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Automatisation et emploi IT : l’exemple indien
L’industrie indienne des services informatiques cherche depuis longtemps la voie de la croissance non linéaire. Elle semble l’avoir finalement trouvée, au détriment de l’emploi.
L’industrie indienne des services IT cherche, depuis de longues années, à obtenir une forme non linéaire de croissance, à savoir, ne dépendant pas de recrutement en masse continus. Au printemps 2013, HCL le soulignait à nouveau, tandis que TCS en montrait la mise en pratique : il ne prévoyait alors de ne recruter que 45 000 personnes au cours de son exercice fiscal 2013-2014, contre 69 000 au précédent.
Aujourd’hui, Cognizant, Infosys, Wipro et Tech Mahindra semblent avoir également trouvé la voie. Nos confrères de l’Economic Times of India le soulignent ainsi : leurs effectifs ont reculé au cours de la première moitié de l’exercice fiscal en cours. HCL et TCS ont renforcé les leurs au cours de la même période, mais seulement d’une « fraction » de ce qui avait été le cas un an plus tôt. Au total, « les effectifs de ces six entreprises réunis ont reculé de 4 157 au cours des six premiers mois de cet exercice, contre un accroissement de près de 60 000 durant la même période l’an passé ».
Ce phénomène semble trouver son origine dans le recours croissant à l’automatisation, qui notamment « redondants des milliers d’emplois les moins qualifiés ». Et cela vaut notamment pour la gestion de l’infrastructure, ou encore le développement et la maintenance applicative : « les entreprises cherchent à embaucher des personnes avec des conséquences précises, dans des domaines tels que la science des données, l’apprentissage automatique, l’intelligence artificielle, et l’Internet des objets, mais les taux de croissance dans ces domaines et la nature de l’activité ne nécessitent pas des embauches à grande échelle ». Des emplois sont donc bien créés alors que d’autres sont détruits, mais pas dans les mêmes proportions.
Certains estiment toujours que l’automatisation et les technologies d’intelligence artificielle ne représentent pas une menace pour l’emploi IT. Dans certains domaines où l’industrialisation a déjà atteint des niveaux très élevés, comme la gestion des infrastructures virtualisées, l’automatisation évite toutefois déjà des recrutements.
En fait, l’Inde semble là faire la démonstration des premiers signes d’un phénomène considérablement plus large sur lequel les avertissements n’ont pas manqué ces dernières années. A Davos, fin janvier 2014, Eric Schmidt avertissait ainsi des risques que fait peser l’IT sur l’emploi.
Mais déjà à l’occasion de CA World 2011, Dave Dobson, vice-président exécutif de CA Technologies le reconnaissait volontiers : « oui, l’IT s’industrialise elle-même. Nous sommes en train de diviser des briques en composants fonctionnels comme sur une chaîne d’assemblage ». Un parallèle qu’il avait utilisé lors de son allocution en ouverture de l’événement. Pour lui, « l’industrie IT est à un point d’inflexion », au cœur d’une transformation qui devrait durer de 15 à 20 ans.
A l’automne 2012, c’est Stéphanie Overby, pour nos confrères de CIO, qui s’intéressait à une start-up britannique, Blue Prism. Celle-ci produit un kit de développement visant à permettre aux utilisateurs métiers de créer des robots logiciels pour automatiser les processus métiers. Un « tueur d’offshore » pour James R. Slaby, du cabinet HfS Research. Blue Prism est entré en bourse mi-mars 2016. Le cours de son action a été depuis multiplié par plus de 14.
Début 2013, TK Kurien, Pdg de Wipro, analysait simplement la situation : « ce que vous avez vu en termes de gains de productivité dans les activités manufacturières est en train d’arriver aux services ». Et comme le relevait Vijay Sivaram, directeur de recrutement chez Ikya Human Capital Solutions, « le test logiciel, qui était traditionnellement réalisé manuellement, est passé aux processus automatisés ». TCS, Infosys, Wipro ou encore Cognizant ont bien compris l’importance du phénomène en développant de la propriété intellectuelle autour des composants réutilisables.
TK Kurien faisait alors un parallèle avec l’industrie américaine qui faisait vivre environ 85 millions de personnes dans les années 1970, contre 17 millions désormais. Pour lui, le transfert de main d’œuvre vers les pays à bas coût n’explique pas tout : les gains de productivité se sont faits au détriment de l’emploi.