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Apple/FBI : une illustration du combat des Etats pour reprendre le contrôle sur le monde cyber
Et s’il y avait bien plus derrière cette guerre froide du chiffrement que de simples questions de sécurité publique ?
En mai 2011, Nicolas Sarkozy, alors président de la République Française, avait ouvert le forum e-G8 en flattant lourdement les industriels d’Internet conviés à l’événement, avant de leur signifier tout en finesse que les Etats n’ont pas l’intention de laisser Internet échapper à leurs prérogatives.
Un discours dans lequel Jean-Philippe Roy, maître de conférences en sciences politiques de l’université François Rabelais de Tours, décédé fin août 2013, nous avait alors confié voir l’expression d’un pouvoir essayant de se protéger « contre une technologie qui libère les individus de la protection à double tranchant des frontières ».
Quelques mois plus tard, Tim Berners-Lee ne cachait d’ailleurs pas ses inquiétudes à l’égard des tentations de filtrage ou de régulation d’Internet : « il est très dangereux que des gouvernements cherchent à contrôler qui peut se connecter à Internet ou à quoi il devrait se connecter via Internet ».
Aujourd’hui, pour Kevin Bocek, vice-président de Venafi en charge de la stratégie de sécurité et du renseignement sur les menaces, le débat est plus que jamais d’actualité. Si les Etats ont abandonné au secteur privé certaines de leurs missions historiques – à commencer par le renseignement sur les cyber-menaces –, « ils peuvent chercher à reprendre la main. Ils ont toujours le pouvoir de police, le pouvoir de l’action cinétique. Au moins, ils ont encore cela ».
Ce qui n’empêche pas le chiffrement de constituer une sérieuse menace : « la cryptographie change l’idée complète de l’auto-détermination, et aussi de gouvernement. Parce qu’avec la cryptographie, je peux créer une monnaie, je peux créer des moyens d’authentification des personnes et des appareils. Je peux créer des moyens de communication qui sont complètement privés. Ce sont des choses qui mettent totalement au défi les gouvernements. Et je pense, aussi, que c’est là que les gouvernements réagissent ».
Et c’est là qu’intervient le bras de fer ayant récemment opposé Apple à la justice américaine. Comme l’illustration d’un Etat cherchant à reprendre la main sur des entreprises qui échappent à son pouvoir, le menace même, « avec la technologie ». Et pas qu’une, car comme le relève Kevin Bocek, « toute entreprise est un éditeur de logiciels. Chaque entreprise est un Google, un Facebook ou un Apple. Elles ne le réalisent peut-être pas, mais par exemple, qu’est-ce qu’une banque ? Juste des machines qui exécutent des algorithmes ».