8 mois après le rachat d’EMC, Michael Dell ne regrette rien
Lors d’une session avec la presse à Dell EMC World, le patron de Dell Technologies est revenu sur la fusion avec EMC et a répondu à plusieurs questions sur la stratégie et le positionnement de la firme, sa vision de cloud et de l’évolution des technologies.
Lors d’EMC World, Michael Dell s’est entretenu avec la presse pour faire le point sur la fusion entre Dell et EMC et pour évoquer la transformation en cours du marché de l’informatique d’entreprise. Il est aussi revenu sur les innovations émergentes dans le datacenter et a tenté d’expliquer comment Dell entend riposter au cloud public avec des plates-formes matérielles et logicielles de plus en plus intégrées et automatisées.
Interrogé sur les bénéfices de la fusion entre Dell et EMC, Michael Dell a argué que « Beaucoup de clients sont séduits par la possibilité de travailler avec un fournisseur unique sur l’infrastructure » et il a indiqué « n’avoir pour l’instant aucun regret sur la transaction ».
Évoquant un déplacement récent en Europe pour rendre visite à des clients, Dell a noté que la transformation numérique s’accélère et qu’elle affecte tous les secteurs de l’économie. « Lors de mon déplacement, j’ai par exemple rencontré une société travaillant dans l’agriculture. Il ne s’agissait pas d’un géant, mais d’une entreprise de 5 000 salariés. Ils cherchaient à savoir ce qu’ils pourraient faire avec l’IoT pour transformer leur business ».
De façon générale, Michael Dell semble estimer que l’on n’en est qu’au début de la transformation numérique : « Il y a une centaine de milliards de cœurs processeurs ARM dans la nature » a-t-il affirmé. « Ils sont partout où il y a de l’électricité. Et de plus en plus, ils sont connectés, même si ce n’est pas encore le cas pour la majorité d’entre eux ». Selon Dell, cela veut dire que le coût pour rendre un équipement intelligent approche zéro dollar. À cela s’ajoute le fait que « Les réseaux 5G sont au coin de la rue. Il va donc y avoir une explosion du volume de données sur lequel on va pouvoir faire du machine learning. On le voit dans toutes les industries et cela ouvre des opportunités énormes pour nous ».
Michael Dell, Président et CEO, Dell Technologies
Selon Dell, l’utilisation de ces données dépendra largement de la façon dont les entreprises vont se réorganiser pour en tirer parti. Interrogé sur le potentiel que pourrait avoir à terme ce marché, Dell a répondu « Personne ne peut prédire ce que sera la taille de ce marché ». Lors d’EMC World, la firme a toutefois noté à plusieurs reprises qu’elle voit des premiers déploiements significatifs dans le monde de l’aéronautique, de l’automobile ou de la santé.
Michael Dell s’est ensuite prêté au jeu des questions-réponses de la presse et nous avons résumé si dessous ses principales réponses aux questions posées par LeMagIT, mais aussi par nos confrères de DataNews Belgique, Gadget Afrique du Sud et de Nikkei au Japon
Au vu de son portefeuille, DEll EMC fait un peu penser à IBM il y a une dizaine d’années. Mais même IBM avec sa taille n’a pas pu supporter un portefeuille aussi large que celui que vous avez aujourd’hui. (Guy Kindermans - DataNews)
M. Dell : Mon histoire est celle de quelqu’un qui a fait des choses que nul ne croyait possibles. Je n’ai pas de soucis avec cela. On m’a régulièrement dit ne faites pas cela. Ne commencez pas une société dans le dortoir de votre université, etc.
Je pense qu’il y a un boulevard pour une entreprise comme la notre, concentrée sur l’infrastructure. Le marché est en consolidation et nous sommes dans une position unique pour en profiter. La combinaison de nos produits d’infrastructure, de VMware, de Pivotal, nous place dans une situation san équivalent. Je crois en la réunion de nos capacités.
