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Barefoot Networks s'attaque à la programmabilité du plan de données Ethernet
Avec son ASIC de commutation Tofino, Barefoot Networks a ouvert la voie à une plus grande programmabilité du plan de commutation des équipements réseaux Ethernet. Il s'appuie pour cela sur un langage open source baptisé P4. Le point avec son directeur produits, Ed Doe.
Le dernier ASIC de commutation de Barefoot Networks, une start-up basée à Palo Alto qui a commencé à faire parler d’elle l’an passé, promet d’apporter plus de programmabilité au plan de données des commutateurs Ethernet et ce sans affecter la performance. La puce, baptisée Tofino, est déjà mise en œuvre dans des équipements d’Edgecore Networks et WNC deux des grands fournisseurs ODM mondiaux. Capable de commuter 6,5 Tbit/s de données, elle est une concurrente directe des ASIC de Broadcom comme le StrataXGS « Tomahawk II ».
Nos confrères de SearchNetworking se sont entretenus avec Ed Doe, le vice-président produit et marketing de Barefoot Networks, pour en savoir plus sur les capacités des processeurs réseau Tofino et sur leurs applications dans le monde réel.
Quel est le problème que la puce de commutation développée par Barefoot Networks vise à résoudre ?
Ed Doe : le plan de données dans les équipements réseau a toujours été très rigide et fixe – Il est déterminé en dur par le programme interne des puces qui pilotent les commutateurs et routeurs. Barefoot a imaginé une technologie de processeur programmable open source, qui permet aux ingénieurs réseau d’innover aussi vite qu’ils développent. Avec notre technologie, vous pouvez mettre à jour le plan de données (ou plan de commutation) via un langage de programmation open source, que nous avons baptisé P4.
Si par exemple, un nouveau protocole réseau mieux adapté aux besoins des conteneurs émerge, vous pourrez mettre à jour [votre plan de données] avec un simple programme. Historiquement, il fallait remplacer tout le matériel et s’appuyer sur une nouvelle puce pour supporter le dernier protocole.
Quels sont les autres bénéfices de la puce Tofino ?
Ed Doe : Elle offre aux entreprises la possibilité d’avoir une approche scale-out pour leurs réseaux, en permettant d’allouer les ressources de la puce aux fonctions qui sont importantes pour elles. Par exemple, beaucoup de personnes souhaitent avoir plus de visibilité sur les réseaux afin d’éviter les pannes. Avec un plan de données programmable, il est possible d’instrumenter le réseau pour identifier de façon rapide un point de panne et le régler. C’est un peu comme si le réseau pouvait se soigner lui-même.
Dites-nous en plus sur le langage P4…
Ed Doe : Nous voulions concevoir un langage ouvert et accessible à tous. Nous avons aidé à créer l’idée originelle avec des gens Google, Microsoft, Intel, Princeton et Stanford — toutes ces personnes avaient une expérience dans la construction de grands datacenters et de grands réseaux et avaient aussi une expertise des langages.
Ed DoeVice-président du marketing et des produits, Barefoot Networks
Aujourd’hui, P4 est une organisation indépendante de Barefoot, avec plus de 60 membres différents, dont de grands opérateurs télécoms et de grands opérateurs de clouds, des entreprises et de grands fournisseurs d’équipements réseau. Un écosystème très actif a évolué autour de ce langage open source.
Qui peut bénéficier de la mise en œuvre d’une puce Ethernet programmable ?
Ed Doe : Les personnes intéressées par les innovations autour des plans de commutations se trouvent dans trois grandes catégories. Tout d’abord, il y a les grands fournisseurs de services cloud qui ont l’impératif d’améliorer l’efficacité de leurs datacenters.
Le second groupe inclut ceux qui fabriquent des équipements réseau pour les entreprises. Ce sont des sociétés comme Cisco, Juniper, Dell et Huawei. Elles sont intéressées par les avantages qu’apporte la programmabilité, afin d’offrir plus rapidement des services et des mises à jour à leurs clients. Avec des puces programmables, les fabricants répondent aussi à la variété des besoins de leurs clients. Un client dans la santé qui met l’accent sur la fiabilité et la sécurité n’aura ainsi plus à utiliser exactement le même réseau qu’une société dans les services financiers, qui met l’accent sur la performance et le débit, par exemple.
Dans le troisième groupe, on trouve les entreprises qui se sont converties au modèle des équipements en marque blanche. Elles ont déjà commencé à innover pour avoir plus de contrôler sur leur plan de contrôle et elles sont aussi intéressées par plus de contrôle sur leur plan de données. Ce nouveau segment est encore petit, mais il progresse très rapidement. Le monde de l’exploitation réseau doit répondre de plus en plus aux besoins des développeurs, ces derniers cherchant à personnaliser ce dont ils ont besoin, plutôt que de s’appuyer sur des capacités standards.
À propos de marque blanche, considérez-vous que les puces programmables rentrent dans le domaine des SDN ?
Ed Doe : De façon générale, nous tentons de ne pas les associer avec le SDN, car ce terme signifie un grand nombre de choses différentes pour différentes personnes. À ce jour, la notion de SDN englobe le souhait des utilisateurs de piloter plus étroitement le plan de contrôle, plutôt que le plan de données. En de nombreux points, nous voyons donc notre technologie comme complémentaire de cette approche.
Certains considèrent que nous sommes la prochaine évolution des SDN. Je pense que notre technologie est ce à quoi pensaient de nombreuses personnes, lorsque les SDN ont émergé il y a cinq ou six ans. Mais nous ne faisons pas ce que nos prédécesseurs ont fait ; nous nous concentrons sur le fait de rendre le contrôle du plan de commutation du réseau programmable.