Enquête : quelles tendances pour l’emploi en 2012
Quelles sont les tendances en matière d’emplois et de formations IT en 2012 ? LeMagIT.fr a souhaité prendre le pouls, en ce début d'année, du marché de l’emploi informatique. En dépit d’annonces de recrutement toujours plus nombreuses, le niveau de chômage des informaticiens demeure élevé tandis que les SSII évoquent une pénurie de compétences. Nous avons donc enquêté afin de cartographier l’état du marché : les profils recherchés, ceux qui n’ont plus la cote, la politique RH d’une SSII d'envergure, les relations des étudiants-ingénieurs avec les entreprises, l’état des compétences en mainframe, sans oublier l’avis des recruteurs.
Offre d'emplois IT : un secteur sous tension et en mutation
Si les états-majors des entreprises IT revoient les chiffres d'embauche à la baisse, leurs chargé(e)s de recrutement ne font guère relâche. Plus à cause des difficultés (récurrentes) de l'embauche que d'une véritable pénurie. Le tout compliqué par les tendances de fond qui tirent le marché ou le font muter (cloud, big data et décisionnel, virtualisation, mobilité, le collaboratif devenu « social », agilité, défis croissants de la sécurité). Le profil le plus recherché ? Deux à cinq ans d'expérience, tous métiers de l'informatique confondus. Rien de changé sous le soleil de l'embauche IT?
Sauf qu'à entendre les DRH, à l'orée de cette année, leur équipe chargée de la logistique de recrutement et les moyens mobilisés ne doivent pas faiblir. Et pour cause. Volatilité des candidats. Dichotomie habituelle entre profils recherchés et compétences disponibles. Confirmation du constat de Deloitte auprès des entreprises high tech (classement Fast 50, novembre 2011), dont la moitié dit peiner à trouver les bons candidats. Mais aussi, tendances technologiques autant créatrices que destructrices d'emploi.
Tout se présente, plus encore à l'orée 2012 que durant les deux dernières années, comme si le marché cyclique (qui évolue aussi rapidement à la hausse qu'à la baisse) se compliquait encore du fait des atermoiements de la conjoncture. En voici quelques témoignages
Accenture :
5000 personnes et 1200 embauches prévues en France. Une force de conseil positionnée sur l'accompagnement des projets de transformation de l'entreprise. Et donc, pas de raison de baisser les bras devant la morosité de la conjoncture, selon Laurent Fischer, senior executive pour le secteur high tech, télécom, aéronautique (20% de l'activité d'Accenture en France comme au niveau mondial).
Les points focaux de l'embauche pour sa branche : Java, Oracle, les méthodes agiles, SAP pour la logistique. Du classique, comme pour le dispositif de recrutement : relations écoles-entreprises, développement de la présence sur les réseaux sociaux, pour viser un mix d'environ un tiers de confirmés, une moitié de jeunes diplômés auprès desquels « l'attractivité du conseil et des projets suivis de la réflexion jusqu'à la mise en oeuvre », selon Laurent Fischer, peut encore jouer à plein.
ITS Group :
1000 personnes, 300 embauches en 2012. « Nous avons la chance d'être positionné sur les projets d'infrastructures et le maintien en conditions opérationnelles », explique Véronique Altimani, directrice du recrutement. Pas d'inquiétude sur le périmètre actuel d'activité, ni sur l'attrait qu'il peut présenter aux débutants (15% des embauches).
Les difficultés se cristallisent plutôt sur la tranche d'âge correspondant à 2-5 ans d'expérience. « Les jeunes savent de plus en plus précisément ce qu'ils veulent, au risque de devenir obtus, et de se spécialiser trop tôt ». Difficile de les retenir même avec un budget de formation dépassant du double l'obligation légale. Des tensions sur certains profils ? Les experts Unix, les managers de projet. « Quand ils sont experts, ils ont tendance à opter pour le statut d'indépendant. » S'y ajoute une volatilité. « Certaines semaines, 30% des rendez-vous pris avec des candidats ne sont pas honorés sans qu'on nous prévienne. » Déficit d'image des SSII ? « Les responsabilités sont partagées », remarque cette responsable.
