Internet des Objets : l’industrie française sur la voie de maturité
La 3ème édition du Sido dédié à l’écosystème IoT témoigne de projets industriels plus matures et plus ciblés face à l’offre abondante mais fragmentée des fournisseurs. L’exploitation des données est encore à la traine en France.
« Nous ne sommes plus aujourd’hui au stade ou les systèmes connectés délivraient une pléthore de données aux entreprises. Les projets qui réussissent se doivent impérativement d’apporter la bonne donnée à la bonne personne et au bon moment » prévient Alexandre Naoun, fondateur associé de Weenov, conseil en ingénierie, lors du Sido.
Les applications concrètes de l’Internet des Objets (IoT) en France sont de plus en plus nombreuses, mais elles restent encore timides. Fin 2015, seuls 10% des industriels avaient mise en place une stratégie IoT, selon une étude de CXP Group. La tendance a été confirmée cette année au SidoO par Béatrice Felder, CEO d’Orange Applications for Business, qui avance que 3 entreprises sur 4 disposent de moins de 100 objets connectés. A côté de cela, on trouve évidemment des grands comptes tels Veolia qui en possèdent plusieurs millions, mais ils ne sont pas (encore) la règle.
L’IoT dans le lait, le pétrole et l’électricité
Ces projets de plus en plus nombreux sont encore trop peu mis en relation avec des stratégies systématiques d’exploitation des données.
Laurent Julliard, Vice-Président Research de Schneider cite le « bon exemple » d’un industriel du lait qui a été obligé de jeter une partie de sa production. «Toutes les données des capteurs ont été exploitées. Au final, [ils ont trouvé qu’un] relais électrique qui commandait une ouverture de porte était défectueux, ce qui avait déclenché l’ouverture de cette porte et avait fait monter le taux d’humidité ». D’où un traitement du lait gâché.
Philipe Demichel, PDG d’Indeep, un bureau d’études sur les projets électroniques, insiste sur la nécessité de reformuler les besoins exprimés par les industriels. Car l’Industrie 4.0 comme on l’appelle, repose sur l’amélioration de la production tournée vers les besoins des clients. « Au départ, la demande porte sur un stylo vert mais après des échanges, à l’arrivée c’est en fait un crayon bleu que voulait l’industriel. En un an, un projet peut évoluer sensiblement ».
Parmi les bénéfices mis en avant au Sido, les intervenants ont rappelé que les systèmes connectés améliorent (évidemment) les processus de travail existants, fabrication ou maintenance. A condition de bien s’équiper.
Guillaume Lavaure, chef de produit chez Acoem Group, présent dans l’industrie pétrolière, les éoliennes, le nucléaire, les transports explique par exemple que dans son cas particulier, il cherchait « des capteurs connectés capables de résister en milieu de travail hostile ». C’est la société Hikob qui a répondu à ses attentes avec des produits conformes à la norme ATEX (atmosphères explosives).
Autre problème lié à son projet, « face à l’avalanche de données délivrées par de très nombreux capteurs, le débit des grands réseaux dédiés à l’IoT tels Lora ou Sigfox était trop faible pour nous. Nous avons eu recours à un réseau haut débit ».
Le protocole de communication utilisé devait également éliminer les perturbations électromagnétiques. La contrainte a été résolue par le FTDMA en 2,4 GHz qui utilise un débit symétrique dans les deux sens de la connexion.
Dans un autre domaine, Stéphane Ménoret, le chef de Projet IoT chez Enedis, évoque des projets en phase d’expérimentation au sein de l’ex-ERDF sur la prévention de coupures électriques. Pour ce faire, il utilise des capteurs qui remontent les données pour essayer de trouver des corrélations qui indiquent une possible défaillance. Les fuites électriques sur des isolateurs encrassés peuvent ainsi être détectées, évitant des pannes et des interventions lourdes.
Quelques conseils pour réussir son projet IoT
Ces projets montrent que les choses bougent. Mathieu Sabarly, dirigeant chez le cabinet de conseils Wavestone, pointe les évolutions profondes de l’organisations du travail des industriels.
« La gestion de la production repose de plus en plus sur les cols blancs. La transformation numérique - dont fait partie l’IoT - fait appel à de nouvelles compétences et bouscule les habitudes. Un accompagnement au changement et des formations sont nécessaires ».
Autre conseil, donné par Stéphane Menoret, de Thales : un écosystème numérique doit intégrer l’industrialisation des processus dès le début.
« Pas question de big-bang pour mettre en place des projets, il faut au départ agir sur des processus spécifiques » renchérit Mathieu Sabarly.
Pas de précipitation donc. Surtout que les méthodes agiles, qui répondent aux besoins du Time-To-Market, font rarement bon ménage avec la sécurité. L’absence de normes dans ce domaine et la nécessité de sécuriser l’écosystème de bout en bout, depuis l’objet jusqu'à l’utilisateur, sont un aspect à ne pas négliger mentionné par tous les participants.
Si elle ajoute au départ des couts aux projets connectés, ne pas prendre en compte la sécurité peut se traduire par de lourds dommages. Rappelons, l’ampleur de l’attaque DDoS subie par l’hébergeur OVH en septembre 2016 dus à plus de 100.000 caméras connectées et sans protection.
Les industriels doivent donc aussi intégrer la notion de risque financier.
Le jeu de la transformation par l’IoT est complexe mais il en vaut la peine, notamment pour développer de nouveaux services. Encore faut-il bien comprendre les avantages de l’internet des objets qui apporte une « intelligence » centrée sur la donnée. Ce qui implique de prendre également en compte la donnée (comme le fabricant de WC Hagleitner, comme Pirelli ou comme le fabricant de vêtement de sport Under Armour). Mais nous en serions encore loin en France. Selon une étude du CXP de 2016, collecter des données serait le dernier critère de choix des prestataires IoT.