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La messagerie de groupe se démocratise
Les applications de messagerie de groupe telles que Slack ou Cisco Spark gagnent en popularité. Elles pourraient réduire le recours à l’e-mail, aux numéros de service gratuis, ou encore à LinkedIn.
Il est difficile de croire que les applications de messagerie de groupe pourraient remplacer l’e-mail corporate. Pour autant, elles pourraient également menacer les numéros gratuits de la relation client.
Qumulo, une start-up de Seattle spécialisée dans le stockage, utilise déjà Slack comme outil principal de communication avec ses clients. Chacun dispose de son canal Slack dédié, assorti d’une invitation à rejoindre un canal public où les clients sont encouragés à interagir ensemble et à fournir des témoignages accessibles à tous.
« C’est un forum ouvert où ils peuvent faire des commentaires positifs comme négatifs. Peu nous importe ceux qu’ils disent, nous souhaitons qu’ils aient une discussion ouverte sur notre produit », explique Chris Lisica, directeur de Qumulo en charge de la réussite client. Pour lui, « quand on y pense, c’est une formidable vitrine ouverte sur la vie des clients ». Et d’estimer que 90 % de ses échanges clients se font via Slack : « nous avons un numéro gratuit, mais personne ne l’utilise. Nous recevons trois appels par mois, ce qui est formidable, car je n’ai pas envie de décrocher le téléphone ».
Selon Nemertes Research, environ la moitié des PME américaines utilisent des applications de dialogue de groupe. Ce chiffre est un peu plus bas – environ 30 % – pour les grandes entreprises. Les DSI et les développeurs figurent parmi les premiers utilisateurs. Mais les secteurs de la santé, des services professionnels, de la vente au détail, de l’enseignement et des services financiers affichent un intérêt prononcé.
Selon Nemertes, plus d’un quart des entreprises a créé un cas d’usage métier pour les applications de dialogue de groupe, principalement pour améliorer la collaboration. Mais dans certains cas, comme celui de Qumulo, l’utilité de ces applications va au-delà de l’interne. C’est également vrai pour la communauté Storj, notamment.
Des expériences mitigées
Tout le monde n’est toutefois pas aussi optimiste quant au potentiel des applications de dialogue de groupe. Pour Christopher Batts, Slack n’a pas remplacé l’e-mail et ne l’a pas non plus rendu plus productif. C’est même le contraire. Il a ainsi publié un billet de blog très négatif l’an passé, faisant l’étalage de la manière dont Slack a pu miner ses journées de travail. Pour lui, la mise en place était déconcertante, les dialogues de groupe, ennuyeux, et les notifications, chaotiques.
Et d’écrire : « le problème est que ma vie n’est pas plus simple maintenant que tout le monde insiste pour utiliser Slack. J’ai en fait noté qu’elle est bien plus complexe et perturbatrice. J’en fait bien plus lorsque Slack est fermé ».
A l’époque, Batts était responsable produit pour HomeTouch, une place de marché en ligne pour aide soignants. Depuis, il est passé chez Schibsted, un groupe média international comptant près de 7 000 collaborateurs dans 29 pays. Il souligne que ses observations sont siennes et ne reflètent pas celles de l’une ou l’autre des entreprises.
Communiquer en temps réel avec une application de dialogue est plus rapide que l’e-mail.
Mais l’avantage disparaît avec de vastes équipes parce qu’il est difficile de perdre le fil entre de multiples fenêtres : « par exemple, je peux avoir dix fenêtres de dialogue de groupe ouvertes incluant la même personne, mais chacune portant sur un ensemble de personnes différentes avec des problèmes légèrement différents que je cherche à résoudre. De la même manière qu’un e-mail de groupe commence avec un sujet, Slack force l’utilisateur à définir un sujet ou un contexte pour une conversation de groupe, mais sans permettre à l’échange de refléter cela de manière utile, comme une barre latérale ou une recherche de haut niveau ».
Le tueur de l’e-mail ?
Slack domine le marché des applications de messagerie de groupe, avec environ 60 % de leurs utilisateurs, selon Irwin Lazar, vice-président et directeur de recherche chez Nemertes. Il estime que Cisco Spark dispose de 30 % de part de marché, devant HipChat d’Atlassian, et tous les autres. En novembre, Microsoft s’est lui-même invité sur ce marché. Lazar observe une audience de plus en plus large se demandant si elle devrait y passer : « nous commençons à voir des organisations bien établies s’y intéresser comme à une application approuvée à l’échelle de l’entreprise ».
Nemertes lui-même l’a adopté : « c’est une façon très naturelle de communiquer. Il est plus facile de trouver l’information ». Le plus grand reproche de Lazar ? Lui et ses collègues ont dû jouer avec les réglages pour ne recevoir de notifications que pour les fenêtres marquées comme importantes. Ce qui fut toutefois facile, estime-t-il.
L’éditeur Lever utilise des canaux Slack différents pour permettre à ses collaborateurs un peu partout de partager des GIF animés. Mais également pour accueillir les nouvelles recrues, annoncer les nouveaux clients, et plus généralement renforcer la culture d’entreprise. Contrairement à certains dirigeants, ceux de Lever ne s’inquiètent pas d’une séquence vidéo humoristique qui pourrait distraire leurs employés. « Je ne pense pas que ces moments distraient de la productivité ; ils rassemblent l’équipe et renforcent l’esprit de groupe, ce qui se traduit ensuite en bénéfices métiers », estime ainsi Leela Srinivasan, le directeur marketing de l’éditeur. Et pour les nouvelles recrues, « ajouter quelqu’un à un canal prend deux secondes et s’avère bien plus simple que de chercher à savoir qui est responsable de tel groupe de messagerie et de demander l’ajout ».
Nick Parece, ingénieur voix chez Cimpress, la maison mère de Vistaprint, supervise un pilote de Cisco Spark parmi les groupes de développeurs. Il espère que tous les 4 500 employés de Cimpress dans le monde l’utiliseront. Il apprécie l’interface avec WebEx : les utilisateurs peuvent partager des documents à l’écran puis les uploader dans les salles de discussion de Spark. Et si quelqu’un ne comprend pas quelque chose dans une conversation écrite, il peut passer à la vidéo en un clic. « Nous avons tous cherché une application où conduire la majorité de nos communications temps réel de bout en bout. Une seule application pour tout – vidéo, écrit, voix et partage d’écran –, c’est mon but. Si vous avez toute la communication temps réel dans une application, l’e-mail est moins important ».
Un nouveau réseau social
Michael Heiligenstein, directeur de Fit Smal Business en charge du SEO, utilise Slack pour discuter tendances marché et partager des astuces avec des pairs au-delà de son organisation. Pour lui, l’outil a le potentiel de remplacer LinkedIn comme plateforme de réseau social B2B.
Et puisque Slack fonctionne sur invitation, cela décourage les messages à vocation purement publicitaire qui, selon lui, dominent aujourd’hui sur LinkedIn, au profit de contenus plus utiles. De nombreux canaux B2B Slack ont été créés en extension de communautés sur Reddit, Google+ et d’autres encore.
« La discussion n’existe tout simplement pas sur LinkedIn. Ou alors, il est très difficile de la trouver au-delà du bruit de fond ». Heiligenstein estime ainsi que seulement 10 % des articles publiés sur ses groupes LinkedIn retiennent l’attention ; « c’est la raison pour laquelle Slack est meilleur ».