Cela ne veut cependant pas dire que nous faisons tout. Nous nous reposons aussi sur des alliances et des partenariats avec un large éventail de sociétés. Mais nous avons une structure unique d’entreprise « familiale » qui nous permet de nous adapter rapidement.
Vous avez expliqué à plusieurs reprises que la fusion et le fait que vous soyez une entreprise privée vous permet d’avoir une vue à long terme. Mais on dit également que le capitalisme récompense ceux qui prennent des risques. Pensez-vous que votre structure « familiale » vous permette aussi de faire ce que d’autres grands groupes IT ne font plus à savoir prendre des risques ? (LeMagIT)
M. Dell : Oui. Si vous regardez nos données financières en tant que société publique ou privée, il y a de grandes différences. Sur le marché des postes de travail par exemple, nous gagnons des parts de marché depuis 17 trimestres et cette croissance correspond à notre bascule vers le privé. Précédemment, cette évolution était en dents de scie. Nous avons été bien plus agressifs et nous avons pris bien plus de risques sur ce marché qu’auparavant. Je peux aussi vous dire que notre structure nous permet de prendre des décisions plus rapidement et nous avons un avantage de ce point de vue.
Lorsque nous avons achevé notre tour de financement pour l’opération de rachat, les taux monétaires à 10 ans aux États-Unis étaient à leur plus bas à 1,36 %, ce qui était leur niveau le plus faible depuis 1956. On a peut-être eu un peu de chance en matière de calendrier. Mais cela veut dire que le coût des intérêts sur la transaction est de 2,2 milliards de dollars par an. Dell et EMC combinés dépensaient plus de 5,5 milliards de dollars par an en rachat d’actions pour soutenir leurs cours. Cela me coûte donc moins cher en tant que société privée qu’en tant que société publique. Et je ne parle pas des avantages connexes, comme le fait qu’une partie de ces intérêts sont déductibles des impôts, alors que les rachats d’actions ne le sont pas. Nous avons donc un avantage structurel sur nos concurrents. Et nous avons la possibilité d’envisager notre business sur un horizon bien plus long que nos concurrents. Et certainement en tant que fondateur, c’est quelque chose que j’apprécie.
Michael Dell, Président et CEO, Dell Technologies
Je pense qu’il y a un autre point lié à votre question. Il suffit d’allumer la télévision et de regarder les informations économiques et vous verrez cette tendance croissante qui fait que certains actionnaires se retournent contre de grandes sociétés en leur suggérant de faire ceci ou cela, de se débarrasser de pans entiers d’activités, d’accroître le dividende, etc. Pour une entreprise, ce genre d’approche est débilitant.
Regardez une société comme Dell avec plus d’une centaine de milliers de salariés et des millions de clients dans le monde. Nous sommes tous alignés sur le même objectif, du sommet jusqu’à la base et nous développons des produits, délivrons des services à nos clients. Il n’y a pas d’actionnaire activiste au milieu de cette pyramide, qui pourrait nous contraindre brutalement à changer notre vision en exigeant de nous de faire ceci ou cela. Et si vous êtes une entreprise cliente, cela est extrêmement rassurant. Nous avons le contrôle de notre destinée ce qui est une chose incroyable par les temps qui courent.
Vous avez beaucoup parlé de l’intérêt d’être privé, mais l’une de vos sociétés VMware est toujours cotée en bourse. Est-ce que cela a un effet sur votre aptitude à contrôler sa destinée ?
M. Dell : Nous n’avons pas de plan (pour rendre VMware privé). Si vous étudiez la structure de VMware, vous verrez que nous avons le contrôle de 96 % des droits de vote. VMware est l’une de ces sociétés cotées où il y a deux types de classes d’actionnaires.
