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L'avenir professionnel dans le stockage : des compétences amenées à changer profondément
L’heure est au changement dans le stockage. Mais ces évolutions (Flash, SDS, etc.) n'affectent pas que la technologie. Votre carrière et vous-même êtes également concernés en premier lieu.
A mesure qu’avance la convergence des technologies, le datacenter moderne ainsi que les fonctions et les responsabilités traditionnelles font l'objet d'une refonte. Consacré aux salaires du secteur du stockage, un récent sondage de la version américaines du magazine Storage révèle que, de nos jours, en moyenne, les professionnels de la discipline consacrent moins d'un tiers de leur temps à des projets de stockage.
Si ce constat semble indiquer une application inadéquate de ce talent, il s'agit plus probablement du signe avant-coureur d'une évolution des rôles déjà émergente chez les professionnels du stockage.
Il s'agit bien là d'un nouvel univers informatique. En termes de poste, les certitudes pratiques du passé ont pratiquement toutes été chamboulées, tout d'abord par l'adoption rapide de la virtualisation et, plus récemment, par celle du Cloud et des technologies de stockage Flash.
Si, la plupart du temps, l'administration du stockage figure toujours sur la description du poste, les emplois dans le domaine du stockage de données et de la technologie associée ont bien changé.
Shawn O’Brien, Directeur chargé de l'infrastructure et de l'architecture chez Room & Board – un marchand de meubles – est un cas d'école : son entreprise a récemment basculé son stockage des disques mécaniques vers les disques à semi-conducteurs (SSD).
« Lorsque je travaillais dans d'autres entreprises, administrer des batteries de disques classiques nécessitait une gestion et une supervision constante des charges de travail attendues », explique-t-il. En d'autres termes, il s'agissait, par exemple, de planifier les charges affectées à certains contrôleurs et groupes de disques. Lorsqu'un problème ou une charge lourde imprévue affectait négativement le travail d'un groupe important d'utilisateurs, la marge de manoeuvre était très faible pour remédier à la situation.
De même, « la planification des disques constituait un effort considérable, ce qui nécessitait des discussions avec de nombreuses équipes », ajoute Shawn O’Brien. Avant de passer au stockage « tout-flash », il fallait mobiliser les efforts et le temps d'un administrateur système pour les allouer à la gestion d'un plan de capacité et des charges appliquées aux différents disques.
« Aujourd'hui, cette contrainte a disparu. Les administrateurs peuvent ainsi se focaliser sur des tâches à plus grande valeur ajoutée. »
Même au coeur de l'industrie du stockage traditionnel, le changement questionne ceux qui envisagent de faire carrière dans le stockage des données ; et il implique avant tout certains ajustements dans les habitudes de travail.
« La transformation numérique a un prix. Plus que de technologie, il s'agit avant tout de personnes et de processus », explique Hu Yoshida, Directeur technique chez Hitachi Data Systems.
Conséquence de ce basculement, les spécialistes actuels du stockage, ainsi que d'autres personnels oeuvrant à l'infrastructure, ont besoin de refondre leurs compétences et d'assimiler de nouvelles manières de mettre à disposition des plateformes d'infrastructure via le Cloud ou des fournisseurs tiers.
En outre, à mesure que cette transition s'effectue, comme l'explique Hu Yoshida, il peut survenir un besoin de se délester temporairement auprès d'un prestataire externe d'une partie de la charge de travail, afin que les professionnels du stockage conservent la bande passante dont ils ont besoin pour mettre en pratique et assimiler ces nouvelles compétences.
