beeboys - stock.adobe.com
DOCAPOST complète la Blockchain pour l’adapter à l’archivage de documents
La filiale du Groupe La Poste est en train d’expérimenter les Digital Ledgers. Comme souvent, l’idée vient plus d’une volonté de tester la technologie que d’un besoin identifié. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’intérêt.
« La blockchain fait partie depuis 2014 des technologies qui sont regardées par DOCAPOST », assure Olivier Senot, Directeur du Développement des nouveaux services Dématérialisation de la filiale de la Poste. Après 3 ans d’expertise, une solution va voir le jour d’ici la fin de l’année.
Une « issue de la volonté d’étudier les interactions à la fois techniques mais également juridiques entre la blockchain et l’archivage ». La dimension juridique de la Blockchain est en effet problématique, l’usage divers des DLT (Digital Ledger Technology), dont l’horodatage ou la preuve d’existence ou d’intégrité, n’étant pas reconnu par les tribunaux.
Lier des informations d’une blockchain à un document externe
Le service de DOCAPOST permet de stocker un document dans un espace « à la Dropbox » puis d’enregistrer le dépôt (via un hash du document) dans une blockchain.
La solution se veut agonistique et fonctionne avec toute la famille de blockchains, qu’elles soient publiques, privées ou de consortium.
A la base, la blockchain permet de graver dans le marbre toutes les informations (débiteur, créditeur, montant, heure et date des transactions) des échanges effectués entre les utilisateurs d’une monnaie virtuelle. Depuis, les variantes se sont multipliées pour tenter d’adapter ses principes techniques (chainage par hash entre blocks, distribution massivement parallèle du registre, etc.) à des usages qui n’étaient pas prévus initialement.
Une des options explorées est de gérer des informations en rapport avec d’autres « sous-jacents » qu’une monnaie : document, œuvre d’art, matériel et même nourriture. Ce qui pose la question de relier un élément extérieur à une blockchain.
« La souche de cette technologie est basée sur des transactions financières n’ayant aucune autre information à transporter que sa propre valeur. Dès lors que l’information transportée se rapporte à un objet externe - ici un document - alors il fallait proposer un moyen de conserver dans les règles de l’art l’objet référencé dans le registre », synthétise Olivier Senot.
S'adapter aux limitations de la Blockchain
Le problème, ici, est que pour faire ce lien, il n’est pas possible d’utiliser le registre (qui ne prévoit pas qu’on y inscrive une chaine de caractères autre que celles des transactions). Il faut donc arriver à stocker une information (le hash du document) par un autre moyen.
Dans la Blockchain Bitcoin (la mère des blockchains), des artifices existent - comme utiliser le script standard OP-RETURN. Mais la taille des données est alors limitée à 40 octets et cet usage est décrié par une grande partie de la communauté. « Dans la blockchain Ethereum (NDR : celle utilisée pour la première application de DOCAPOST), ces informations sont stockées dans l’attribut log d’une transaction », précise Olivier Senot (lire par ailleurs).
Attribut "log" dans Ethereum
Les attributs log sont créés via un Smart Contrat et doivent être consultés par un Smart Contrat.
Dans le SDK Ethereum, il existe une librairie appelée Web3J qui permet de créer un objet via un Smart Contrat. Lors de cette création, il est autorisé l’ajout de balises spécifiques dans le container « attribut log » au travers du paramètre « log ».
Cet « attribut log » n’apparait pas dans Etherscan car il n’existe pas en dehors des objets faisant appel à lui.
En conséquence seules les transactions initiées par un Smart Contrat utilisant l’« attribut log » disposeront d’une valeur complétée. Ces valeurs étant propres à l’initiateur du Smart Contrat, Etherscan n’affiche jamais cet attribut.
Olivier Senot, Docapost
Pour simplifier la procédure, la solution de DOCAPOST s’occupe du hash du document et de le stocker dans la Blockchain. « Dans le cas d’une mise en œuvre sur une blockchain publique, chaque versement fera l’objet d’une transaction en crypto-monnaie », prévient le responsable.
