Infor présente son AI : elle est noire et elle s'appelle "Coleman"
En faisant référence à Katherine Coleman, l'éditeur d'ERP et d'applications métiers a fait un choix politique salué, lors de l'Inforum 2017, par un public IT qui a rendu hommage, en présence de sa famille, à une des premières ingénieures noires de la NASA.
La chose est assez rare. Il est en effet peu commun d'assister à une standing ovation, vraiment spontanée, à l'annonce d'une nouveauté IT. C'est pourtant ce qui s'est passé ce mardi, à New York, lorsque Infor - le spécialiste de l'ERP en mode Cloud, des applications métiers et de l'Asset Management (EAM) - a annoncé son Intelligence Artificielle (AI).
La marque de respect ne concernait pas directement le bot et les services cognitifs qui pourront se greffer sur les outils de l'éditeur ; finalement la concurrence fait peu ou prou la même chose.
Première noire à la NASA
La vraie marque de respect allait plutôt au nom de cette AI. IBM a Watson, Salesforce a Einstein, Microsoft a Cortana, Wipro à Holmes, AWS a Alexa, Apple a Siri. Infor, lui, a choisi "Coleman". Hommage à Katherine Coleman.
Katherine Coleman Johnson est une des premières noires américaines à avoir travaillé pour la NASA. Mathématicienne, ingénieure, elle est un des esprits les plus brillants de l'histoire de l'IT et de la conquête de l'espace aux Etats-Unis. A tel point que le volontaire du premier vol spatiale a refusé de monter dans sa capsule tant que Katherine Coleman n'avait pas - personnellement et avec ses outils informatiques - vérifié et validé toutes les données du vol.
A plus de 90 ans, Katherine Coleman Johnson a été décorée de la plus haute distinction possible pour un civil (la médaille présidentielle de la Liberté) par un président Barack Obama visiblement aussi ému qu'elle.
En choisissant ce nom de "Coleman", on aurait pu soupçonner Infor de récupération.
Sauf que Charles Philips, le PDG d'Infor, ancien Marins, lui même noire américain, a été conseiller personnel de Barack Obama avant sa première élection. Et que la famille de Katherine Coleman Johnson et l'intéressée elle même (qui à 98 ans) a donné son accord au PDG pour ce baptême. Il faut dire que Charles Philips a joint le geste à la parole bien avant la sortie de son AI : l'histoire de cette pionnière des droits civils a donné lieu à un film (Hidden Figures) qu'Infor a massivement acheté pour le diffuser gratuitement dans les écoles du pays.
De l'art et des sciences
Présente à l'Inforum 2017, la famille de Katherine Coleman Johnson a donc reçu une standing ovation. C'est ce que la (eptite) histoire retiendra.
On est loin de l'IT ? En fait, peut être pas tant que cela. Comme l'a rappelé le jour suivant la présidente de la chaine de distribution de chaussure DSW, Ashlee Aldridge, chaque business est « une affaire d'art et de sciences ». Par sciences elle entend l'informatique, les algorithmes, le réseau. Et par "art" elle entend les histoires et les relations humaines. L'un sans l'autre perd du sens.
Une AI qui s'appuie sur AWS et l'open source
Ce que les analystes IT retiendront de leur côté c'est que "Coleman" (l'AI) s'appuie sur les services d'AWS (Lex en tête pour la reconnaissance de la voix et le sémantique). Normal puisqu'Infor en a fait son infrastructure Cloud unique.
L'AI d'Infor s'appuie aussi, pour la reconnaissance d'images, sur des frameworks open source (que l'éditeur n'a pas encore publiquement précisés).
« Ce n'est plus un "nice to have", c'est un "must have"», insistent les cadres d'Infor. Pour autant, il n'est pas sûr que les clients soient aujourd'hui prêts à payer un extra pour en bénéficier.
Les adaptations de ces fonctions par verticaux restent par ailleurs à préciser.
Une AI entre Einstein et Watson
C'est d'ailleurs un point différenciant avec les AI "généralistes" (Cortana ou Siri voire Einstein). « Notre AI est adaptée et liée à chaque industrie, spécifiquement (industry focused). Une AI comme Eistein est dédié au CRM. L'industrie et les métiers, c'est là où entre en jeu notre expertise » précise le président d'Infor Ducan Angove.
La démarche rappelle celle de Watson (maintenance prédictive, cognitif, qualification de leads, automatisation de process, Machine Learning adaptés à des métiers). A une différence près. L'AI d'Infor est (comme Einstein) prévue pour être intégrée à ses outils et disponibles - moyennant finance, donc - "out of the box".
Mais le point le plus différenciant et le plus marquant restera bien la référence politico-culturelle qui a donné son nom à cette offre. L'art de la com. Ou l'art tout court. Peu importe finalement. Un peu d'humain ne peut pas faire de mal à l'Intelligence Artificielle. La première qui ne soit pas entièrement masculine, ni blanche.