Itil s'étend aux petites et moyennes organisations
Itil, un référentiel pour grand compte ? On aurait pu le croire au vu de la taille des organisations qui se sont lancées dans leur démarche et de la durée de ces projets. Pourtant, comme l'a montré la récente convention de l'itSMF France, des organisations plus modestes se lancent dans la mise en oeuvre des bonnes pratiques. Avec un certain succès.
C'est une des tendances observées lors de la 6ème conférence annuelle de l'itSMF France, qui a réuni 1 250 personnes le 4 novembre dernier à l'invitation de l'association de promotion du référentiel Itil. Les petites et moyennes organisations s'intéressent désormais au référentiel de bonnes pratiques de la production informatique. Une évolution nette tant, ces dernières années, Itil semblait associé à de très grands comptes ou aux infogéreurs. Des organisations qui d'ailleurs ont souvent mis du temps à apprivoiser le référentiel.
En vidéo : Rémy Berthou, président de l'itSMF France, commente l'attrait récent des PME pour le référentiel.
La maîtrise acquise - parfois difficilement - par ces pionniers et par les sociétés de conseil qui les ont accompagnés bénéficie aujourd'hui à des organisations plus modestes. Comme en témoignait par exemple la mairie de Bordeaux, qui s'exprimait en plénière lors de la conférence de l'itSMF.
Autre organisation emblématique de cette extension : le groupe Bel, qui a reçu un trophée récompensant son projet Itil des mains de l'itSMF France. Une organisation de taille moyenne : même si la DSI sert quelque 3 500 utilisateurs, elle ne compte que 70 personnes en interne (si on excepte les prestataires), et seulement 15 pour le département production, service desk et architecture.
Groupe Bel : redéfinir les rôles de la DSI autour des référentiels
"Nous avons commencé à nous intéresser au sujet dès 2005, explique Olivier Jacod, le directeur des opérations IT. Avec la volonté de mieux maîtriser ce qui arrivait en production et de définir les niveaux de service". En 2006, la décision de déployer une bonne partie de modules de SAP dans toute l'organisation brise un peu ce premier élan. Mais, après une restructuration de la DSI et le passage à l'infogérance (support, production SAP, TMA), un projet de plus grande ampleur est mis sur les rails : Oasys (Organisation attendue de la direction systèmes d'information).
"Il s'agit d'une redéfinition des rôles de la DSI autour de la notion de processus et de référentiels comme Itil, mais aussi CMMI (pour les études, ndlr) et e-SCM (pour le pilotage de prestataires, ndlr)", commente Olivier Jacod. Au total, une trentaine de processus clefs sont définis (voir schéma ci-dessous), dont une dizaine ont été déployés au cours de 2008 (en jaune sur le schéma).
"Nous avons notamment travaillé sur la gestion des mises en production et - autour de CMMI - sur la gestion de projet et la gestion des risques", ajoute le responsable. Sans oublier une organisation tournée vers les métiers - avec des catalogues de services et la mise en place de quatre classes de service - pour cette DSI centralisée qui travaille pour de nombreuses filiales. Même si la DSI ne pratique pas pour l'instant la refacturation de ses activités aux métiers
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"La démarche a été bien acceptée car elle venait de la DSI", commente Olivier Jacod. Né d'une étape de cadrage réunissant une quinzaine de personnes de l'interne - afin de définir les "ambitions de la DSI" - Oasys a ensuite fédéré les équipes au sein d'ateliers, avec cette fois l'accompagnement de consultants externes.
Aujourd'hui, la DSI de Bel a déployé un centre de support international et mis en oeuvre la gestion des incidents, redéfini sa démarche projet en intégrant la notion de design de services et mis en place un portefeuille de services. La DSI progresse désormais sur la gestion des connaissances, des tests et des environnements, sur le renforcement du management des processus et sur le déploiement de la gestion des changements. Tout en reconnaissant des retards notamment dans la mise en oeuvre de la gestion des mises en production et des problèmes.