Qui compte poursuivre, avec la fonction RH, les initiatives déjà lancées pour retenir les talents. Notamment « un dispositif de double écoute des besoins et attentes du salarié : un interlocuteur dans son équipe qui parle le même langage que lui, et la RH », précise Véronique Altimani. Avec un effet sur le turnover ? « En tout cas, on est plus au courant de ce qui se passe. »
Autre exemple : un appel à volontaire pour travailler pendant un an en binôme, expert technique et manager en puissance, à une montée en compétences. In fine, une douzaine d'entre eux sont devenus responsables techniques délégués (sous la responsabilité du directeur d'agence et du responsable technique d'agence). Autre initiative reconduite depuis 2006 : la promo Unix, avec une dizaine de scientifiques de niveau doctorat, accueillis 33 jours en formation, CDI signé dès le premier jour.
Feel Europe :
1000 personnes, 300 embauches prévues. Les besoins se répartissent entre métiers d'infrastructure (40%), maîtrise d'oeuvre et technologies (40%) et conseil (20%). « Sur un périmètre de compétences aussi large, commente Mélanie Lecoeur responsable de recrutement du pôle infrastructures, « la difficulté du recrutement reste d'être au bon moment, au bon endroit, ciblé sur les bons profils ». Et de proposer à ceux qui le souhaitent une montée en responsabilité. La greffe (reprise) de Team Partners en février dernier semble avoir fonctionné dans ce sens.
Avec des perspectives de montée en compétences pour certains vers le statut de senior manager. Originalité de l'objectif d'embauche 2012 : une relative féminisation des troupes (24% aujourd'hui). « Outre le cadre légal de gestion de la parité homme femmes, l'idée est de miser sur la source de créativité que représente la mixité des équipes », précise Mélanie Lecoeur. Dans un milieu peu enclin à attirer les jeunes ingénieures, le défi ne manque pas d'intérêt.
Eolen :
350 personnes, le cap mis sur 150 embauches pour l'exercice en cours. « Pour une structure comme la nôtre, la morosité ambiante peut aussi être bénéfique. A court terme, le gel des projets dans certains secteurs nous affecte, mais toutes proportions gardées. Quand la Société Générale réduit de 20% les effectifs en prestations, pour nous qui n'avons pas de bataillons en poste, c'est une poignée de personnes en inter-contrat que l'on peut repositionner ailleurs, sur le même secteur », commente Pascal Leblanc, pdg fondateur.
Escomptant que les vannes se ré-ouvrent ( « dans les grands comptes, le gel ne pourrait durer longtemps »), l'exercice consiste à profiter de cet entretemps pour restructurer les équipes commerciales, s'occuper des intermissions, ne pas négliger le fait qu'en temps de gel, beaucoup de consultants se retrouvent sur le marché de l'emploi, prendre les moyens pour être plus réactifs que d'autres et néanmoins sélectifs, garder actif les circuits de cooptation, entretenir les relations avec le monde étudiant. De quoi largement occuper une équipe dédiée au recrutement ( « douze personnes, au moins trois fois plus que nos concurrents à taille égale », précise Pascal Leblanc).
Quelques plans d'embauche (France) au fil des communiqués |
Alten : 2350 Bull : 500 Capgemini/sogeti : 3300 Eurogiciel : 300 GFI : 1200 Helpline : 550 Hélice : 140 Keyrus : 300 KPMG : 1500 (en 2011-2012) Logica : 1500 : Micropole : 350 Neurones : 1180 Niji : 200 Open : 680 Orange France Telecom : 2500 Paritel : 380 Sage : 340 Sodifrance : 140 Solucom: 200 à 300 Sopra : 1600 Telindus : 130 mais encore Almerys, Aubay, Cognitis, Damilo Consulting, Iliad Consulting, MC2i, Logware, Osiatis, SII, Steria, Solutec, présents sur les salons lesjeudis.co; ou encore Additeam, Neoxia, Oxiane, Wallix... |
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ATOS France : 1000 embauches, 80% de juniors
Entré en fonction le 5 décembre chez Atos, Jean-Michel Estrade, DRH pour la France, prône une gestion des ressources prudente mais innovante. Exemple : le développement du télétravail, auquel adhère déjà 10% du personnel, 20% en région parisienne.