DOCAPOST enrichit les blockchains, pas l’inverse
En d’autres termes, DOCAPOST veut amener une valeur ajoutée (celle de ses certifications) aux entreprises qui souhaiteraient utiliser une blockchain pour archiver la preuve un document.
DOCAPOST est en effet déjà un tiers de confiance certifié, disposant des certificats ISO et NF qui permettent « d’offrir toutes les garantis en terme d’opposabilité » alors que la blockchain, elle, n’apporte qu’« un début de preuve au travers d’un faisceau technique ».
« Sa conception exclue de facto la présence d’un document en son sein, DOCAPOST apporte à l’environnement blockchain un moyen de garantir la conservation intègre et normative des documents sous-jacents aux transactions réalisées », avance-t-il.
On pourrait se dire qu’avec le hash du document conservé, tout service de type Dropbox couplé à la blockchain (document dans Dropbox, Hash dans la blockchain) permet aussi d’assurer que le document est bien le bon et graver sa date de dépôt.
« Vous pourriez également le conserver sur votre disque dur », plaisante Olivier Senot. « Le tiers archiveur apporte une autre dimension que celle de la simple conservation. […] l’archivage chez un tiers de confiance permet de garantir que le document sera conservé dans le respect des conditions légales, réglementaires et jurisprudentielles ».
La blockchain et la justice : deux mondes à part
Ce dernier point – la jurisprudence – est peut-être le plus important. La justice aujourd’hui ne reconnait pas un dépôt via blockchain. Elle peut le considérer comme un début de preuve mais elle exige encore un tiers de confiance certifié (ce qui, ironiquement, est à l’opposé de la philosophie originelle de la blockchain).
Olivier Senot est catégorique. « Le statut d’un hash stocké dans une blockchain n’a aucune valeur juridique en France à ce jour ».
La jurisprudence évoluera certainement. Des éléments stockées dans une blockchain pourront peut-être à terme être pris en compte dans un faisceau d’informations pour déterminer la recevabilité d’un dépôt. Mais d’ici là, et a contrario de la Blockchain seule ou jumelé à un Dropbx-like, « l’intégrité d’un document versé dans un Service d’Archivage Electronique (SAE) à vocation probatoire ne peut être remise en cause ».
Compléter les Smart Contracts… quand ils seront utilisés
Au-delà d’amener la reconnaissance juridique à un archivage qui utiliserait une blockchain, DOCAPOST imagine déjà des utilisations où des Smart Contract sont complétés par une documentation administrative et juridique.
Par exemple, dans le cadre d’une location de voiture, on peut imaginer qu’une transaction qui s’appuie sur une blockchain valide le paiement et la période de disponibilité et qu’un « smart contract » donne accès au véhicule loué.
« Cette transaction peut se référer à un document au travers de son hash. Mais elle n’embarque jamais le contrat de location », du fait qu’une blockchain n’est pas une base orientée documents. « La mise en œuvre du service d’archivage électronique sur cette application blockchain permettra aux parties de disposer d’un contrat électronique regroupant les différentes clauses (par exemple qui est responsable en cas de PV pour stationnement interdit), ce document étant opposable aux tiers et aux contreparties ».
Encore faut-il que les voitures soient ouvrables via une connexion (NFC ou réseau). C’est le cas chez Drivy aux Etats-Unis ou de Koolicar en France, mais le parc qui répond à cette exigence est encore très limité. Et surtout, ce type d’usage de DOCAPOST décollera si les « smart contracts » se généralisent en production. Ce qui est aujourd’hui loin d’être le cas.
Avec la blockchain, DOCAPOST se positionne « pour voir » et pour compléter les points faibles des DLT « de tout acteur blockchain […] souhaitant intégrer l’archivage dans son application ».
Le service sera en production au dernier trimestre 2017. La première application est basée sur QORUM/ETHEREUM. Les entreprises suivront-elles cette option Blockchain pour leur archivage, ou resteront-elles dans l’optique SAE traditionnelle ? Le succès commercial du service de DOCAPOST apportera un début de réponse. A suivre donc.