Syntec Numérique : l’IT en France pourrait recruter 25.000 personnes de plus
Le moral des entreprises IT françaises est bon, constate l’association. Mais la pénurie de compétences dans les nouveaux domaines numériques briderait les recrutements. Ce qui pousse Syntec Numérique à souligner l’importance politique de la formation.
Le logiciel, les services IT et le conseil en technologie ont connu une croissance soutenue en 2017. C’est ce qui ressort de l’étude conjoncturelle annuelle du Syntec Numérique. La progression de +3,4% devrait se concrétiser par une création nette d’environ 20.000 emplois en 2017. En 2016, le secteur dans son ensemble avait en effet progressé de 3,4%. Il avait alors créé 19.000 emplois nets, ce qui portait le nombre de salariés à 450.000 en France.
Derrière cette progression positive, se cache pourtant un problème. Les entreprises IT ont du mal à recruter les compétences requises pour accompagner leurs croissances, « ce qui limitent leurs perspectives » regrette l’association qui table tout de même en 2018 sur une croissance encore plus forte en 2018 (+3,6).
Des piliers de croissances qui ont besoin de nouvelles compétentes
Les trois piliers de cette progression sont, dans l’ordre, la transformation numérique (l’IT modifie les métiers) pour 54% des entreprises, la modernisation de l’existant pour 43% d’entre elles, et plus surprenant, la mise en conformité réglementaire (pour 42%). En 2018, Syntec Numérique prévoit même un revenu de quasiment 1 milliard d’euros liés au seul RGPD : 611 millions pour les ESN et 347 millions pour les éditeurs.
Le SaaS est également un facteur clef de la croissance des éditeurs. La majorité des applications collaboratives (messagerie, IM, chat, etc.) et du CRM sont aujourd’hui prises en SaaS par les sociétés françaises. Et si les applications métiers restent très minoritaires en Cloud (moins de 10%), les solutions transverses (RH, compta, finance) sont de plus en plus Cloud. Plus d’un quart sont aujourd’hui en SaaS.
Au final, le SaaS est passé de 18,5% du marché des applications à 21,5 % en un an. Soit une progression de 500 millions d’euros (+22%) quand le « sur site » stagnait (+100 millions, +1%).
Résultat, les compétences demandées évoluent. Et la difficulté à recruter explose.
Recrutements difficiles
Le conseil en technologie est le plus touché. Huit entreprises sur dix déclarent connaitre des problèmes pour trouver des employés qui correspondent aux évolutions du marché.
Les experts en systèmes embarqués (IoT) sont les perles les plus rares - une demande portée par l’aéronautique ou les voitures connectés. Viennent ensuite les experts capables d’accompagner les développements et de déterminer des spécifications.
Quant à la demande la plus élevée, elle concerne la maitrise d’ouvrage, la R&D et les études de faisabilité.
La tension est également forte sur les postes de gestion du cycle de vie et sur le prototypage.
Les ESN, elles, cherchent en vain des Data Scientists (Big Data) ; des experts en cyber-sécurités, des architectes du SI et des développeurs Java, Web et d’informatique de gestion.
La pénurie de développeurs – alors que leur chômage progresse – se retrouve chez les éditeurs. Un sur deux exprime d’ailleurs une difficulté dans ses recrutements globaux.
Les chefs de projets, les architectes logiciels, les consultants métiers et les experts techniques complètent le panthéon des compétences recherchées (et non trouvées) par les éditeurs.
Un secteur qui se revendique « attractif »
Syntec Numérique souligne que le secteur est pourtant attractif – un constat contraire eut été étonnant de la part l’organisation professionnelle de l’écosystème numérique.
Plus de neuf emplois sur dix y sont pourvus en CDI (contre 70% sur l’ensemble de l’économie). Sept postes sur dix sont des emplois cadres (contre à peine 16% globalement en France). Et la rémunération annuelle brute moyenne (49.400 €) dépasse de 15K€ la moyenne nationale.
Malgré cette attractivité, « on se pique les talents entre nous », plaisante à moitié Gilles Mezari (Saaswedo, co-Président du Collège Editeurs de logiciels). « On pourrait avoir 25.000 recrutement supplémentaires », lache-t-il.
Former pour des emplois qui n’existent pas encore
Le diagnostic est encore plus critique si l’on ajoute que, comme le répètent Thierry Siouffi (Atos et co-Président du Collège ESN) et Godefroy de Bentzmann, (Devoteam et Président de Syntec Numérique) « 70% des métiers de demain n’existent pas encore aujourd’hui ».
Le contexte ne mine pas pour autant le moral des décideurs. Les chiffres d'affaires 2018 de l'IT en France devrait retrouver son niveau de 2011, d'après le président de l'association. « Le secteur des activités informatiques figure toujours parmi les plus confiants », confirme l’APEC dans une enquête trimestrielle sur l’emploi cadre. « Les perspectives favorables sur le marché dans les activités informatiques confirment ainsi une tendance de long terme ».
Mais ce contexte pousse Syntec Numérique à mettre la formation professionnelle – interne, des jeunes, et des sans-emplois – au cœur de ses priorités 2018 pour contenir la baisse continue des candidatures. Le nombre de réponses est passé de 33 par offres en 2014 à 23 en 2017.
Soumia Malinbaum, Syntec Numérique
« Le secteur consacre en moyenne 5 à 6% de sa masse salariale brute à la formation », relève Soumia Malinbaum (Keyrus, co-Présidente de la Commission Emploi, Formation, Education). Ce chiffre n’est que de 2,6% pour le reste de l’économie.
La co-présidente prévoit par ailleurs de nouvelles actions collectives pour « co-construire avec l’industrie les métiers de demain » sur la cybersécurité, sur l’open source (dont le « basculement commercial a eu lieu il y a 3 ans environ » dixit Godefroy de Bentzmann) et sur les langages de développement.
2018 : plus de femmes, plus de médecine
L’organisation prévoit également plusieurs actions de sensibilisation « dès l’école » pour augmenter à terme la mixité dans l’IT en France. « Il n’y a aujourd’hui que 27% de femmes dans le secteur », regrette Soumia Malinbaum, « et sensibiliser en entreprise, c’est trop tard ».
Syntec Numérique annonce que sa commission Femmes du Numérique travaillera sur le sujet avec le Cigref, plusieurs associations et un réseau d’écoles.
Toujours sur la formation, Godefroy de Bentzmann espère que le lobbying de Syntec Numérique aboutira à la concrétisation de la simplification de l’accès à la formation pour tous.
Il attend également que la transformation du système de santé deviennent une réalité (télémédecine, parcours de santés, Groupements hospitaliers de territoire) à partir de l’année prochaine, ce qui devrait amener un nouveau relais de croissance – et d’embauches – pour ses adhérents.