LeMagIT : Avec 1000 embauches annoncées pour 2012, contre 1500 l'an dernier, est-ce pour Atos la prise en compte d'un ralentissement d'activité en France ?
Jean-Michel Estrade : Déjà l'an dernier, on parlait d'un marché au ralenti, et nous avons recruté plus que les 1500 prévus. Pour 2012, la cible de 1000 embauches, soit 10% de nos effectifs, traduit la prudence raisonnable ou raisonnée à laquelle nous incite la conjoncture. Comme la profession dans son ensemble, nous avons revu nos objectifs à la baisse, quitte à les rehausser en avril si cela se justifie. Mais nous n'avons pas constaté un effondrement des carnets de commandes. Certes, l'ambiance est à la morosité. Mais dans un tel contexte, nos clients ont le choix entre le repli ou accélérer sur des programmes de fond qui sont porteurs d'économie ou de meilleur service rendu au client. Globalement, secteur public compris, on n'entend pas dire que les programmes de ce type soient gelés.
LeMagIT : L'an dernier, Atos misait sur la rapidité du recrutement avec les Talent Days qui promettaient aux candidats une réponse dans les trois jours. Est-ce pour griller la concurrence ? Ou pour pallier au manque d'attractivité du secteur ?
J-M.E : Nous gardons l'objectif de boucler le processus d'embauche dans les deux semaines à partir du premier contact, car non seulement l'indécision est mal perçue, mais le fait d'attendre n'apporte rien à la réflexion. En tout cas pour les juniors, de zéro à trois ans d'expérience, qui constituent 80% de nos embauches. C'est vrai qu'il faut aller vite. Et que les jeunes s'orientent moins spontanément vers un début de carrière en SSII. Mais cela fait au moins dix ans qu'on le le dit. Et le flot reste conséquent, avec un ratio de dix candidatures pour une embauche. Sans oublier que nous sommes gros offreur de stages, de 5 à 600 par an, dont pas mal d'étudiants étrangers. C'est vrai aussi qu'aujourd'hui, nos plus grands concurrents, en termes d'attractivité, ce sont nos clients. Et que, face à ce challenge, il nous faut miser plus encore sur la diversité des projets qui permet de construire une expérience professionnelle.
LeMagIT : Les bouleversements qu'on nous annonce avec le Cloud Computing et autres formes d'externalisation, ne vont-ils pas changer la donne ?
J-M.E : On a dit la même chose avec l'offshore, qu'il constitue un menace pour nos emplois. Pourtant, toutes les sociétés de grande taille ont réussi à faire croître leurs effectifs en France, tout en développant l'offshore ou le nearshore. Méfions nous des effets de mode. Tous ces nouveaux concepts, qu'ils soient technologiques ou organisationnels, il faut les digérer. On parle de changement de distribution des rôles, mais cela va aussi générer d'autres types de prestations et d'autres sources d'intérêt pour les jeunes.
LeMagIT : Y a-t-il là d'autres tensions ou difficultés de recrutement en vue ?
J-M.E : Depuis la période un peu folle d'inflation et de course aux compétences autour des ERP, c'est une réflexion qui a mûri chez nous, grandes SSII. Et qui nous conduit à recourir majoritairement à l'embauche de jeunes, au sortir de l'école, suffisamment généralistes pour qu'on puisse, par la formation, constituer notre propre vivier de compétences. S'il n'y a que mille spécialistes sur un créneau porteur, et qu'on se bât tous pour les avoir, sans alimenter nous-mêmes le vivier, on est sûr d'aller dans le mur. En recrutant et en formant, on peut générer nos propres ressources sur les métiers en tension.
LeMagIT : Quid de la gestion de l'emploi des SSII, beaucoup trop focalisée sur le court terme selon Pôle Emploi ?