Allianz Global Investors : outil intégré et CMDB centralisée
Si, de son côté, le groupe Bel n'a pas fait déployer un outil intégré permettant de supporter tous les processus Itil - "cette question de l'outillage vient dans un second temps", explique Olivier Jacod -, c'est un choix inverse qu'a fait un autre compte intermédiaire, Allianz Global Investors. Certes, cette filiale dédiée aux activités de gestion d'actifs fait partie d'un groupe de taille mondiale, mais elle gère sa production informatique de façon autonome. Le département production de la DSI, qui compte une trentaine de personnes (à 70 % des prestataires), a décidé de miser d'emblée sur un progiciel intégré de gestion des services, celui d'Axios.
"Nous avons évalué ce produit pendant 6 mois. Et l'avons retenu parce qu'il est intuitif, ce qui est clef dans notre département où travaillent de nombreux prestataires qui doivent prendre rapidement en main nos outils, raconte Pierre-Yves Bouchard, le responsable du département production et infrastructure (en photo ci-contre). Les autres produits nécessitaient un cycle de formation."
La mise en place de l'outil remonte à octobre 2007, autour d'une CMDB centralisée répertoriant tous les systèmes et applications d'Allianz Global Investors France. La gestion des incidents et celle des configurations ont été implémentées. Des accords de niveaux de service avec les clients de la DSI ont été signés, "même si on ne produit pas encore de rapport de suivi", précise Pierre-Yves Bouchard.
Suivront la gestion des problèmes, celle des changements et la mise en place de vrais SLA. Et, dans un secteur - la gestion d'actifs - pour le moins chahuté par la crise financière, "les arbitrages budgétaires au sein de la DSI n'ont pas affecté ce projet pour 2009. C'est un gage de tranquillité : Itil n'est plus un luxe ou une mode."
Ansaldo : l'outil impose le respect des procédures
L'outillage au centre de la démarche, c'est aussi le choix d'Ansaldo, un industriel spécialiste des systèmes de signalisation ferroviaire. Née de la fusion de trois entités en 2005, la DSI se cherchait un langage commun, entre des équipes spécialisées sur le support SAP, sur le développement de systèmes critiques pour les solutions commercialisées par la société, la chaîne logistique, les tests, etc. "Fin 2005, nous avons démarré les premières formations à Itil pour une poignée de personnes, raconte Jean-François Huet, le DSI. Mi-2006, une trentaine de personnes ont reçu la formation Foundation sur la cinquantaine que compte la DSI".
Pour le service IT d'Ansaldo, qui a démarré concrètement son projet début 2007, le déploiement d'un outil intégré spécialisé s'imposait d'emblée. "C'est lui qui impose le respect des procédures", estime Jean-François Huet. Le choix de l'industriel s'est porté sur la solution de FrontRange, "un outil où on pouvait rapidement monter en compétences", selon le DSI. Les équipes internes ont ainsi pu adapter seules les données des bases existantes pour les charger dans l'outil. Autre critère de choix : le coût de la solution, pour cette DSI où seules trente personnes sont utilisateurs de l'outil FrontRange. Soit, dans le cas d'Ansaldo, environ 60 000 euros.
Le projet couvre la gestion des incidents, des problèmes, des changements et les niveaux de service. "Aujourd'hui, on est capable de connaître le niveau de service que nous fournissons pour chaque direction métier. Ce qui nous donne des éléments de négociation", souligne le DSI d'Ansaldo. Parallèlement, le projet, démarré sur Paris, s'est étendu au site de production auvergnat et aux correspondants systèmes d'information en Espagne.
Savoir mobiliser les équipes
Pour ces structures modestes, le succès de la démarche passe par la mobilisation des personnels internes, comme l'ont reconnu nos trois interlocuteurs. Soit deux personnes à temps plein sur le projet Oasys chez Bel. Un gros investissement en amont, notamment dans l'étude de marché des logiciels, pour Allianz Global Investors. Ou encore une personne à temps plein pour Ansaldo. "L'absence d'équipe dédiée pour mettre en place l'ensemble des processus et la difficulté à mobiliser des propriétaires de processus, qui occupent dans nos organisations d'autres fonctions par ailleurs, constituent les principales difficultés de sociétés de taille moyenne", explique par exemple Olivier Jacod. Des points de crispation qu'ont d'ailleurs connu également les grands comptes.
Pour en savoir plus :
La vidéo du forum organisé le 4 novembre dernier par itSMF France et consacré aux spécificités de la mise en place d'Itil dans les petites et moyennes organisations. L'association vient de créer une commission dédiée aux problématiques des PME/PMI.