AWS : des recrutements qui en disent long sur la feuille de route
AWS embauche des milliers de personnes dans des départements clés. Révélateur de la feuille de route du groupe et des services à attendre chez le n°1 du Iaas public.
Les nombreuses embauches effectuées par Amazon pour ses activités Cloud peuvent laisser entrevoir quelques pans de la feuille de route technologique d’AWS.
Cette frénésie de recrutement que se livre Amazon pour ses activités Web Services a justement été au cœur du discours du CTO de la société, Werner Vogels, qui est intervenu courant mars. Selon lui, 30 à 40% du temps de ses ingénieurs est aujourd’hui pris par le recrutement. Rien que pour les activités AWS, la société a publié plus de 2 400 offres d’emploi sur son site dédié, Amazon.jobs.
Et certains de ces postes recherchés révèlent les orientations technologiques que souhaitent prendre AWS, comme un nouveau tableau de bord pour la gestion des coûts (), actuellement en préparation, et pour lequel Amazon recherche des développeurs. Cette console devrait proposer des outils, tels qu’un tableau de bord, des outils de génération de rapports graphiques afin de mieux comprendre la facturation. Il devrait permettre de visualiser des schémas type de consommation, comme l’indique l’annonce intitulée Software Development Engineer – AWS Cost Insights.
L’outil doit également permettre d’anticiper les budgets et d’alerter les clients afin de mieux contrôler en amont leurs dépenses, de les gérer et de les ajuster. Une façon de répondre aux exigences des grands clients AWS avec une forte volumétrie. Cette console proposera aussi des APIs pour le développement en propre d’outils analytiques.
Actuellement, AWS met à disposition Trusted Advisor, un outil qui identifie par exemple les ressources sous-utilisées pour au final réduire les coûts. Autre brique identique, le Cost Explorer de la console Billing and Management - mais l’outil n’agrège que des données du mois en cours ou et les quatre mois précédent. Cost Explorer ne met à jour les dépenses qu’une fois toutes les 24 heures.
« L’année dernière, lors de la conférence Re :Invent, les clients avaient laissé entendre être à la recherche d’une solution capable de mieux gérer et analyser les coûts ; une brique manquante, selon eux », affirme Carl Brooks, analyste au sein du cabinet 451 Research. «Ce ne serait pas une surprise si un outil étaient en gestation sur ce thème. »
Un écosystème s’est par ailleurs créé autour de la gestion des coûts d’AWS, avec des entreprises comme Cloudyn et Cloudability. Mais « ils comblent clairement une lacune d’AWS et AWS est bien connu pour identifier ces lacunes et les combler lui-même », soutient Carl Brooks.
La gestion des coûts est également au cœur des travaux d’une équipe de développement interne baptisée « Kumo », toujours selon les annonces publiées par Amazon. Trusted Advior fait d’ailleurs partie des applications développées par cette équipe. Elle travaille sur trois projets distincts dont des applications orientées clients. Big Data, applications dites sociales, machine learning et data mining sont les technologies citées dans les annonces. La description du poste mentionne également qu’AWS dispose de brevets sur la question.
Selon la description d’un poste, l’équipe Kumo cherche aussi à améliorer le support aux clients. Une intégration avec le service de streaming de données, Kinesis, pourrait délivrer une information à la minute.
Un service d’indexation pour S3
Autre référence, celle liée à S3 Index Services. « Les clients ont besoin de services d’index à l’échelle pour ajouter et extraire leurs données depuis Amazon S3 », indique une autre annonce. « Nous recherchons des développeurs expérimentés capables de développer des systèmes distribués qui gèrent notre outil de recherche de données. »
S3 dispose déjà d’un système de recherche par ID de l’objet, affirme Mike Matchett, un analyste du Taneja Group. « S3, comme tout autre système de stockage objet, peut être vu comme un outil de stockage clé / valeur, comme nombre d’alternatives NoSQL », explique-t-il. Il dispose également de headers personnalisés, en gros des métadonnées, également stockés avec les objets.
L’indexation peut théoriquement s’opérer à trois niveaux : la clé de l’objet, les métadonnées et le contenu. « Aujourd’hui, si vous voulez indexer les métadonnées ou le contenu d’un objet, vous êtes seul face à S3 », ajoute-t-il. Selon lui, les utilisateurs créent, parfois, leur propre base de métadonnées. S3 indexe les clés en back-end et via la console graphique, ils peuvent utiliser les fonctions d’auto-complétion pour rechercher une clé spécifique - ce qui dépendra des clés précédemment indexées.
Ces fonctions d’indexation de clés pourraient être étendues pour supporter les recherches PERL effectuées sur les clés des objets, soutient également Mike Matchett.
« S’il devait y avoir des développements sur S3, c’est dans ce domaine que cela est souhaitable. Avec la possibilité de savoir que des buckets peuvent contenir des millions de clés et d’en permettre une extraction plus directe, AWS pourrait éviter aux clients de réaliser des recherches ainsi que des opérations de filtrages inefficaces », affirme-t-il. Il est également peu probable que S3 se mette soudainement à évoluer vers l’indexation de contenu et de la donnée.
En outre, les performances de S3 sont également au centre d’une autre annonce publiée par AWS.
La base de données : une des priorités
Sur les plus de 2 400 postes ouverts pour Amazon Web Services, RDS (Relational Database Service) compte pour 960 des résultats. La plupart est dans l’ingénierie logicielle et d’autres comprennent d’alléchantes propositions : « nous pensons qu’AWS et les activités de services de bases de données n’en sont qu’à leurs balbutiements. D’ici quelques années, elles représenteront une grande partie des activités d’Amazon. » Certains autres postes sont aussi liés aux Professional Services : « ne soyez pas surpris si ces deux catégories se regroupent dans une offre de support comme peut le proposer Oracle, pour les offres de bases de données d’AWS, souligne Carl Brooks.
De son côté, le CDN du groupe, CloudFront, fait l’objet de 146 offres de postes. Certains observateurs du marché se demandent si AWS n’essaie pas de rivaliser en termes de fonctionnalités avec Akamai, par exemple. D’autres affirment qu’il s’agit là d’un élément capital car les sites des points de présence CloudFront donnent des pistes sur la prochaine implantation de datacenters.
Parmi les autres projets identifiés dans ces annonces, on retrouve :
- Un nouveau service dans le domaine de l’hébergement cloud de gestion d’actifs
- La prochaine génération de log de base de données. Amazon a déjà mentionné l’intégration de CloudTrail à Lambda dans des conférences analystes.
- La version 1 d’un service de sécurité développé pour sécuriser les données sur AWS.
AWS : trop important pour rester secret
AWS et ses chiffres restent généralement secrets. Mais cela risque de changer avec la décision d’Amazon de créer une ligne distincte pour ses activités Cloud.
« Je serais curieux de connaître les salaires et ce que cela signifie dans la stratégie d’investissement d’Amazon. Je pense que cela pourrait être la raison pour laquelle Amazon dévoile les revenus d’AWS », poursuit Carl Brooks. « Il réalise des investissements conséquents en ressources humaines et s’il ne l’explique pas, cela pourrait déranger les actionnaires. »
Si Amazon peut justifier cette vaste campagne de recrutements en montrant la croissance des activités Cloud, cela pourrait bien tranquilliser les actionnaires, même si dévoiler les choses, en général, n’est pas dans l’ADN de la société. Toutefois, « ils ont atteint un tel niveau, en terme de taille et d’échelle, qu’ils ne peuvent plus faire autrement », conclut Carl Brooks.