Hu Yoshida ajoute : « nous envisageons également une hausse temporaire du nombre de spécialistes du stockage à mesure que les technologies d'automatisation se développent. La capacité d'une entreprise à tirer parti de l'automatisation, puis à réorienter des ressources humaines qualifiées vers des responsabilités impliquant des connaissances supérieures n'en est qu'à ses balbutiements. En d'autres termes, les entreprises ont besoin d'un plus grand nombre de spécialistes en infrastructure, y compris en stockage, au cours de la transition. Selon un récent rapport de Gartner portant sur l'adaptation au Cloud des postes et carrières des professionnels de l'informatique - intitulé « Adapting to the Cloud: Work and Career Strategies for IT Infrastructure Professionals » (juin 2016) - les silos technologiques sont en phase d'érosion alors que les services informatiques adoptent rapidement des pratiques hybrides et s’appuient sur les services SaaS et IaaS pour améliorer leur agilité et diminuer leurs coûts d'exploitation (Capex).
Selon Matthew Brisse, vice-président chargé des recherches chez Gartner, l'incidence sur les carrières liées au stockage des données est évidente.
Dans le rapport, il insiste sur le fait qu'un nombre croissant de services IT migrent vers le Cloud. Conséquence : les tâches d'administration des infrastructures sur site et de stockage sur les serveurs physiques s'amenuisent. Le personnel qui y est consacré diminue. Les professionnels des infrastructures informatiques et leurs cadres doivent identifier les tâches qu'ils auront à effectuer lorsque tout ou partie des services seront externalisés ou hébergés dans le Cloud.
Et Matthew Brisse de conclure : « repensez vos plans de carrière car la migration des services informatiques vers un ensemble distribué de fournisseurs de Cloud aura une incidence majeure sur la plupart des rôles. »
Une nécessaire refonte des compétences
Hu Yoshida met l'accent sur la manière dont les professionnels du stockage doivent se préparer à acquérir un nouveau jeu de compétences, particulièrement dans les domaines des ressources mobiles, sociales et analytiques.
Il ajoute que les ressources dites « sociales » concernent la mise en relation avec des clients ou des collègues. Bien qu'essentielles pour la transformation numérique, elles sont souvent négligées.
« Les outils dédiés aux supports sociaux, tels que les sites Web communautaires, les blogs ou encore Twitter, aident le service informatique à interagir avec ses clients et à se montrer plus novateur et plus agile ». Hu Yoshida ajoute que ces outils aident également les unités métier à comprendre l’apport de l'informatique à l’entreprise et la manière d'utiliser le personnel technique dans le cadre de leur transformation.
Comme l’explique Stéphane Blanc, le patron de l’intégrateur français Antemeta, « les entreprises demandent de plus en plus à leurs équipes d’être tournées vers leurs applications. Leur métier n'est plus forcément de passer leur temps sur le « bits and byte » de l’interconnexion des serveurs, du stockage et du réseau ».
Même en interne, les métiers d'Antemeta, un acteur historique de l'intégration d'infrastructures, évoluent. « Nous avons fait tous les mouvements structurels en interne pour développer les compétences CloudOps et DevOps et assister nos clients dans leur migration vers le cloud ».
Pour Tony Daniello, le Directeur des services d'infrastructure de Computer Design & Integration, un revendeur à valeur ajoutée orienté stockage, l'orchestration et l'automatisation de l'environnement constituent une autre focalisation importante. « Il est essentiel de comprendre la capacité à automatiser l'intégration de stratégies en Cloud multiples et de s'adapter à l'explosion du Cloud au moyen d'outils tels que Chef, Puppet et vRealize », explique-t-il.
Auteur d'ouvrages sur les certifications liées à l'informatique et au stockage, Ed Tittel constate, lui aussi, une demande continuelle de spécialistes en stockage. Mais avec une connaissance technique du Cloud et des grandes tendances informatiques, dont l'hyper-convergence.
« Tant que les professionnels du stockage restent en phase avec ces aspects, rien ne les empêche de gagner décemment leur vie dans un futur prévisible», explique-t-il. Toutefois, Ed Tittel avertit que la croissance liée au stockage NAS (Network-Attached Storage) et autres technologies « matériel pur » ne sera pas extraordinaire. « Même si les entreprises auront besoin de maintenir ces investissements sur les trois à cinq prochaines années. »
Quant aux certifications en général, elles restent une manière efficace de consolider un CV. Toutefois, « la majorité des fournisseurs s'orientent vers le stockage virtualisé, et peu de certifications proviennent de l'espace hyperconvergé, tout du moins pour l'instant », poursuit Ed Tittel.