Vous avez expliqué que vous appréciez l’idée que Dell soit une source d’approvisionnement unique pour l’ensemble des besoins d’infrastructure d’une entreprise. Envisagez-vous des acquisitions majeures dans ce secteur notamment dans les technologies de nouvelle génération qui émerge dans ce secteur en ce moment ? (Arthur Goldstuck - Gadget)
M. Dell :Nous venons tout juste d’achever une acquisition majeure (rire), nous avons encore beaucoup de travail à faire pour commercialiser efficacement l’ensemble des capacités que nous avons. Nous disposons d’un moteur d’innovation « organique » sans équivalent. Et nous devons encore optimiser la façon d’exposer ces innovations à nos clients à travers le monde.
Nous continuons toutefois à réaliser des acquisitions.VMware vient de racheter Wavefront pour améliorer ses capacités de gestion de performance et de monitoring des applications on premise et dans le cloud. Nous avons aussi fait une acquisition pour renforcer notre plate-forme Boomi [intégration de données].
Nous menons aussi des investissements via notre bras armé Dell Technologies capital dans de nouvelles sociétés travaillant sur l’intelligence artificielle, le deep learning, la sécurité, l’analytique ou les infrastructures de nouvelle génération. Nous étudions aussi ce qui pourrait améliorer le travail que nous faisons autour de Pivotal Cloud Foundry. Nous continuerons à acquérir d’autres sociétés en fonction de nos besoins, mais nous avons déjà suffisamment de choses sur les bras en ce moment.
Il y a beaucoup de discussions sur la fin de la loi de Moore, mais on voit fleurir de nouvelles architectures à base de nouveaux processeurs, de FPGA, d’accélérateurs spécialisés ou de GPU. Pourrions-nous avoir votre perspective à ce sujet ? (Nikkei)
M. Dell :Je pense qu’il y a toujours de grandes améliorations qui affectent le couple CPU/Mémoire. La mémoire et le stockage ne cessent de se rapprocher du processeur et lorsque nous architecturons de nouveaux systèmes nous étudions comment tirer parti de cela pour améliorer la performance et l’évolutivité de nos machines.
Il est aussi vrai que l’on voit émerger des formes de plus en plus spécialisées de calcul. Vous avez les CPU et GPU traditionnels. Mais on voit de nouvelles classes de processeurs pour accélérer le Deep Learning ou les applications de « Machine Intelligence ». C’est un domaine fascinant. Dell Technologies Capital a investi dans un certain nombre de ces start-ups. C’est un des domaines où nous poussons fortement.
Je pense aussi que les technologies de fabrication de processeurs vont continuer à s’améliorer. Les limites ne cessent d’être repoussées. Je n’ai pas de doute que l’innovation va se poursuivre. Notre travail est de les comprendre, de comprendre ce que nos clients veulent faire et de concevoir en conséquence de nouvelles plates-formes tirant parti de ces technologies.
Quelle est votre position sur le débat entre cloud public et cloud hybride ?
Quand nous discutons avec nos clients, nous voyons un monde multicloud. Toutes les entreprises ont des workloads adaptées au cloud public. Mais la majorité des clients, pour des raisons de coûts, de flexibilité ou de sécurité, maintiennent une part importante de leurs applications on-premises. On a même vu un effet boomerang, avec des clients qui ont couru vers le cloud public et qui soudain se rendent compte qu’au lieu des économies qu’on leur avait promises, ils se retrouvent à payer deux fois plus cher qu’avant. Nous ne sommes pas contre le cloud public. Il va se développer. Mais il n’est ni parfait ni adapté pour toutes les applications. Nous entendons rendre les systèmes on-premise compétitifs avec le cloud et les clients feront leur arbitrage. (…)
Ce que l’on voit aussi avec Pivotal, par exemple, est que l’on peut développer une application et choisir de la faire tourner dans les grands cloud ou en local. Notre expérience avec les grands utilisateurs de Pivotal est qu’une large partie de leur production est on-premise. Beaucoup utilisent le cloud public pendant la phase de développement, mais déploient ensuite dans leurs propres datacenters, pour des raisons de coûts et de sécurité. Avec nos solutions convergées et hyperconvergées et nos approches Software defined, le mode on-premises devient en effet une solution très compétitive.