Extreme Networks va racheter les actifs de datacenter IP de Brocade
Après l'annonce du rachat de la division réseaux d'Avaya, le constructeur va acquérir la division datacenter IP de Brocade pour 55M$. Une bonne affaire qui va lui permettre de franchir la barre du milliard de dollars de CA mais qui va aussi se traduire par de multiple recouvrements.
Note : cet article a été corrigé le 3 avril pour préciser le périmètre de l'acquisition, les logiciels SDN de Brocade n'ayant pas été repris par Extreme Networks.
Après avoir récemment annoncé sa volonté de racheter la division datacenter d’Avaya, Extreme Networks vient de mettre la main à prix cassé sur l’intégralité du portefeuille d’équipements de datacenters IP de Brocade Communications Systems.
Extreme Networks va en effet payer la modique somme de 55 M$ pour acquérir les gammes de commutateurs de datacenter VDX et SLX, les routeurs SLX et MLX et les offres d’Application Delivery Controler (ADC) de Brocade. Pour ce prix, il va aussi hériter de certaines des offres logicielles du constructeur, dont Flow Optimizer, (optimisation de trafic de paquets), Workflow Composer (outil d'automatisation réseau) et la technologie de network packet broker de Brocade.
Le portefeuille dont Extreme Networks prend le contrôle a généré un chiffre d’affaires de l’ordre de 300 M$ en 2016 et sa marge brute est de l’ordre de 55 %. Dans toute autre condition que la vente en l’encan initiée par Broadcom suite à son rachat de Brocade, cette division aurait sans doute été valorisée entre 500 M$ et un milliard de dollars. Pour mémoire, Arista Networks, avec son gros milliard de dollars de CA est valorisé en bourse aux environ 10 Md$, tandis qu’Extreme Networks, avec ses 500 M$ de revenus est valorisés près de 700 M$.
Une excellente affaire pour Extreme Networks
Extreme networks ne se cache d’ailleurs pas d’avoir fait une bonne affaire : La firme indique que l’acquisition devrait non seulement doper son flux de trésorerie et son bénéfice sur l’année fiscale en cours. Elle est en revanche un peu plus pessimiste sur les opportunités de revenus de la division datacenter de Brocade. Extreme estime ainsi que les actifs rachetés devraient générer un CA de 230 M$ sur une base annuelle. Il est vrai que l’année 2017 a très mal commencé pour cette activité, dont les clients ont été effrayés par la décision de Broadcom de vendre ses actifs Ethernet et IP. Résultat, un effondrement de 32 % des ventes au premier trimestre.
Rappelons que c’est la seconde acquisition d’importance pour Extreme Networks en moins d’un mois. Le constructeur a déjà proposé de racheter les actifs réseau d’Avaya pour 100 M$, alors que ce même Avaya avait payé 475 M$ en 2009 pour mettre la main sur la division entreprise de Nortel lors du dépôt de bilan de ce dernier (un prix qui incluait la téléphonie d’entreprise du Canadien).
Extreme Networks a aussi mis la main en septembre 2016 sur le portefeuille Wi-FI de Zebra Technologies (un portefeuille hérité du démembrement de Motorola) et il avait aussi acquis en septembre 2013 les actifs réseau d’Enterasys, l’ex-Cabletron, après le démembrement de Unify (Ex-Siemens Enterprise Networks).
Course à la taille critique
Si tout se passe comme prévu, les acquisitions récentes de Zebra, Avaya et Brocade devraient permettre à Extreme Networks de franchir la barre du milliard de dollars de revenus pour la première fois de son existence lors de son exercice 2018, qui débutera le 1er juillet prochain. Cette barre du milliard de dollars est sans doute la taille critique minimum pour jouer efficacement sur le marché des réseaux d’entreprise.