J-M.E : S'il s'agit de la GPEC classique en tant qu'exercice d'anticipation dans la durée, il est clair que nous ne sommes pas les premiers de la classe. Avec cependant des circonstances atténuantes. N'importe quel analyste de GPEC vous dirait, par exemple, que le coboliste est un poste à risque. On le prétend depuis 25 ans ; pourtant chaque année, il remonte des demandes sur ce poste. Néanmoins, s'il s'agit d'anticiper en lançant des actions de formation, la vision tendancielle des SSII n'est pas mauvaise. Chez Atos, nous avons décidé de travailler sur l'accompagnement de la progression de carrière. En tenant compte des contraintes du métier, de la remise en cause à chaque fin de mission qui peut être vécu comme stressante, des arbitrages entre vie privée et vie professionnelle. Notre gestion ne doit être ni le moteur, ni le témoin passif de ces contraintes. C'est aussi le sens de notre programme de « bien-être au travail » qui se veut innovant.
LeMagIT : Innovant en quoi, concrètement ?
J-M.E : Le recours au télétravail, par exemple, qui convient bien aux métiers du conseil et de l'ingénierie, et qui concerne déjà 10% des salariés d'Atos en France, 20% en région parisienne. Mais aussi l'usage des réseaux sociaux. Et pas seulement comme vecteur de recrutement. Pour moi, cela représente la quintessence d'un mouvement de nature anarchiste, sur fond de communication virale, sans règles prédéfinies. L'entreprise ne doit pas essayer de piloter cela. Mais viser plutôt à dégager du temps libre aux personnes qui veulent y adhérer, tenir des blogs, gérer des communautés. L'initiative « zéro mail » lancée par Thierry Breton signifiait notamment cela : qu'il y a d'autres moyens de communiquer, de créer des communautés d'intérêt pour échanger de façon moins structurée. Ce sont des initiatives de nature à faire pencher la balance en notre faveur auprès des jeunes générations.
Du côté du sourcing : des recruteurs à l'épreuve de la demande de flexibilité
S'il n'y a guère à ce jour de signe de ralentissement de la demande de compétences IT, au vu de l'activité des job boards et autres supports, le défi pour les recruteurs tient dans la réactivité dont ils doivent faire preuve. Le web aidant, certes. Et sur un secteur dont tout professionnel de la chasse sait qu'il fonctionne à flux tendu. Soumis à des soubresauts technologiques, des appels d'air liées à la montée d'une technologie.
Après la vague ERP, SAP puis Java/J2E, voici celle des techno web et autres joyeusetés de l'Open Source. « Le point bloquant, ce n'est pas le manque de projets, mais le manque de compétences », souligne Frédéric Hovart, pdg de Globalis, société prestataire d'expertises en technologies PHP. « Les grandes structures, avec leur approche massive de l'embauche, y sont sans doute moins sensibles que les PME », constate Aymeric Legrix de la Salle, pdg de Network RH, spécialiste du sourcing 100% web positionné notamment sur le créneau d'embauche des éditeurs et des opérateurs télécom.
Mais la situation se corse, dès lors que la conjoncture amène les entreprises à naviguer à vue. Et à flécher plus encore la chasse aux profils. Sur le créneau des compétences web, «tout le monde cherche les bons développeurs », résume Stéphanie Delestre, fondatrice du site spécialisé Qapa.fr. « C'est aussi vrai, selon le pdg de Network RH, pour les consultants ERP en maîtrise d'oeuvre, en maîtrise d'ouvrage, les ingénieurs commerciaux confirmés. Avec un turnover soutenu en région parisienne ». Pas nouveau, dira-t-on ! Sauf que l'on a cru et croit encore que l'accélération du processus de sourcing des candidats, permise par Internet, en allègerait la difficulté. Pas si simple ! Il y a ceux contraints de jeter l'éponge, « face à la débauche de moyens » à déployer pour trouver les spécialistes des technologies les plus demandées, comme le regrettait en décembre sur son blog Jacques Froissant, autre grand promoteur du recrutement version web avec sa société Altaïde. Il y a ceux qui encaissent ces à-coups avec leurs clients, employeurs en quête de flexibilité dans leur gestion des ressources.
