle migration vers le cloud. Puis, s’il existe de bonnes raisons d’y passer, il s’agit de comparer les coûts, avec prudence, soutient de son côté Mindy Cancila, directrice de recherche chez Gartner. « Généralement, la première démarche est de rechercher avant tout d’autres critères d’adoption. La raison étant que les modèles de coûts sont truffés d’inexactitudes. »
Oublier de prendre en compte certains coûts, comme ceux liés à l’alimentation ou à l’immobilier, peut fausser les comparaisons. Gartner a bâti son propre modèle pour que les clients puissent comprendre les mécanismes économiques, du on-premise et du cloud. Mais un bon comparatif nécessite que l’entreprise tienne compte de toute la chaîne de valeur jusqu’à la distribution du service auprès des clients finaux.
Gartner recommande une comparaison des coûts par VM, en ce qui concerne le compute, car il s’agit pour le cabinet de la méthode la plus logique. « Mais, encore une fois, la plupart des entreprises n’ont pas ce niveau de transparence ni de précision », ajoute Mindy Cancila. « En général, elles n’associent pas les dépenses aux VMs, ni même aux différentes équipes ».
Une nouvelle ère pour de nouvelles applications
Comparer les coûts est certes difficile, mais cela en vaut la peine, assure encore l’analyste. Les fournisseurs de cloud tiennent à disposition des infrastructures et une efficacité qui est hors de portée des entreprises, en interne. Celles-ci peuvent également profiter de hardware de dernière génération qui n’est généralement pas présent dans les DSI. Même si l’avantage d’une migration vers le cloud n’est pas toujours évident, les entreprises doivent désormais considérer un déploiement dans le cloud en première intention, soit hébergé sur un IaaS tiers, soit en Saas.
Il s’agit là d’éviter les dépenses d’investissement, en serveurs ou en équipements de stockage. « Nous avons démarré alors que Google App Engine était en bêta, nous n’avons donc jamais eu un serveur dans nos bureaux », lance Data Hopkins, architecte en chef chez Vendasta Technologies, un spécialiste des outils pour les forces de vente et le marketing. « Le coût du on-premise est trop élevé pour nos applications, et nous n’avons pas de ressources IT », explique-t-il. « Nous avons très vite choisi de placer le cloud managé au cœur de nos activités, dès l’ouverture. »
Même si l’économie de coûts est possible, les entreprises rencontrent une kyrielle de difficultés, résume Erik Peterson. Une entreprise doit aussi considérer qu’un changement de plateforme implique un changement de culture. Il cite l’exemple d’une entreprise : « nous avons découvert qu’ils dépensaient plus de 10 000 $ par mois en stockage. Une dépense oubliée », explique-t-il. « Un développeur avait créé un système qui générait des volumes, sans jamais les supprimer. Il n’y avait aucune connexion entre celui qui payait les factures et l’opérationnel. »
La mise en place de politiques adéquates qui établissent des responsabilités et permettent aux entreprises de suivre la consommation de leurs ressources est clé. Les investissements dans le cloud ne se transforment ainsi pas en un fardeau, poursuit-il. Veracode se repose sur Cloud Health Technologies, un outil tiers qui monitore les ressources d’AWS.
Les grandes entreprises ont souvent plusieurs comptes AWS, mais les outils en place ne permettent pas de suivre les coûts entre tous ces comptes. « Dans notre cas, nous avons plus de 20 comptes différents », liste Erik Peterson. « Si vous voulez avoir une vue globale, la seule façon est d’avoir recours à des services tiers, ou d’écrire votre propre code. »
Optimisation des coûts : la prochaine étape
Ce ne sera qu’au prix de la mise en place de processus qui traquent les dépenses cloud et au prix d’une expertise des employés dans l’usage de services cloud, que les entreprises pourront explorer des nouvelles techniques d’optimisation de coûts. Mindy Cancila s’attend d’ailleurs à l’arrivée d’une nouvelle catégorie d’outils.
Aujourd’hui, il existe déjà des services qui permettent de le faire. AWS propose par exemple un service d’instances réservées avec lequel les clients peuvent prépayer et disposer de ressources à un tarif réduit. « Vous pouvez économiser de 20 % à 30 % de votre facture avec un achat intelligent de ces instances », soutient Eric Peterson.
L’autre exemple, toujours chez AWS, est les instances ponctuelles d’EC2 (Spot Instances), qui permettent d’enchérir sur certaines instances non utilisées de la plateforme. « Ces systèmes peuvent faire beaucoup pour quelques centimes. Il est difficile de réarchitecturer les applications pour pouvoir en profiter, mais si les entreprises investissent, les retours sont très rapides », convient-il.
Article publié le 6 septembre 2017 et mis à jour le 9 mai 2022.