L’Internet des Objets transforme petit à petit les sites industriels
L’IoT et son pendant industriel (IIoT) facilitent la collecte et l’analyse de de données issues d’usines réparties dans différents sites. Les premiers résultats des « smart factories » se font jour. Mais la prudence persiste en Europe.
Les industriels commencent à s’approprier l’Internet des Objets (IoT) pour transformer leurs processus critiques –notamment dans les domaines de la maintenance des chaines de production, dans la gestion de la qualité produit ou pour l’optimisation de la consommation énergétique.
L’Industrial Internet of Things (IIoT) promet de réduire les coûts, de gagner en efficacité et de générer de nouveaux revenus grâce à de nouveaux modèles (qui souvent ajoutent du service lié aux données générées).
Selon Cisco, les industriels compteront pour 27% des 14,4 trillions de dollars de dépenses dans l’IoT entre 2013 et 2022. Sur cette période, les « smart factories » devraient compter à elles seules pour 2 trillions.
L’IoT casse les silos existants
Les industriels ont depuis longtemps des données sur leurs usines. Mais ces données ont été enfermées dans des logiciels de gestion propriétaires qui ont créé des silos, rendant difficile voir impossible une prise de décision qui s’appuie sur des données objectives. C’est ce que constate Matt Wells, spécialiste de l’automatisation chez GE Digital (un des plus gros acteurs de l’IIoT avec Siemens).
« L’IIoT change la donne dans le sens où il facilite la collecte et le traitement de grosses quantités d’informations industrielles, non seulement dans une usine mais aussi entre plusieurs sites de production via la Cloud », avance-t-il. « En jumelant ces informations à de l’analytique, les entreprises bénéficient d’enseignements de meilleurs qualité qui leur permettent d’optimiser l’organisation des ateliers et des chaînes, de réduire les rebus, ou encore de faire de la maintenance prédictive ».
Toujours d’après lui, l’IIoT et le Cloud Industriel gagneront à coup sûr des clients en prouvant que la prise de décision qu’ils permettent porte réellement ses fruits.
IIoT : les yeux et les oreilles de l’usine
Matt Wells se montre confiant dans cette adoption. Les clients de GE Digital utilisent en effet déjà l’IIoT et l’analytique pour faire de l’APM (Asset Performance Management) – un domaine qui consiste à appliquer des algorithmes prédictifs aux équipements pour éviter des pannes et des défaillances sur les éléments critiques d’un système comme les chaudières ou les compresseurs.
Evidemment, les industriels gèrent déjà ces pannes en prévoyant souvent des solutions de repli pour leurs chaines de productions. Mais ces plans B ont des coûts imprévus et n’évitent pas toujours les interruptions d’exploitation. « Imaginez que vous puissiez évaluer un mois à l’avance qu’un appareil critique donné va tomber en panne. Imaginez tout ce que vous pouvez faire. Vous pouvez mieux choisir le créneau d’intervention et mieux planifier l’interruption, vous pouvez commander des pièces et organiser les équipes en amont, au final vous pouvez minimiser l’impact de la maintenance sur la production ».
Les clients de GE commencent également à utiliser le Machine Learning et l’IIoT pour optimiser leurs consommations énergétiques.
Dans cet usage, les capteurs mesurent des informations comme le signal électrique entrant dans un appareil et des paramètres de pression. Des éléments qui combinés au Machine Learning permettent de déterminer si une pièce d’un équipement fonctionne bien dans des conditions optimales.
« En déterminant où l’on est sur la courbe de charge, vous pouvez vérifier qu’une pièce consomme plus ou moins d’énergie, ce qui a une répercussion importante pour des industriel qui cherchent à réduire leur empreinte énergétique et à optimiser leurs coûts », explique Matt Wells.
Le concurrent de GE Digital, Siemens, voit pour sa part l’IIoT dans les usines comme un moyen privilégié et sans précédent de savoir ce qui s’y passe. Selon Alastair Orchard, en charge du projet Digital Enterprise chez Siemens PLM Software, « un des facteurs qui nous a empêchés jusqu’ici de fournir de la valeur numérique à nos clients, c’est la tâche très laborieuse qui consiste à équiper les usines puis d’avoir la donnée organisée et contextualisée pour lui donner du sens et la rendre disponible pour une analyse ou des simulations ». L’IoT changerait les choses en profondeur. « L’IIoT nous permet de parsemer rapidement et à peu de frais des capteurs un peu partout dans l’usine, ce qui permet de voir ce qui s’y passe réellement sans passer par des déploiements de plusieurs années et sans réorganiser la chaîne ou l’atelier avec de nouveaux équipements ».
L’IoT : de nouvelles opportunités de services associés
Pour Flowserve Corp, un fabriquant texan de pompes, de valves et de joints d’étanchéité, l’IoT est également la voie royale vers de nouveaux business models. Il lui permet de vendre des services associés (de la maintenance prédictive) et, par ricochet, de créer une relation beaucoup plus proche avec ses clients.
« Dans l’ancien monde, avec des données brutes, vous n’aviez pas l’information pour déterminer si et quand vous aviez besoin de tout arrêter », explique Eric van Gemeren, en charge de la R&D de Flowserve. Or « pour un acteur du raffinage, une interruption pour chercher ce qui cloche peut couter un million de dollars par heure ».
Le Machine Leaning apporte une réponse à ces problématiques. Le service associé vendu par Flowserve permet, d’après Eric van Gemeren, de faire tourner les équipements plus longtemps, de réduire les frais de maintenance (« vous ne réparez pas ce qui fonctionne ») et d’améliorer la sécurité des opérateurs.
Ces bénéfices poussent aujourd’hui les entreprises françaises à s’y intéresser de plus en plus. Même si d’après IDC, en Europe (Allemagne mise à part), les industriels semblent plus prudents et conservateurs que leurs homologues américains et asiatique.
Une réalité qui semble changer doucement. Très doucement même, si l’on en croit des acteurs comme SAP (qui a recentré Leonardo au-delà de l’IoT sur la « transformation numérique ») ou Infor qui constatait à sa grand-messe annuelle que l’appétence pour l’IoT en Europe du Sud en reste encore au stade de la réflexion ou, dans le meilleur des cas, au PoC.