Selon Alexandre Pham, pdg fondateur du réseau Lynx RH qui joue sur les deux tableaux, placement en CDD et CDI et missions d'intérim, après l'effet de reprise constaté en 2010 sur le secteur IT, avec deux-tiers de son activité sur le volet intérim et un tiers en recrutement classique, les deux modalités étaient revenues en 2011 à un équilibre 50/50, témoignant d'un certain retour à la confiance du secteur.
Remontée de l'intérim
« Depuis octobre dernier, on constate le retour du décalage, 2/3 intérim, 1/3 CDD-CDI », signale le patron de Lynx RH. Ce que confirme la montée en nombre des informaticiens freelance (comme l'indique aussi le recensement de la fédération des auto-entrepreneurs). Pour partie, « autour de 20% » estime Alexandre Pham , « ce sont des professionnels qui font le choix d'une situation certes plus précaire, mais qu'ils s'estiment pouvoir se permettre car ils ont déjà un portefeuille d'expériences variées. Qu'ils sont passionnés. Prêts à se positionner sur des niches technologiques porteuses, comme la demande d'applicatifs smartphones, par exemple ».
Plus traditionnel, le souci d'efficacité (et d'économie) des donneurs d'ordre qui tend à réduire la durée des projets : six mois pour un chef de projet, deux mois pour un technicien réseau expert en système de stockage SAN, par exemple. «Sur des missions plus courtes, la logique veut que monte l'appétence pour des profils immédiatement opérationnels et expérimentés ». S'y ajoute une exigence de plus en plus fréquente : anglais opérationnel ; effet de la mondialisation et de la mutualisation des ressources et infrastructures (datacenters). Dans leur rôle de « facilitateur du sourcing », comme le souligne Aymeric Legrix de la Salle, les recruteurs renouent avec l'exercice consistant à tempérer les exigences des employeurs. Quitte à proposer un candidat pas tout à fait ad-hoc, mais compatible avec le profil du poste, moyennant complément de formation ou un temps d'adaptation.
Pour Frédéric Hovart, pdg de Globalis, cet effort d'adaptation réclame une certaine réciprocité. « Sur dix recrutés en 2011, on en a gardé cinq. Quand le marché est plus tendu, on prend plus de risque. On forme, mais sans être sûr que la personne sera au niveau », observe-t-il . « Mais on voit aussi trop souvent encore des débutants qui veulent être manager, chef de projet, avant d'avoir fait leurs armes ». On croyait ce temps révolu. Même chose pour le turnover : « L'an dernier, on a eu une poussée de turnover inhabituel dans le milieu Open Source qui nous a amené à réagir avec une enquête de satisfaction, un suivi plus attentif au quotidien des personnes», raconte ce dernier.
Le tableau ne serait pas complet sans mentionner la résurgence de pratiques apparues au tournant du siècle (eh oui, déjà) dans une période plus faste : les speed dating, talent day, open day (ou bar), invitations au stade, concert, poker... en plus des traditionnels forums et amphi-retapes dans les écoles et universités. Dernier en date (20 janvier), la journée de speed recruiting organisée clé en mains par l'équipe Expectra de Grenoble pour Bull en quête de consultants, architectes, etc. Résultat : 45 candidats venus de la région et d'ailleurs. Prochain rendez-vous entre autres : une invitation pour trois jours de ski à Serre-Chevalier, pour 150 étudiants sélectionnés sur jeu-concours sur la page Facebook de la société d'ingénierie Akka. .
