Blockchain : quelques raisons de se presser lentement avec Gartner
Investir ou pas ? La blockchain suscite un engouement important, porté par le développement des crypto-monnaies. Appliquée au monde de l’entreprise la technologie est totalement immature selon Gartner, qui parie néanmoins dessus à plus long terme. Le cabinet de conseil propose une grille de lecture précise pour permettre aux organisations d’observer, tester et anticiper.
Acteur influent du secteur IT, Gartner présente une approche paradoxale de la blockchain. Ses analystes spécialisés se penchent sérieusement sur le sujet pour finalement rendre un avis plutôt circonspect. Une chose est certaine pour David Furlonger, Distinguished VP Analyst Gartner, « du point de vue du développement de la blockchain dans les entreprises nous sommes vraiment sur un concept embryonnaire. Il n’y aura pas de Magic Quadrant avant longtemps. Trop d’acteurs, trop de scenarii peu pertinents, trop peu de cas d’usage spécifiques réellement opérants ».
Pour Gartner il est urgent d’attendre donc avant de se lancer et surtout de se poser les bonnes questions. Ce qui ne semble pas être le cas des premiers partis. Selon Gartner d’ici 2021 75 % des projets blockchain vont exposer les organisations à des problèmes de conformité aux règles de confidentialité.
Pour David Furlonger une immense partie des projets actuels n’ont finalement que peu de raisons d’être : « 90 % des blockchains développées par les entreprises sont de nature centralisée. La blockchain n’est absolument pas nécessaire aux besoins à couvrir. Surtout le projet aurait pu être conduit plus rapidement, à moindre coût, à risque plus faible et avec une qualité meilleure en n’utilisant pas la blockchain. »
Des solutions parcellaires
Gartner estime ainsi que l’intérêt de la blockchain réside dans sa nature totalement autonome et massivement distribuée. Concrètement une chaine de blocs ne devrait être envisagée que lorsque l’on recherche une approche décentralisée, afin de répondre à un besoin pour lequel la confiance est clé mais défaillante en l’état. Plus la confiance est faible plus la nature « publique » de la blockchain doit être forte, mais dans ce cas on se heurte aujourd’hui à l’absence de scalabilité des plateformes.
« On ne peut pas parler de technologie blockchain sans parler de plateformes » explique ainsi David Furlonger. Hors aucune – parmi un nombre considérable de solutions d’ores et déjà proposées - ne présente les caractéristiques lui permettant de s’imposer.
Gartner dénombre ainsi quelques éléments importants que devrait adresser une solution idoine :
- L’administration des smart contracts (également appelés contrats intelligents ou cryptocontrats, ce sont des programmes qui contrôlent directement le transfert d'actifs numériques entre des parties, sous certaines conditions intégrées).
- La bonne spécification des protocoles avec des implémentations indépendantes
- L’interopérabilité entre les différentes blockchains existantes
- Une gouvernance fonctionnelle intégrant une réponse rapide aux menaces
- Capacité à adresser l’ensemble de l’économie (scalabilité)
- Etre nativement et véritablement Open Source
- Une architecture modulaire intégrant un ecosystème d’API
- Etre conçu sur le modèle des blockchain publiques
- Etre configurable pour une blockchain privée et supportant les transactions confidentielles
Une approche d’avenir… dans le futur !
Des cas d’usage peu concluants à date, des projets peu maîtrisés voire en danger à moyen terme : Gartner se montre donc plutôt circonspect face à la « hype » blockchain.
Il n’empêche qu’après une période de désillusion entre 2020 et 2022, le cabinet d’étude estime que la blockchain devrait contribuer fortement au futur du monde numérique, notamment sur les questions d’identité et de confiance.
Pour ceux qui souhaitent avancer dès à présent, Gartner propose un cadre d’analyse fonctionnelle (shéma ci-dessous) et surtout quelques conseils : ne pas trop en demander à une technologie naissante, ne surtout pas envisager la mise en production (penser stratégie et implémenter de manière uniquement ponctuelle), bien comprendre la nature décentralisée de la blockchain et enfin choisir une plateforme en ayant à l’esprit que chaque solution aujourd’hui à l’œuvre sera obsolète d’ici 18 à 24 mois.
Pour David Furlonger, il y a deux éléments sur lesquels s’inquiéter en priorité : le support des smart contracts et le niveau de sécurité du dispositif, notamment au regard de la confidentialité des données.