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Stockage : Intel livre Optane mais temporise ses promesses

Le fondeur lance une nouvelle unité de stockage Optane ces jours-ci, mais reconnaît qu’il lui reste encore beaucoup de travail pour en faire le tiers ultra rapide qu’il avait initialement annoncé.

Quand donc la technologie de mémoire extrêmement rapide 3D XPoint d’Intel tiendra-t-elle ses promesses ? Fin octobre, à New York, le fondeur réunissait clients et partenaires lors de son événement Shift 2017 pour présenter les voies d’innovations qui s’offrent désormais aux entreprises. Si les porte-paroles se sont succédé sur scène pour enfoncer des portes ouvertes à propos de l’intelligence artificielle, des objets connectés et de l’analytique, tous ont néanmoins fait passer l’idée plus originale qu’il était nécessaire d’améliorer radicalement le stockage des données pour parvenir à quoi que ce soit de moderne.

« Les gains de performances se feront désormais en améliorant les mémoires Flash plutôt que les processeurs. Car le besoin des applications de traiter beaucoup de données croît plus vite que l’évolution des DRAM en capacité et des NAND en performances. Nous redoublons donc à présent d’efforts pour innover dans l’accès à l’information, pour aligner le stockage sur les performances des processeurs », a notamment déclaré Robert Crooke, en charge de la branche Non-Volatile Memory chez Intel. 

Soit. Intel lançait justement, en parallèle de l’événement, l’Optane 900P, une nouvelle unité de stockage basée sur cette fameuse mémoire non-volatile 3D XPoint ultra véloce. L’Optane 900P est censée offrir aux stations de travail (vidéo, graphisme...) les mêmes bénéfices que l’Optane DC P4800X présentée en mars dernier apporte aux datacenters (bases de données, machines virtuelles...) : 550 000 IOPS et 2,5 Go/s, soit trois fois plus de bande passante que les meilleurs SSD, pour un prix trois fois plus cher à capacité égale. 

Problème : la technologie 3D XPoint d’Intel était initialement censée multiplier par 1000 la bande passante, sans augmenter d’autant le prix. Nous en sommes très loin.

Optane, un nouveau tiers de stockage... en devenir

« Effectivement, il nous reste à accomplir le rapprochement de l’unité 3D XPoint du processeur. Nous travaillons pour cela avec les équipes CPU, car il ne suffit pas de mettre de la mémoire non volatile sur une barrette de DIMM pour la rendre aussi rapide que la DRAM. Il faut aussi réussir à éviter les goulets d’étranglement logiques, parmi lesquels le fait d’écrire les données via un système de fichiers prévu pour un disque dur », se défend Robert Crooke lors d’une interview accordée au MagIT.

Il explique que les problèmes à résoudre ne sont pas triviaux. Un système de fichiers véritablement conçu pour la RAM - l’idéal étant de mettre des barrettes 3D XPoint et DRAM dans un même pool de mémoire directement adressable par le processeur - doit par exemple mieux vérifier que les informations sont sorties du cache avant de valider une écriture. Il s’agit selon lui de la condition sine qua none pour ne pas perdre de données en cas d’interruption du courant et, donc, de faire de 3D XPoint une solution pérenne.

A propos de l’accélération par 1000 que promettait Intel lors de l’annonce de 3D XPoint en 2015, Robert Crooke joue la carte du malentendu : il s’agirait juste du facteur qui sépare la vitesse des composants DRAM et celle des puces NAND des SSD. 

« Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’un support SSD à base de NAND est aujourd’hui 1000 fois plus lent que la mémoire DRAM dans laquelle le processeur traite ces données. Il y a de fait une fourchette très large d’améliorations envisageables pour réduire au fur et à mesure l’impact de cet écart sur le fonctionnement des applications. Et ce sont ces améliorations qu’incarneront nos solutions Optane », argumente-t-il.

Selon les spécialistes, l’accès à une barrette de mémoire non volatile (NVDIMM) équipée de 3D XPoint pourrait n’être que 5 fois plus lent que la lecture/écriture en RAM, soit, selon Intel, 200 fois plus rapide qu’un SSD classique. Et encore, il est probable que Robert Crooke prenne ici comme référence des SSD connectés en aval d’un chipset, comme dans les baies de stockage. En somme, le facteur d’accélération d’une unité NVDIMM Optane par rapport à une unité NVMe insérée, elle, sur un bus PCIe pourrait n’être plus que de 20. 

Ne pas concurrencer les SSD qui se densifient avec la NAND 3D

Robert Crooke promet qu’Intel concrétisera des barrettes de mémoire non volatile (NVDIMM) en 2018. En attendant, et contrairement aux apparences, le but des unités Optane vendues aujourd’hui comme de super SSD ne serait absolument pas de concurrencer les SSD.

« Les SSD vont continuer à augmenter en densité avec le passage de la NAND 2D à la NAND 3D. Et nous accompagnerons ces développements » dit-il, sans confirmer toutefois qu’Intel fabriquera lui-même des SSD à base de NAND 3D, comme le font déjà Samsung et son partenaire Micron. Et de préciser : « De leur côté, nos solutions Optane incarneront un nouveau tiers de stockage, intermédiaire entre la RAM et les SSD. »

On pourrait dès lors se demander pourquoi Intel commercialise pour l’instant ses solutions Optane sous la forme de SSD NVMe. Robert Crooke répond que le fait de démarrer sur les bus SATA des disques durs n’a pas empêché les SSD de représenter en moins de dix ans un marché annuel de 20 milliards de dollars.

« Le nerf de la guerre est le coût juste. En 2008, lorsque nous avons lancé le premier SSD pour remplacer le disque dur des PC et des serveurs, notre solution était plus chère que les disques durs traditionnels, en revanche elle était la seule qui permette aux utilisateurs de voir l’information dès qu’ils cliquaient dessus. Et le succès a été au rendez-vous car le surcoût relatif des SSD a été compensé par le bénéfice de rendre les métiers plus efficaces. C’est ce phénomène que nous voulons renouveler avec les solutions Optane que nous lançons dès aujourd’hui. Le rapprochement vers le processeur se fera dans un second temps, comme cela a été le cas avec la bascule des SSD vers le NVMe », plaide Robert Crooke. 

Au moins, les solutions Optane sont déjà disponibles à grande échelle 

Interrogé à propos des travaux similaires sur l’accélération de la mémoire persistante chez la concurrence, comme la Resistive RAM de SanDisk et HPE (à base de memristors) ou la mémoire PCM depuis plus de dix ans à l’étude chez IBM, Robert Crooke se veut sévère : « ces équipes ont fait des présentations, mais il y a un monde entre les démonstrations et la capacité de produire quelque chose à grande échelle. En ce qui nous concerne, Optane est aujourd’hui disponible », assène-t-il.

Quant au concept de The Machine par HPE, lequel consiste à plutôt mettre en réseau des serveurs au niveau de leurs processeurs (via une connexion photonique), ce qui leur permettrait d’accéder individuellement à une très grande quantité de mémoire à la vitesse maximale, Robert Crooke est plus évasif : « nous créons le futur, nous ne le commentons pas », dit-il. 

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