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Tibco veut démocratiser l’analytique liée aux objets connectés
L’éditeur ajoute à ses logiciels du Machine Learning pour prédire des événements selon les flux de données et des outils SaaS pour que les métiers définissent les règles qui servent leurs besoins.
Les grandes entreprises vont enfin pouvoir faire de la Business Intelligence qui tient compte des objets connectés et des données stockées en Cloud. Lors de sa conférence européenne annuelle qui se tenait début juin à Berlin, l’éditeur Tibco a annoncé en ce sens une déclinaison « Streaming » de Spotfire pour visualiser les flux de données en temps réel, une nouvelle version 10 de SteamBase dotée d’un moteur de Machine Learning pour prédire les événements d’après les signaux faibles de ces flux, ou encore un logiciel inédit, Data Catalog, pour effectuer des recherches parmi les informations d’une entreprise aussi simplement que si elles étaient toutes dans la même base de données.
Selon Tibco, ces annonces vont d’abord permettre aux industriels de multiplier les objets connectés sur leurs chaines de montage dans le but de mieux prédire les incidents et ainsi assurer une maintenance qui n’arrête pas la production. Aux USA, l’exploitant d’une plateforme pétrolière qui a pu tester une pré-version des fonctions de Machine Learning de Tibco a ainsi arrêté de perdre 40.000 dollars par jour rien qu’en réduisant de 1% le nombre de dépannage sur ses 1000 pompes électro-submersibles. Les nouvelles possibilités de SteamBase et de Spotfire, associées au moteur Statistica que Tibco a racheté fin mai, devraient améliorer encore les prédictions.
« Le rachat de Statistica nous sert à mettre nos produits dans les mains des Data Scientists. C’est important car ceux-ci, outre affiner les modèles prédictifs, créent des interfaces pour les métiers, ce qui revient à dire que nous allons démocratiser l’analyse prédictive dans toutes les divisions des entreprises », commente Murray Rode, le CEO de Tibco.
Vulgariser les croisements de données pour les métiers
Outre les nouvelles fonctions de traitement à la volée, Tibco a - c’est à la mode - décliné ses produits en versions SaaS (plateforme « Tibco Cloud »). Celles-ci, idéalement souscrites directement par les directions métiers, s’accompagnent de nouveaux outils, les Live Apps. Ces dernières sont censés justement permettre à quiconque de paramétrer des règles pour que les données de telle base en ligne (la base client chez Salesforce, par exemple) soient combinées de telle manière avec tels événements en temps réel (disons en provenance d’une app mobile) afin de produire tel résultat (un graphique dans Spotfire, mettons).
« Live Apps est très intéressant, car cela permettrait de répondre à des besoins simples dans les processus métier avec seulement du paramétrage. Reste à savoir si l’on peut transformer simplement une appli métier LiveApps en application industrielle », commente David Uzan, directeur Conseil Digital chez la SSII CGI, qui accompagne notamment des grands comptes de la finance.
« En tout cas, je vois dans Live Apps un avantage pour moi-même : je vais pouvoir m’en servir pour montrer en 5 minutes à mes clients comment digitaliser un de leurs processus et leur proposer très rapidement, en mode agile, des premières versions d’applications qui amènent de la valeur à leurs métiers », ajoute-t-il.
Pour cette industrielle qui a tenu à rester anonyme, Live Apps présente même un avantage stratégique majeur : « Notre métier d’industriels se transforme, au point que la valeur n’est plus dans la fabrication de nos produits mais dans la vente de services associés. Les outils que proposent aujourd’hui Tibco nous permettent de concrétiser cette transformation. Nous envisageons ainsi de livrer nos équipements avec une console qui permettrait à nos clients soit de nous remonter des informations de maintenance, soit d’ajuster leurs usages selon le croisement de relevés qu’ils auraient eux-mêmes paramétrer », confie-t-elle.
« Le revers de la médaille, en revanche, c’est qu’il va me falloir une bonne année pour convaincre mes responsables de la sécurité d’introduire de tels nouveaux outils dans notre SI. Nos équipements industriels ont déjà été piratés ; dans ce contexte, avoir l’aval de la sécurité pour déployer des technologies qui viennent de sortir est devenu extrêmement compliqué », lance-t-elle.
Rendre les mêmes services qu’Hadoop, mais de manière totalement différente
Les annonces de Tibco ne sont pas sans rappeler les fonctions plébiscitées dans l’écosystème Hadoop, notamment chez Hortonworks et ElasticSearch. Mais, pour Kris Van der Hoeven, consultant chez la SSII Econocom Belgique, l’intérêt de l’approche de Tibco est qu’elle est justement l’inverse des pratiques Big Data : « Les industriels pour lesquels je travaille ne veulent pas croiser les données en les copiant toutes dans un datalake immense, car le stockage nécessaire leur coûterait bien trop cher ! L’intérêt des produits de Tibco est que l’on a désormais les bons Legos pour combiner toutes les données modernes depuis une sorte de datalake virtuel, c’est-à-dire en connectant les bases et les flux entre eux pour effectuer les traitements à la source », dit-il. Il ajoute que les industriels n’ont de toute façon que faire de travailler en mode Big Data, car ils n’utilisent que des données formatées.
Rappelons que, outre la Business Intelligence regroupée sous la marque Spotfire Insight, le métier historique de Tibco est justement d’éditer des solutions, dites de Master Data Management, pour interconnecter des bases SQL construites en silos étanches.
David Uzan a une analyse différente mais des conclusions similaires : « la comparaison entre les annonces de Tibco et les initiatives de l’Open Source est inévitable. Sauf que dans le cas des solutions de l’écosystème Hadoop, il faut tout construire par-dessus. Ainsi pour capter des événements, les analyser et en produire de la valeur, il faut compter un an de mise en place du projet. Et encore, à condition d’embaucher les bons ingénieurs pour tout préparer. Chez Tibco, les fonctions sont pré-packagées, l’intégration entre StreamBase, un datagrid In-Memory et Spotfire est éprouvée et le même projet est concrétisé en quelques mois à peine. Surtout, dès le départ, on ne travaille que sur la valeur métier, on n’a pas à chercher comment démêler l’architecture », observe-t-il.
« Nous pouvons néanmoins nous interconnecter avec les technologies Hadoop ; des gens comme Hortonworks ne sont pas des concurrents mais des partenaires, car ils ont par exemple besoin de notre Spotfire pour visualiser leurs données. Nos concurrents sont plutôt à chercher du côté d’IBM, qui fait lui aussi de l’analytique sous la marque générique Watson. Mais en vérité, notez que Watson est en soi une technologie, pas une solution qui répond à des cas concrets. Alors que nous, nous proposons des briques prêtes à l’emploi pour faire des choses simples », déclare quant à lui Murray Rode.