Il remarquer que s’y retrouver parmi les multiples certifications actuellement disponibles est une « question d'exigence ». En effet, les formations actuelles ne correspondent par forcément aux besoins des prochaines années.
En outre, comme le révèlent les sondages sur les salaires du magazine Storage, les certifications ont peu de poids en matière de carrières dans le secteur du stockage des données.
Les compétences traditionnelles restent importantes
Contrepoint de cette vision quelque peu pessimiste et que nous offrent Gartner et consorts, Vadim Vladimirskiy – fondateur et PDG d'Adar, un fournisseur de services cloud américain – voit davantage d'opportunités pour les carrières dans le secteur du stockage des données. « Le ciel ne nous tombe pas sur la tête... tout du moins, pas encore » explique-t-il.
Vadim Vladimirskiy a commencé sa carrière comme consultant dans le domaine de la sauvegarde. Il est le premier à reconnaître que les tâches liées au datacenter sont en train d'évoluer du fait du Cloud et du périmètre croissant des tâches effectuées dans ce Cloud. Selon lui, « cela signifie que les professionnels du stockage doivent développer de nouvelles compétences ».
Par exemple, les techniciens du stockage peuvent doper leurs CV grâce à des compétences et des certifications réseau.
« Une compréhension solide et opérationnelle des réseaux est pertinente dans le cadre de la plupart des opérations au sein d’un datacenter. Elle peut permettre à un candidat de se distinguer des autres pour un poste », ajoute-t-il. Sachant qu'Ethernet est devenu le protocole de mise en réseau de choix pour les ressources de stockage, les compétences Ethernet traditionnelles s'appliquent directement à la configuration et à la maintenance des réseaux de stockage.
Les spécialistes du stockage seraient aussi bien avisés de se familiariser avec la virtualisation. En effet, nombre d'applications actuelles sont développées et exécutées virtuellement depuis le Cloud.
« Pour rivaliser efficacement avec d'autres candidats, les techniciens du stockage doivent comprendre non seulement la couche stockage, mais aussi les applications pratiques des technologies associées », explique Vadim Vladimirskiy. « Le stockage n'est plus une simple affaire de stockage. C'est devenu aussi une question de disponibilité des données. »
Pour sa part, Tony Daniello considère que l'expérience accumulée par les professionnels du stockage ne sera jamais obsolète. « Les connaissances acquises [par les spécialistes du stockage] ont érigé de solides fondations qui constituent le point de départ d'avancées techniques », explique-t-il. Par exemple, il est possible d'associer des VLAN Cisco à des VSAN et de déterminer comment cette association répond à un défi commun.
Dès lors que l'innovation technologique est liée à une compétence en stockage en général, la mise à disposition dudit stockage devient plus facile que jamais. Un ingénieur de la discipline doit toutefois comprendre que sa base de connaissances actuelle doit englober l'environnement dans son ensemble, y compris une capacité à appréhender les composants réseau et l'hyperviseur.
Rester connecté et se préparer au changement
Quelle est la clé de la survie sur cet océan de changements ? Ne perdez pas de vue ce qui s'annonce et impliquez-vous dans des groupes d'utilisateurs et de professionnels du secteur autour de technologies spécifiques. C'est ce qu'explique Paul Wallenberg, un recruteur basé à Chicago. Vous pourrez ainsi comparer et mettre en contraste les pratiques de votre entreprise en apprenant et appréhendant celles d'entreprises similaires. Voire de concurrents.
« Lorsqu'il s'agit d'appliquer des technologies telles que le stockage, il y a systématiquement opposition entre les approches scientifiques et dialectique », explique Paul Wallenberg. « La question [à se poser] est la suivante : pouvons-nous faire différemment ? Et dans l'affirmative, de s’interroger : "est-ce que faire différemment revient à faire mieux ?" »