Java EE rejoint MicroProfile à la Fondation Eclipse
Les deux communautés décideront désormais ensemble des évolutions de la plateforme Java. Une proximité qui devrait accélérer l’intégration de Java aux architectures modernes bâties sur les microservices par exemple.
Java EE change officiellement de gouvernance. A partir de Java EE 8, dont les spécifications ont été approuvées le 21 août dernier, Java Enterprise Edition (Java EE) adoptera un modèle Eclipse. Après avoir annoncé le mois dernier son intention de transmettre la plateforme à une fondation Open Source, Oracle, accompagné d’IBM et de Red Hat, ont finalement arrêté leur choix sur Eclipse, bien connue dans le monde du développement Java – et des outils de développement en général. La fondation Apache était également en lice.
Dans un billet de blog, David Delabassee, évangéliste chez Oracle, explique que dans le cadre de cette décision, les technologies Oracle changeront de licence (pour celle d’Eclipse, donc – EPL, Eclipse Public Licence), les processus de développement seront redéfinis et un nouveau nom de baptême est actuellement à l’étude. Si Oracle conserve les offres de support de Java EE 8, l’évolution de la technologie est désormais placée entre les mains de la communauté Eclipse et de ces mécanismes de gouvernance. En clair, la fondation Eclipse, sa gouvernance, sa communauté et ses processus seront les piliers qui supporteront le rythme d’innovation de Java EE. Ce que rappelle d’ailleurs Mike Milinkovich, le patron de l’institution Open Source.
Pour l’ensemble de la communauté Java EE, ce transfert représente une étape clé dans l’évolution de la plateforme sur laquelle repose aujourd’hui nombre d’applications critiques d’entreprise. Une étape clé et presque un soulagement, finalement. Car les mauvaises relations internes au JCP et les processus quelques peu anciens de l’organisation avaient crispé la communauté, voire l’avait quelque peu figé. Un modèle que Kohsuke Kawagushi, actuel CTO de la société Cloudbees (que l’on connait également pour être le père du serveur d’intégration continue Jenkins) estime aujourd’hui inadapté : « A l’origine, les principes de Java EE étaient de rassembler plusieurs acteurs majeurs et de les faire travailler ensemble sur une plateforme commune, en prenant en compte le fait que les utilisateurs ne devaient pas être verrouillés sur cette plateforme. Mais, aujourd’hui l’écosystème Java ne fonctionne plus comme cela », commente celui a également contribué à l’élaboration des spécifications de Java EE, interrogé lors du dernier Jenkins World.
Java EE rejoint ainsi MicroProfile
« Eclipse est connu chez la plupart des contributeurs à Java EE », note de son côté Ian Robinson, architecte en chef chez IBM, qui travaille notamment sur le projet WebSphere Foundation. Surtout, la fondation Open Source a déjà été choisie pour héberger le projet MicroProfile. MicroProfile, présenté pour la première fois lors du Red Hat Summit – Dev Nation 2016, réunit notamment Red Hat et IBM ainsi que d’autres membres de la communauté Java dans le but de préparer la plateforme aux nouvelles tendances de l’IT moderne et aux nouvelles architectures ; à commencer par les microservices. La création du projet et de sa communauté cristallisée au sein d’Eclipse avait été motivée par les trop lentes évolutions de la plateforme Java, et les retards à répétition de JEE 8. MicroProfile avait ainsi été présenté comme une forme de contournement communautaire des processus classiques de Java.
Un point sur lequel Rich Sharples, directeur chez Red Hat, s’accorde dans un billet de blog. S’il juge cette initiative d’Oracle « une première étape importante et concrète dans l’évolution d’Enterprise Java », Il espère que cette proximité au sein d’une même fondation facilitera à terme « un alignement » entre MicroProfile et Java EE.
Si la Fondation Eclipse est certes un choix logique au regard de sa popularité dans le monde du développement et par la présence de projets proches de Java EE, sa structure inhérente est aussi une bonne nouvelle pour la communauté. Eclipse a en effet la particularité d’avoir placé les utilisateurs et l’industrie au cœur de sa gouvernance, leur donnant la capacité de faire évoluer les projets Open Source proche des besoins métiers. Ce qui a d’ailleurs fait émerger des projets clé, à l’image de Papyrus, outil de modélisation né chez Ericsson et contribué à la fondation. Cette voie est d’ailleurs empruntée par la Cloud Foundry Foundation.
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Aussi essentiel pour l’écosystème IT soit-il, ce passage de Java EE à la fondation Eclipse s’inscrit dans une stratégie plus globale d’Oracle, souvent pointé du doigt pour ses rapports de force avec le monde de l’Open Source.
La semaine dernière, par exemple, la firme de Redwood Shores a annoncé une accélération des cycles de releases de Java SE (une mise à jour tous les 6 mois), mais a surtout montré son implication à publier sous une licence GPL l’OpenJDK (l’implémentation Open Source du JDK). Autre surprise : la promesse d’une parité entre les binaires d’OpenJDK et ceux de son propre JDK pour la fin 2018 - suite à la contribution des fonctions dites commerciales de l’Oracle JDK à Open JDK.
Un passage d’une licence Oracle Binary Code License à la GPL qui devrait libérer la communauté Java de toutes contraintes, résume encore Mike Milinkovitch. « Cela signifie que Java sera enfin dégagée, explicitement et implicitement, des restrictions d’usage qui l’ont poursuivi depuis sa création. Les développeurs seront libres d’utiliser Java sur tous types de terminaux, sans autre licence ni permission. » Et de préciser : « Même si l’ensemble du code source était Open Source depuis des années via l’OpenJDK, (il restait certaines) subtilités en matière de contenu, performance et fiabilité qui empêchait une adoption généralisée d’OpenJDK par les entreprises et l’industrie. » Un grand pas en avant, donc.