Tous chefs de projets ? |
Le site d'emploi Qapa mise sur le matching des compétences recherchées et souhaits des candidats plus que sur le CV. De quoi cerner le décalage entre offre et demande sur le plan qualitatif. Au bilan de cinq mois d'activité du site, tant pour les postes proposés par les entreprises que pour les métiers demandés par les candidats, la catégorie chef de projet vient en tête de liste. Mais là où près de 6000 postulants chefs de projet (informatique, web, multimedia) s'inscrivent, soit trois fois plus que des développeurs et concepteurs (sans parler des postes de technicien), les employeurs eux privilégient légèrement l'intitulé chef de projet pour leur recherche de renfort (environ 2500) sur celles de développeur, analyste, ingénieur ou technicien. Révélateur, du décalage persistant d'image dont pâtit l'informatique à la française, où l'on préfère être « manager » dans une armée mexicaine de chefs, plutôt que reconnu pour ses compétences techniques. En revanche, la répartition géographique des candidats est plutôt fidèle à celle des postes offerts, avec une écrasante majorité en région parisienne, devant les régions du sud-est (Rhône-Alpes et Paca) et une presque équitable répartition vers les autres régions. |
Mainframe et moyens systèmes: un îlot de compétences raréfiées
Dans un monde fasciné par la réussite technologique et capitalistique du concepteur de l'iPhone, il est aussi des constructeurs, intégrateurs et DSI qui n'oublient pas l'importance du socle (legacy) sur lequel s'est construit couche après couche ce déferlement de technologies. Et l'importance des compétences que l'évolution de ce socle réclame.
En témoigne l'étude présentée l'an dernier par CA Technologies en prélude au lancement de sa Mainframe Academy. Trois fois sur quatre (73% des réponses), le mainframe fait partie de la stratégie de cloud computing des entreprises, et 80% d'entre elles entendent continuer à investir dans la formation des personnels nécessaires au fonctionnement de ces environnements. Ne serait-ce que parce qu'il est de plus en plus difficile de trouver des compétences opérationnelles sur le marché de l'emploi. Même constat fin 2011, avec l'enquête BMC, cette fois insistant sur l’automatisation intelligente, le suivi des performances qui préservent les ressources, la gestion de la capacité... qui ne se font pas sans montée en compétences du personnel concerné.
En 2008, IBM avait réagi à la pénurie annoncée (un manque de 20 000 experts mainframes pour la décennie). En France, des accords ont été conclus dans le cadre de l'opération zNextGen avec des écoles (Epita, Esial, Infosup) . Quelques intégrateurs de renom (Capgemini, Acti, Sodifrance, Aedian) ont emboité le pas en recourant au dispositif de contrats de professionnalisation. Au programme : proposer des parcours diversifiés, sur fond d'un complément de formation mainframe (Cobol, TSO, base de données), recherchée sur certains chantiers de migration, mais pas seulement (interfaces avec les systèmes ouverts).
Qu'en est-il à l'orée de 2012 ? Si l'on en croit le suivi de l'équilibre offre-demande de prestations assurée par HiTechPros, en France, la demande de renfort en compétences mainframe tourne autour de 4,5 % de la demande, toutes prestations confondues. Bien loin de la catégorie « nouvelles technologies » qui accapare 30% de la demande.
2% de la demande de prestations, néanmoins...
Le constat de rareté des compétences -départ en retraite des anciens aidant- vaut aussi pour l'environnement AS/400 (moyen système). Un coup d'oeil sur le marché des freelances semble en témoigner (410 offres de missions affichées par le site freelance-informatique.fr). Selon le baromètre HiTechPros, ce créneau ne pèse que pour environ 2% de la demande des entreprises auprès des SSII. Il n'empêche : « cette plateforme est injustement délaissée par la formation initiale et continue », regrette Henri Stuckert, pdg d'Eureka Solutions.
En regard des besoins des entreprises équipées par cet environnement vedette d'IBM, cet éditeur d'ERP a pris l'affaire en mains en montant avec un cabinet de recrutement de sa région (Experts Mulhouse) et Adecco Formation, un cursus de 22 jours proposé sous contrat de professionnalisation. Architecture du système, base de données intégrée, procédures d'exploitation, automatisation des tâches, langage de développement (RPG, GAP), restitution des données : un programme de 150 heures, étalé sur six mois, en alternance avec la pratique en entreprise.
La prise en charge de la formation, assurée par Adecco, permet à l'entreprise qui a recours à cette formule d'interim aménagé de ne pas grever son budget de formation. Question envergure, rien à voir avec les milliers de cobolistes que l'on disait réclamés autour des mainframes. Pour cette initiative régionale, la formation vise à former cinq spécialistes AS/400 tels qu'ils sont attendus par le tissu local.
