Microsoft – LinkedIn : un rachat clé dans la stratégie de Satya Nadella
Payer quelques 26,2 milliards de dollars pour un réseau social qui peine à assurer sa croissance a de quoi interloqué. Mais Microsoft voit bien plus loin que cela.
Satya Nadella, le CEO de Microsoft, est à l’origine de la plus importante et de la plus risquée acquisition du groupe, avec ce rachat de LinkedIn pour quelques 26,2 milliards de dollars. Ce montant pharaonique correspond à trois fois celui déboursé pour Skype en 2011 (8,5 milliards de dollars). Alors que le rachat des activités mobiles de Nokia pour 7,2 milliards de dollars est actuellement en cours de révision, avec la suppression de 1 800 postes, Microsoft se cherche d’autres leviers à activer.
Le CEO ne semble d’abord plus pousser plus en avant plateforme Windows. Lorsque Satya Nadella a pris les rênes du groupe en 2014, le Cloud et la mobilité correspondaient aux principaux messages mis en avant dans son discours d’introduction.
Depuis, le groupe a bien lancé Windows 10, fait évoluer Azure Cloud et Office 365, et plus récemment, a revu sa stratégie autour de la mobilité.
Un virage stratégique
En effet, Microsoft ne met désormais plus en avant une stack entière intégrée pour rivaliser avec iOS et l’iPhone. En revanche, il a bien racheté un réseau social pour les professionnels avec pas moins de 433 millions de membres.
« Lorsque nous évoquons la mission de Microsoft et comment permettre à chaque personne et chaque entreprise sur la planète de mieux atteindre leurs objectifs, il n’existe pas de meilleurs moyens que d’interconnecter les professionnels dans le monde et de les rendre plus productifs », a ainsi expliqué le CEO lors d’une conférence entre analystes – publiée sur le site Seeking Alpha.
Le but de Satya Nadella est de promouvoir l’utilisation et l’engagement produit via LinkedIn, Office 365 et Dynamics. « Cela devient véritablement le coeur de ce que fait Microsoft. Et nous allons accélérer cet engagement et cet usage via plusieurs modèles à l’abonnement pour les particuliers et les entreprises, ainsi que via la publicité. Il s’agit vraiment d’une opportunité », a-t-il ainsi affirmé.
Selon Daniel Domberger, partenaire chez Livingstone, le rachat pourrait transformer la façon dont on travaille. « Microsoft est prêt à retourner à ses racines et revenir à sa mission première : permettre à chaque personne et entreprise d’être plus productif », ajoute-t-il.
Microsoft Office et LinkedIn sont synonymes en matière d’usages professionnels, commente l’analyste. « Aligner Outlook, Office 365 et Exchange sur le vaste réseau de données de LinkedIn est la clé pour bénéficier de tout le potentiel (de cette opération, NDLR) – il s’agit de proposer à la fois des services et des technologies aux entreprises et aux employés. En fin de compte, cela peut aussi permettre à Microsoft de proposer des fonctions sociales pleines de sens. ».
Anne Cave-Penney, en charge des alliances chez Capgemini, pense que cette acquisition est un choix avisé de Microsoft pour renforcer Office 365. « Les outils liés aux media sociaux sont devenus indispensables ; ils permettent aux employés de se bâtir et de se connecter à des réseaux professionnels », soutient-elle. « Avec LinkedIn, Microsoft se donne les moyens d’intégrer sa suite Office aux réseaux professionnels, exposés par LinkedIn. »
« En conjuguant ces offres, les personnes, en environnement professionnel, peuvent partager leurs contacts et leurs agendas, et mieux connaître leurs interlocuteurs lorsqu’elles se présentent à un rendez-vous. Résultat, une efficacité accrue, et une augmentation du business grâce à cette union. »
Relier les données sociales au CRM
Dans un rapport publié par Forrester sur le rachat (Quick Take: Microsoft Bets on Social to Transform the Business Customer Experience), l’analyste Mary Shea note que ce rapprochement pourrait bien déboucher sur un CRM plus séduisant pour le marché B2B. « Microsoft Dynamics gagne ici un avantage concurrentiel important sur Salesforce. Jusqu’alors les deux groupes avaient un accès identique au widget LinkedIn Sales Navigator », rapporte-t-elle.
« Les développements d’une offre intégrée Dynamics / Sales Navigator pourraient convaincre les entreprises qui cherchent à optimiser leurs ventes via le social – ce que favorisera l’accès amélioré aux données de profils de LinkedIn, qui sont une source clé de ciblage pour le marketing de comptes stratégiques (account-based marketing), une tendance très forte dans le marketing B2B. »
Cette idée, qui consiste à relier les données sociales aux CRM, est une « manne providentielle » pour les systèmes de gestion des ventes, soutient à son tour Mark Skilton, professeur au sein de la Warwick Business School. Selon lui, une partie des revenus de LinkedIn provenant le gestion des talents, il est très possible pour Microsoft d’associer son propre réseau social Yammer avec des données extérieures extraites des profils LinkedIn. Cela pour permettre aux responsables de mieux identifier les personnes avec les compétences les plus adaptées.
Pour Mark Skilton, LinkedIn a la capacité de jouer dans la cour des grands. « Les synergies entre les deux sont importantes. Microsoft dispose d’une empreinte affirmée dans les entreprises, mais souffre d’un manque en matière de connectivité sociale », explique-t-il. Microsoft est centré sur le Cloud pour les entreprises et les média sociaux commencent à faire partie de ce modèle économique, rappelle-t-il, évoquant « la montée du social dans les entreprises avec Facebook et Chatter ».
« Même si cette acquisition porte essentiellement sur le recrutement, Satya Nadella veut ici redéfinir les processus. La convergence est claire lorsqu’il s’agit de connecter davantage les employés », explique-t-il encore.
LinkedIn est la plus grosse acquisition de Microsoft. Petit à petit, la stratégie du groupe mise en musique par son CEO, risque de devenir plus sociale. Aujourd’hui, ce qu’obtient Microsoft ce sont bien les 433 millions d’utilisateurs et le potentiel d’une forte croissance.
Traduit et adapté par la rédaction