Témoignages : ils ont misé sur l’Inde (2/2)

Loin des idées reçues ou du glamour des success stories, les entrepreneurs que nous avons rencontrés racontent leur installation en Inde, entre échecs, réussites, désillusions, et enthousiasme. Ils se sont spécialisés dans le développement, la sous-traitance ou encore l’ingénierie lourde. Forts de leur parcours, ils avancent quelques conseils à l’intention de ceux que tente l’aventure.

Sommaire : 

  1. Romain Dupuy, Spaarth.com 
  2. Vincent Spehner, ThinkDry 
  3. Olivier de Puymorin, Arkadin 
  4. Fabrice Caquin, Alternative India 
  5. Michel Guez, SmartTesting 
  6. Amadou Ngom, Des Systèmes et Des Hommes

1 - Fabrice Caquin, Alternative India 

Pourquoi l’Inde ? « Parce que pas la Chine », répond Fabrice Caquin, co-fondateur d’Alternative India, sans hésitation. Pour lui, l’Inde bénéficie d'une nette avance technologique sur son voisin : « c’est ce qu’on recherchait ; des gens qui savent de quoi ils parlent, qui sont capables de faire des produits à haute valeur ajoutée pour l’industrie lourde, à des coûts très compétitifs. […] Pour des prix quasiment chinois, on atteint sans peine une qualité quasiment européenne. » On l’aura compris : Alternative India, créée à l’automne 2007, ne verse pas dans l’informatique. Mais l’expérience de ses fondateurs est finalement très proche de celle des autres entrepreneurs français qui tentent l’aventure indienne.

   

Et si Fabrice Caquin s’estime plutôt chanceux, jusqu’ici, dans le recrutement de ses collaborateurs, il n’est pas pour autant en manque d’anecdotes rappelant les difficultés qu’on peut rencontrer lorsqu’on s’installe en Inde. De l’impératif de tout négocier au quotidien, jusqu’à la gestion des coupures d’électricité.

   

2 - Michel Guez, SmartTesting 

SmartTesting est une jeune pousse qui édite des logiciels pour… tester des logiciels. « Nous avons développé une solution qui permet d’industrialiser les tests logiciels, une activité aujourd’hui encore largement manuelle », explique Michel Guez, responsable du développement de l’activité de SmartTesting. Qui précise que sa solution vise principalement à assister l’utilisateur dans la conception de ses tests automatisés. 

SmartTesting s’est installé en Inde au début du mois de septembre dernier, afin de se rapprocher de ses clients, des SSII indiennes qui proposent des services de test logiciel externalisés ; « un créneau en très forte croissance ; c’est lui qui tire la croissance de ces grandes [SSII indiennes]. » Et Michel Guez de préciser que « 70 % des tests outsourcés le sont en Inde. » 

L’implantation en Inde de SmartTesting s’est faite de manière progressive, dès 2007, via un partenaire local, la société QualiTree. Mais initialement, l’éditeur français ne prévoyait pas de s’installer sur le sous-continent. Las, le partenaire QualiTree n’était pas forcément idéal pour développer l’activité de SmartTesting : « évidemment, ils avaient d’autres activités que simplement chercher à promouvoir notre solution. Donc, forcément, ils n’étaient pas complètement concentrés sur notre activité. » Du coup, l’éditeur français n’est pas parvenu à obtenir de son partenaire un effort régulier et soutenu dans l’activité commerciale : « quand on venait les voir, ils nous organisaient des visites et des rendez-vous ; mais le suivi de ces rendez-vous ne s’est pas forcément fait de manière adéquate. » 

Pour expliquer cela, Michel Guez fait référence à une notion bien connue de ceux qui cherchent à faire des affaires en Inde : « le quotidien, le temps indien, extensible, a repris le dessus. […] On peut remettre à demain ; un rendez-vous n’est jamais totalement fixe ; l’excuse du trafic a bon dos, parfois. » 

Mais si l’installation en Inde permet une véritable reprise en main de l’activité, elle ne se fait pas sans effort : « il y a quelques obstacles, administratifs, bureaucratiques… » Un exemple concret : « pour une société étrangère, il n’est pas possible de faire une avance de trésorerie depuis sa maison mère en France. Tout transfert d’argent se fait par une transaction avec facturation ou un transfert de capital. » 

Au moment de notre entretien téléphonique, au mois de septembre 2008, Michel Guez indiquait ne pas avoir encore été confronté aux difficultés de recrutement et de gestion des ressources humaines, « mais j’en suis conscient. On a pu le constater avec notre partenaire local QualiTree. » 

Ecoutez sa mésaventure via l'extrait sonore ci-dessous :

   

Le recrutement, la gestion des ressources humaines, SmartTesting a préféré les confier à son partenaire QualiTree. Avec paiement au contrat de ressources dédiées. Même chose pour les infrastructures physiques.  

3 - Amadou Ngom, Des Systèmes et Des Hommes 

L’implantation de la SSII Des Systèmes et Des Hommes en Inde, à Pune, remonte à 2007. Mais les premiers bureaux n’ont effectivement été installés qu’en février 2008. Amadou Ngom, PDG de la SSII, explique qu’il cherchait ainsi à répondre à une demande forte de ses clients suisses. « On a commencé à étudier le projet avec l’aide d’une personne indienne installée en Suisse. Elle nous a un peu servi de poisson pilote pour créer l’entreprise, trouver un gérant et des locaux, assurer la mise en relation avec des cabinets de recrutement. » Pour l’heure, l’implantation indienne de la SSII compte 10 collaborateurs. 

Avec celle-ci, Amadou Ngom veut servir des clients sans avoir recours à la sous-traitance, afin d’éviter les risques de mauvaise maîtrise des ressources humaines : « ce n’est pas plus facile, mais il n’y a pas d’intermédiaire, » explique-t-il. D’ailleurs bien conscient de ces difficultés de gestion RH, Amadou Ngom raconte qu’il a « longuement hésité avant d’y aller. Le marché n’est pas facile. Mais il commence à être un must have pour certains clients. » Avec parfois même une composante géopolitique dans cet impératif. 

Mais Amadou Ngom reste prudent sur la pertinence de l’équation économique. Pour lui, la décision du recours à l’offshore « peut être discutable. Il faut regarder de près l’économie globale du dossier de développement. » Notamment, le recours à l’offshore impliquerait, selon lui, « davantage de maîtrise d’ouvrage que sur un dossier classique. Au final, le gain attendu de 25 à 30 % n’est pas garanti. » La pire situation serait celle où l’on doit faire venir des ingénieurs indiens sur site, en Europe. « C’est n’importe quoi, » estime-t-il. 

La principale surprise est venue des infrastructures : « je m’attendais à ce qu’elles soient meilleures. » Les différences culturelles ont été appréhendées avec l’aide d’Indiens installés en Europe : « mais je m’attendais à ce que cela doit un défi ; moi-même, je suis issu d’une culture différente. »

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