Désaffection des jeunes pour les études? Pas pour la Miage, en tout cas
Le sait-on assez ? En informatique, 50% des parcours d'études sont proposés en alternance et/ou professionnalisation (selon le Spécif)*. C'est le cas de la Miage. Une des raisons de son attractivité tant auprès des jeunes que des employeurs. « Cette année encore, nous recevons dix fois plus d'offres pertinentes de stages que nous n'avons d'étudiants », constate Pierre Crescenzo, directeur de la Miage à Nice (master méthodes informatiques appliquées à la gestion) et vice-doyen de la faculté des sciences. Les trois années du cursus (depuis bac+2 jusqu'à bac+5) font le plein avec 220 étudiants. Près de 15% en plus qu'il y a deux ans. Et encore ! « Avec 15% d'étudiants étrangers, nous sommes loin de pouvoir répondre aux demandes d'inscription qui nous viennent de partout, des pays de l'Est, du nord, de l'Asie, du Maghreb ».
Réconfortant, à l'heure d'une désaffection avérée des jeunes pour les études scientifiques. Car le constat est national. Des vingt IUP-Miage sont sortis 1100 diplômés en 2011. Une bonne centaine de plus qu'en 2010. «A l'entrée du cursus, à bac+2, nous avons trois candidats pour une place », confirme Daniel Marquié, président de la conférence des directeurs de Miage et directeur de la Miage de Toulouse. Certains IUP (dont celui de Nice) ouvriront l'accès à bac+1 l'an prochain.
Comme pour les écoles d'ingénieurs, le fait d'avoir communiqué sur les débouchés a porté ses fruit, de même que le taux d'insertion professionnelle : « proche de 95% trois mois après le diplôme », selon Pierre Crescenzo, pour ceux qui persévèrent jusqu'à bac+5, car il y a aussi des abandons en cours de route. Et il ne s'agit pas d'un effet de mode, mais bien de la reconnaissance d'une filière qui a fait ses preuves.
Des conventions de partenariat avec les entreprises
«Nous ne formons pas des informaticiens purs et durs, mais proposons une double compétence, en informatique et en gestion, adaptée à la culture du système d'information des entreprises », rappelle Daniel Marquié. Ce qui inclut une mise à niveau régulière des programmes pour suivre l'évolution galopante des technologies. « On nous reprochera toujours d'avoir un cran de retard, sur les besoins des entreprises», rétorque Pierre Crescenzo. «Mais notre rôle est de préparer des jeunes à l'exercice d'un métier et non pas de former aux technologies dernier cri, même si, par la force des choses, nous les avons intégrées à nos programmes : entre autres, JAVA, PHP depuis 4-5 ans, Python ou encore les méthodes agiles dans la préparation au management de projet ».
Les employeurs non plus ne s'y trompent pas. «Même dans le climat d'incertitude actuelle, le niveau de sollicitation pour des stages, tant de la part des SSII que des grands comptes, voire des PME ne faiblit pas », observe Pierre Crescenzo. Tous ne riment pas avec pré-embauche. Loin s'en faut. Mais pour répondre de façon coordonnée à ces sollicitations, le réseau des IUP-Miage a amorcé une démarche de convention avec les entreprises. Des accords de partenariat sont signés au niveau national et/ou décliné localement ( Atos, Sopra, Sogeti, itSMF, Oracle, SAS, Mozilla, Harris à Grenoble, Additeam à Lille, liste non exhaustive) pour les diverses formes de collaboration classiques : accueil de stagiaires, interventions de professionnels dans les cursus, accompagnement de projets. Sans oublier l'alternance qui poursuit son essor dans cette filière.
A Toulouse, ce sont 90 étudiants-apprentis placés dans une quarantaine d'entreprises. « Au total, la filière Miage a dépassé le cap des mille étudiants en apprentissage, avec, en dernière année d'études, master 2, plus d'étudiants en alternance qu'en formation présentielle », relève Daniel Marquié. Un site pour recenser ces partenariats, pour savoir où, avec qui et comment ça se passe ? « Nous y travaillons », répond ce dernier. (*) Enquête du Spécif (association des enseignants-chercheurs en informatique) à laquelle ont 14 établissements universaires, dont 4 IUT.