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Le stockage sur bande continue à progresser à un rythme soutenu
La volumétrie des données stockées sur bande continue à progresser à un rythme rapide et les capacités des lecteurs de cartouches s'améliorent à un rythme soutenu, comme en témoignent le lancement du TS1155 d'IBM et l'arrivée prochaine du LTO-8. Oracle semble toutefois à la peine.
Alors que le stockage Flash s’impose chaque jour un peu plus comme le nouveau standard pour le stockage des données primaires dans les entreprises, le stockage sur bande continue à être largement utilisé par les grands comptes à des fins d’archivage.
« La bande est là pour durer » explique Matt Starr, le directeur technique de Spectra Logic. La firme est l’un des acteurs montant des librairies de bande - et elle a noué en novembre un large accord commercial avec HPE qui revend désormais ses librairies de bande haut de gamme TFinity. En France, cet accord devrait permettre à Spectra Logic de sortir de sa relative confidentialité (la firme gérait jusqu'alors le marché français depuis le Royaume-Uni).
Pour appuyer ses dires, Starr met en avant l'explosion de la volumétrie de données gérées sur bande dans le monde. Il souligne aussi la solidité des roadmaps des deux principales technologies de lecteurs de bandes du marché, celle de la famille TS11xx d'IBM et celle du standard ouvert LTO. IBM a ainsi dévoilé sa dernière génération de lecteur en mai et les premiers lecteurs LTO-8 devraient faire leur apparition d’ici la fin de l’année 2017. Les roadmaps des deux technologies sont définies jusqu'en 2021 et les technologies mise en oeuvre offrent sans doute 6 à 7 années de visibilité. IBM a par exemple élaboré un prototype en laboratoire capable de stocker plus de 200 To sur une seule et unique cartouche.
Une roadmap technologique solide
À l’instar des lecteurs de cartouches TS-1155 d’IBM, les nouveaux lecteurs LTO-8 s’appuieront sur la technologie TMR (Tunnel Magnetoresistance), en lieu et place des actuelles têtes de lecture GMR (Giant Magnetoresistance) afin de doper la capacité de stockage. Cette transition est similaire à celle déjà opérée par les fabricants de disques durs pour doper la capacité par plateau de leurs périphériques.
Le principal bénéfice de la technologie TMR est qu’elle permet d’améliorer considérablement la qualité du signal et donc d’accroître de façon significative la densité de stockage sur la bande. Selon Spectra Logic, la mise en œuvre de la technologie TMR permet d’améliorer la qualité du signal par un facteur de 4 par rapport à la technologie GMR tout en réduisant la sensibilité au bruit et aux variations sur le média. Un autre bénéfice des têtes TMR est qu’elles chauffent moins que les têtes GMR, ce qui contribue à améliorer l’intégrité de la bande elle-même.
La mise en œuvre de la technologie TMR devrait permettre aux lecteurs LTO-8 d’offrir une capacité deux fois supérieure à celle des actuels périphériques LTO-7, soit 12 To non compressés (contre 6 To précédemment). Le débit d’écriture devrait quant à lui passer à 360 Mo/s (débit non compressé), selon Starr. Il est à noter que ce débit est sensiblement inférieur aux 472 Mo/s annoncés à l’origine lors du développement de la technologie. À titre de comparaison, les lecteurs TS-1155 d’IBM, dévoilés en mai, offrent une capacité maximale de 15 To non compressés et un débit similaire au LTO-8.
Surtout, la technologie TMR permet aux constructeurs d’afficher des roadmaps ambitieuses pour les prochaines années. Le consortium LTO a ainsi déjà prévu deux générations additionnelles de lecteurs, les LTO-9 — 24 To de capacité et 500 Mo/s de débit en 2019 — et LTO-10 — 48 To de capacité — en 2021. IBM prévoit quant à lui de lancer trois nouveaux lecteurs sur la même période, le TS-1160 — 20 To de capacité et 560 Mo/s de débit — en 2018, le TS1165 — 30 To de capacité — fin 2019 et le TS1170 — 50 à 60 To de capacité — en 2021.
En matière de technologies de stockage sur bande, IBM semble avoir pris l’ascendant sur Oracle.
Comme l’explique Spectra Logic, la proximité de lancement entre le TS1155 et le LTO-8 a une explication assez simple. Au fil des années, IBM est devenu le principal fabricant de têtes de lecture et d’écriture pour les lecteurs de bande. Historiquement, le marché était partagé entre Oracle et IBM. Oracle concevait ses propres têtes pour les lecteurs T10K et fabriquait aussi les têtes utilisées par HPE pour ses lecteurs LTO. IBM de son côté fabriquait les têtes de ses lecteurs de la série TS1150 ainsi que celles de ses lecteurs LTO.
Selon une présentation récente de Spectra Logic au CSIRO australien, la bascule d’HPE vers des têtes IBM pour ses lecteurs LTO Ultrium fait que Big Blue produit désormais près de 99 % des têtes de lecture/écriture pour lecteurs de bande dans le monde, tandis qu’Oracle ne produit plus qu’environ 2500 têtes par an pour ses lecteurs 10K. Ce revers industriel explique largement les rumeurs persistantes qui prêtent à Oracle l’intention de stopper sa production de lecteurs de bande, du fait de l’impossibilité d’amortir des coûts de développement élevés sur une aussi faible production.
Ces rumeurs sont en partie corroborées par les licenciements qui ont récemment affecté les équipes de développement de lecteurs et de librairies d’Oracle et par le retard à ce jour inexpliqué du lecteur T10000E, qui doit en principe succéder à l'actuel T10000D et qui devait concurrencer le TS1155 d’IBM. Le T10K E était à l’origine attendu fin 2016/début 2017. Oracle n’a toujours pas officiellement communiqué sur son éventuelle disponibilité ou sur son abandon.
Le marché de la bande se déplace rapidement du backup vers l’archivage
Il est à noter que selon Starr, l’utilisation des librairies de bandes a évolué au cours des dernières années. Le disque a pris le pas sur la bande pour les applications de sauvegarde (backup) et la bande n’est désormais plus utilisée que dans 20 % des scénarios de backup, en général dans de petits ou dans de très grands environnements.
L’usage de la bande s’est en revanche généralisé comme support d’archivage à long terme ce qui s’est traduit par une explosion des capacités livrées. En 2016, près de 95 exaoctets de capacité bande ont ainsi été écoulés, contre environ 30 en 2009 et 50 en 2013. Cette croissance de la bande dans les environnements d’archivage s’explique largement par son faible coût. Le TCO de la bande serait ainsi 6 fois inférieur à capacité égale à celui du disque pour les applications d’archivage, selon une étude menée en 2015 par le Clipper Group.
Tous usages confondus, près 90 % des entreprises du Fortune 500 continueraient à utiliser la bande dans leurs infrastructures selon la SNIA (Storage Networking Industry Association).
La bande est aujourd’hui le support de stockage en volume utilisé par tous les géants du web et du HPC pour l’archivage de leurs données. À titre d’exemple, le CEA stocke près de 10 Po sur ses librairies StorageTek. KEK, l’organisme qui gère les accélérateurs de particules japonais, dispose d’une capacité de stockage sur bande de 70 Po (qui devrait progressivement s’accroître jusqu’à 500 Po). Plus impressionnant, le CERN archive actuellement près de 200 Po de données sur bande, tandis que la Nasa en stocke près de 380 Po.
Antony Adshead, de notre publication soeur britannique Computerweekly, a contribué à cet article