Double peine pour Atos : la Justice dépossède la SSII de deux contrats et adoube GFI
Les errements d'Atos-Origin dans la mise en place de Cassiopée, projet visant à remplacer et absorber les applications de tous les tribunaux français, coûtent cher à la SSII, qui perd deux contrats au ministère de la Justice. Ce dont profite à plein GFI.
Atos à l'amende. Le ministère de la Justice vient coup sur coup de déposséder le groupe dirigé par Thierry Breton de deux contrats majeurs. Probablement une conséquence des errements du projet Cassiopée, l'application qui doit piloter l'ensemble de la chaîne judiciaire dans les tribunaux français, et dont la réalisation avait été confiée à Atos-Origin en 2004 (pour 33 M€).
En décembre dernier, la sous-direction de l'informatique et des télécommunications (Sdit) du ministère de la Justice a ainsi confié l'infogérance de son système d'information à GFI, un contrat auparavant géré par Atos-Origin. Le marché, qui porte tant sur l'exploitation et l'administration des systèmes que sur la gestion du cycle de vie des applications, couvre les sites de Nantes, Grigny et Paris. Ce contrat d'une durée de 4 ans, et baptisé Ming2, est estimé à 35 M€ au maximum.
Cassiopée : Atos finit le job et passe la main à GFI
"Il couvre l'infogérance de deux centres d'exploitation, ce qui représente environ 25 applications centralisées réparties sur 150 serveurs physiques, explique Marc Yolin, adjoint au sous-directeur de l'informatique et des télécommunications au ministère de la Justice. La prestation pourra être étendue aux applications décentralisées si nécessaire". Le marché prévoit une phase de trois mois pour assurer le transfert entre les deux prestataires, phase débutée début janvier. "Une extension progressive du nombre de serveurs concernés est envisagée pendant la durée d'exécution du contrat", précise Marc Yolin.
Selon nos confrères de la Lettre A, la Justice a aussi choisi de mettre un terme à sa relation avec Atos, dans le cadre du contrat Cassiopée. Et a retenu de nouveau GFI pour la tierce maintenance de Cassiopée (soit au maximum 10 M€ sur quatre ans). De nouveau, Atos-Origin devra assurer le transfert de la prestation à son concurrent (sur trois mois). En attendant, la SSII dirigée par Thierry Breton s'est vu attribuer un marché intermédiaire pour finaliser la réalisation de cet outil décrié (soit une rallonge de 5,2 M€).
Déploiements suspendus à l'automne 2009
Lors de sa mise au place au TGI de Bordeaux début 2009, l'application avait en effet déclenché un mouvement de grève des fonctionnaires de justice. Le patron du projet, le magistrat Stéphane Hardouin, avait alors reconnu des défauts comme la reprise imparfaite des données (des logiciels précédents), des anomalies ou incomplétudes de l’application et les difficultés du personnel à s’adapter à l’application et à ses conséquences organisationnelles. Selon la CFDT, qui avait appelé au mouvement de grève, si l'application est bien adaptée aux petites juridictions, elle se révèlerait sous-dimensionnée pour les tribunaux les plus importants. Un rapport du Sénat, sur le projet de loi de Finances 2010, ne dit d'ailleurs pas autre chose signalant que "devant l'ampleur des difficultés provoquées par la mise en place de cette application (nécessité de saisir plusieurs fois le même dossier, erreurs...), le secrétaire général du ministère de la Justice a décidé, à l'automne 2009, de suspendre son installation pendant six semaines, afin de permettre aux juridictions de retrouver un fonctionnement normal".
Dernier marché pour solde de tout compte
Selon nos confrères de Bakchich, face à ces difficultés, la chancellerie aurait alors décidé de faire pression sur Atos, en appliquant des pénalités et des suspensions de paiements. Seuls 20 des 33 M€ prévus avaient alors été versés. Le dernier marché de 5,4 M€, notifié le 20 janvier, apparaît donc comme un solde de tout compte entre Atos-Origin et l'administration.
Selon un porte-parole du ministère de la Justice, suite à l'arrêt des déploiements à l'automne, le serveur hénergeant l'application a été redimensionné et une cellule de plusieurs dizaines de personnes a été mise en place au sein du ministère pour accompagner les déploiements dans les tribunaux. "Aujourd'hui les déploiements ont repris", précise le ministère. Rappelons que les premières réflexions sur la rénovation de la chaîne judiciaire en France remontent à 2001. Les premiers déploiements avaient démarrés en 2008 (Caen, Rouen, Alençon, Angoulême), avant le bogue de début 2009 à Bordeaux, sur une juridiction traitant elle de gros volumes.
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