Cisco réalise ainsi près de 24 Md$ de revenus avec ses équipements de commutation de routage et ses offres Wi-Fi (sans compter la partie réseau embarquée dans ses offres de datacenter UCS). Selon IDC, Huawei aurait réalisé plus de 1,7 Md$ de revenus rien qu’avec ses commutateurs Ethernet et 2,5 Md$ additionnels avec ses routeurs, soit un total de 4,2 Md$. Juniper aurait, toujours selon IDC, engrangé un CA de 890 M$ en 2016 avec ses commutateurs Ethernet et un peu plus de 2,3 Md$ de revenus avec ses routeurs, soit un CA total d’environ 3,2 Md$. HPE a quant à lui réalisé un CA de 1,5 Md$ avec ses commutateurs Ethernet et Arista Networks, quant à lui, a terminé son année fiscale 2016 avec un revenu de 1,1 Md$ (un chiffre réalisé avec ses seuls commutateurs pour datacenters). Extreme Networks se loge sans doute désormais au sixième rang mondial derrière ces acteurs.
Il est à noter que l’acquisition de Brocade n’est pas justifiée que par des impératifs de croissance. Elle devrait aussi permettre à Extreme de doper de façon significative son portefeuille d’équipements pour datacenter et donc de renforcer sa présence sur ce marché. Par comparaison, le rachat d’Avaya est moins motivé par la qualité de l’offre technologique du fournisseur — vieillissante — que par la possibilité pour Extreme de doper ses ventes en modernisant la base installée du constructeur (le châssis de commutation d’Avaya, par exemple, date de 2008).
De multiples recouvrements de gammes et de technologies à gérer
La mauvaise nouvelle pour le constructeur est qu’il y a énormément de recouvrements entre son catalogue de produits et ceux d’Avaya et Nortel, des redondances qu’il va falloir gérer, puis sans doute éliminer.
En cœur de réseau, l’Extreme X8 avec ses 20 Tbit/s de bande passante est ainsi en concurrence avec les VDX8770-4 et VDX8770-8 de Brocade (respectivement 16 et 32 Tbit/s de bande passante). Le VSP9000 d’Avaya et ses 9,6 Tbit/s n’est clairement plus dans la course (il ne supporte d’ailleurs pas d’interfaces au-delà du 10 Gbit quand ses deux concurrents proposent des cartes avec des ports à 40 et 100Gigabit) et il devrait logiquement connaître un sort funeste.
En matière, de commutateurs de haut de rack, la même question se pose. Les gammes SLX de Brocade sont en effet en concurrence directe avec les switches des séries X670, X770 et X870 d’Extreme.
Cette profusion de commutateurs va contraindre le constructeur à faire des choix. D’autant que toutes ces plates-formes ne s’appuient pas sur les mêmes ASIC. Extreme utilise désormais largement des puces du marché (Broadcom) pour ses commutateurs et les équipements hérités d’enterasys s’appuient sur ses propres ASIC CoreFlow2. Selon les plates-formes, Brocade a quant à lui opté pour un mix entre des processeurs du marché (Broadcom et Cavium) et ses propres ASIC de commutation et de routage. Enfin, Avaya utilise désormais largement les ASIC Broadcom sur lesquels il a porté son OS.
À ce propos, justement, Extreme devra aussi faire le ménage entre trois systèmes d’exploitation réseau, son propre ExtremeXOS, l’OS de Brocade et celui d’Avaya, Avaya NOS.
Une offre de SDN et de routage renforcée
En matière d’offre SDN, Extreme Networks va devoir gérer les redondances entre sa propre offre et les offres SDN d'Avaya. Il est à noter que la firme a choisi de ne pas acheter les briques SDN de Brocade, dont l'offre de routeur virtuel Vyatta, les vADC, le contrôleur SDN et les fonctions virtuelles. Broadcom cherche toutjours un acquéreur pour ces composants.
L’offre de Brocade devrait aussi lui permettre de renforcer son catalogue à destination des opérateurs et hébergeurs. Le constructeur va par exemple hériter d’une offre de routage complète, incluant les routeurs Brocade SLX et MLX, les routeurs pour opérateurs Brocade NetIron, et l’offre de routage virtuel de Vyatta. Rappelons qu’Extreme avait arrêté la commercialisation de ses propres gammes de routeurs XSR, héritées du rachat d’Enterasys.
En principe, le rachat des actifs de datacenter de Brocade est prévu pour l’été et est dépendant de la finalisation du rachat de Brocade par Broadcom. La finalisation de l’acquisition de la division réseau d’Avaya étant aussi prévue pour l’été, Extreme Networks devrait avoir un second semestre chargé, afin de rationaliser ses gammes et proposer une feuille de route claire à ses clients,en particulier ceux d’Avaya et Brocade.