© ORACLE TEAM USA / Photo Guila
Le Cigref met sur la place publique son différend avec Oracle
Le club informatique des grandes entreprises françaises n'en peut plus de la politique et des pratiques d'Oracle et il vient de le faire savoir avec fracas, allant jusqu'à annoncer son intention d'aider ses membres à se passer de l'éditeur. Simple coup de semonce ou vrai divorce ?
Le feu couvait depuis longtemps entre les grands comptes français et Oracle. Il a soudainement viré à l’incendie pour le fournisseur de technologie, suite à la publication par le club informatique des grandes entreprises françaises, d’une lettre ouverte en forme de brûlot pour Oracle.
« Interlocuteurs d’Oracle depuis plus de 10 ans, le Cigref et son homologue européen EuroCIO n’ont pu que constater, aux côtés de leurs entreprises membres, la dégradation de la qualité des échanges et des services de ce fournisseur vis-à-vis de ses entreprises clientes, en France et en Europe », indique un communiqué commun du Cigref et d’EuroCIO.
L’un des premiers griefs des deux organisations est le refus d’Oracle d’adapter sa politique de licence aux réalités de la virtualisation (voir à ce propos notre article « comment optimiser ses licences Oracle »).
Une politique de licence décriée
Alors que plus de 90 % des grandes entreprises utilisent vSphere, Oracle s’évertue à ne pas supporter officiellement la plateforme de virtualisation de VMware. Plus grave, Oracle applique une politique tarifaire pour le moins originale : l’éditeur facture autant de licences que de CPU participant au cluster de virtualisation, là où ses concurrents ne comptent que le nombre de nœuds ou de vCPU utilisés par leur base de données sur le cluster.
Ainsi si Oracle SGBD n’est déployé que sur deux nœuds bi-socket d’un cluster de huit nœuds, Oracle facture des licences pour les huit nœuds, là où ses concurrents se bornent à facturer deux nœuds.
La logique de la firme de Larry Ellison est qu’il faut licencier l’ensemble des nœuds sur lesquels la base de données est susceptible de fonctionner via les mécanismes de type DRS ou vMotion. Le Cloud n’est pas non plus à l’abri des fluctuations de la politique d’Oracle comme l’a récemment montrée la décision de l’éditeur de doubler le prix de son SGBD sur les Clouds d’Amazon et Microsoft. Bien sûr, il est possible d’échapper à ces petites tracasseries : il suffit d’utiliser la couche de virtualisation d’Oracle.
« Devant l’absence de dialogue jusqu’alors affichée par Oracle avec les institutions représentatives des entreprises utilisatrices, le CIGREF et EuroCIO ne peuvent que dénoncer ces comportements commerciaux inadmissibles », expliquent les associations de grands utilisateurs.
Une satisfaction client en berne chez les grands comptes
Les deux organisations de CIO ne se sont pas contentées de critiquer Oracle sur ses pratiques. Elles ont aussi révélé les scores de l’éditeur lors de leur dernière enquête de satisfaction client.
Sur 100 DSI d’entreprises européennes majeures ayant répondu à l’enquête, 80 % considèrent que les contrats Oracle ne présentent pas suffisamment de flexibilité, 75 % que le modèle de licence ne présente pas suffisamment de flexibilité et 60 % préféreraient disposer d’un autre fournisseur pour leurs actuels produits et services.
Plus grave à court terme pour Oracle, 50 % de ces décideurs déclarent travailler actuellement sur une stratégie de sortie d’Oracle. C’est par exemple ce qu’avait annoncé le gouvernement britannique dès l’été 2015.
Histoire d’enfoncer le clou, le Cigref indique s’être engagé, à la demande de certains de ses membres, à accompagner ceux qui le souhaitent dans leur réflexion sur les différentes stratégies de sortie des contrats Oracle.
Après le bâton, le Cigref agite la carotte de la réconciliation
Après ce coup de bâton, le Cigref avance toutefois une carotte. « Les entreprises membres du Cigref et d’EuroCIO utilisatrices d’Oracle souhaitent le rétablissement d’un dialogue apaisé et de qualité avec ce fournisseur essentiel, qui se ferait assurément au bénéfice de toutes les parties », indique ainsi l’organisation dans son communiqué.
Car sortir d’Oracle — et on ne parle pas là que du SGBD, mais aussi d’Oracle Applications, des outils de middleware, des systèmes d’exploitation, des progiciels, des outils SaaS, etc. — veut souvent dire finir chez IBM, Microsoft ou SAP. Et sans garantie que les résultats soient meilleurs ou que les coûts seront à terme moins élevés.
Qui plus est, IBM, Microsoft et SAP ne sont pas non plus des perdreaux de l’année et ont aussi eu à affronter leur lot de reproches. Au-delà de la posture, il est vraisemblable que, pour certains CIO, il vaut parfois mieux le Diable que l’on connaît que l’Ange que l’on ne connaît pas.