Citrix veut devenir un leader du réseau
Changement de stratégie chez Citrix : l’éditeur se voit désormais comme un facilitateur de l’adoption de Windows 10 en Cloud et même comme un fournisseur de firewall pour les DevOps.
Passer tous les postes de travail à Windows 10 sans pour autant rééquiper les salariés avec de nouveaux PC, mais en se connectant juste à des bureaux virtuels dans Azure, le Cloud de Microsoft. Telle est en substance la nouvelle proposition de Citrix, l’éditeur historique de solutions VDI, en pleine réorientation stratégique depuis janvier. « 40% des entreprises ont arrêté de fournir du matériel à leurs salariés et elles sont plus de 90% à utiliser des services en Cloud public. Alors, notre nouvel axe de développement est de fournir des applications et des données partout, n’importe quand. Et nous le ferons de manière sécurisée, avec la technologie la mieux intégrée du marché », a lancé Kirill Tatarinov, le nouveau CEO, lors du salon Synergy 2016 que l’éditeur organisait fin mai à Las Vegas, confirmant au passage le pari de l’éditeur pour le DaaS (Desktop as a Service).
Citrix proposait bien depuis un an une version SaaS de XenApp et XenDesktop, Workspace Cloud, mais celle-ci souffrait d’une grille tarifaire désavantageuse par rapport aux solutions à installer sur site et n’apportait de surcroît rien de bien nouveau. « Nous avons éliminé le problème du prix grâce à un accord historique avec Microsoft : désormais, l’abonnement mensuel comprendra la licence de Windows, le coût forfaitaire de la puissance de calcul nécessaire, ainsi que l’utilisation de nos services de VDI, plus l’accès à toute une panoplie de services d’administration, de sécurité et d’infrastructure », a confié au MagIT Vishal Ganeriwala, directeur Technique & Marketing, à propos de la nouvelle offre globale Citrix Cloud. Il précise que Citrix Cloud est disponible partout où Microsoft Azure est accessible, France compris.
Raccorder les produits pour proposer une suite cohérente
Outre XenDesktop (un bureau distant qui équivaut à une pleine machine virtuelle) et XenApp (le bureau distant est une session Windows, à raison de 30 sessions maximum par VM), Cloud Citrix comprend le service de stockage partagé ShareFile, le gestionnaire de flotte mobile XenMobile et les fonctions réseau NetScaler. « La cohérence de notre solution tient dans le fait que XenMobile ne gère pas des appareils mais des environnements applicatifs, lesquels sont utilisables depuis n’importe quel terminal - PC, Mac, tablette, smartphone - dès lors que l’utilisateur a entré son identifiant dans Receiver, notre logiciel client. Le portail StoreFront auquel accède un utilisateur depuis Receiver, lui permet d’accéder à un bureau, mais aussi à tout autre service SaaS défini pour lui par la DSI dans XenMobile et, ce, avec toujours le même identifiant », explique Vishal Ganeriwala. Jusqu’à présent, XenMobile, NetScaler et le couple XenApp/XenDesktop étaient des produits autonomes.
En l’occurrence, les autres services SaaS sont pour l’heure tous ceux de Microsoft, en particulier les fonctions collaboratives qui existent dans Office 365 et que Citrix présente sur son StoreFront au travers d’applications appelées « Forms ». On y trouve des raccourcis vers la messagerie, vers SharePoint ou encore vers Skype. Également, l’outil AppDNA qui sert à tester si une application est compatible avec Windows 10. « Nous pensons que cette solution tout-en-un va accélérer les réflexions des entreprises à propos de Windows 10, car Citrix Cloud élimine toutes les problématiques de migration. De plus, dans cette configuration, les systèmes sont automatiquement mis à jour par Microsoft, ce qui allège encore les opérations de maintenance par la DSI », se félicite Brad Anderson, le vice-président de Microsoft en charge de la division Enterprise & Client Mobility.
Du côté DSI, Citrix Cloud permet d’accéder aux outils d’administration de Microsoft, notamment Enterprise Mobility Suite, le MDM de Microsoft qui sert, lui, à gérer la flotte des appareils mobiles.
« Citrix a toujours travaillé main dans la main avec Microsoft, mais il s’agit sans nulle doute du plus important partenariat technologique que nos deux entreprises aient passé », a lancé Kirill Tatarinov, lui-même ex-vice-président de la division Business Solution de... Microsoft.
Toutes les fonctions de Citrix Cloud restent disponibles en versions installables sur site. Dans ce cas, les solutions reposent sur les services Microsoft disponibles dans le datacenter et accessibles depuis un annuaire Active Directory. L’une des nouveautés saillantes des dernières versions de logiciels Citrix est l’accès au partage SMB et la déduplication des données stockées dans les VM des bureaux distants. XenApp et XenServer fonctionnent par-dessus n’importe quel hyperviseur (VMware ESXi, Microsoft Hyper-V, KVM...) et, à défaut, Citrix propose le sien : XenServer. Celui-ci a le mérite de pouvoir exécuter des containers.
Optimiser les flux sur les passerelles WAN
L’avantage de l’offre réorganisée de Citrix tient surtout, étonnamment, dans ses fonctions d’infrastructure réseau. Lors d’une démonstration réalisée sur Synergy 2016, une communication Skype passait mieux lorsqu’elle était effectuée en VDI au travers XenApp que lorsqu’elle était lancée directement depuis la machine de l’utilisateur. « La raison est que l’appel est émis depuis un Cloud ou depuis un datacenter qui a une très bonne connexion et que, entre ce Cloud et le poste de l’utilisateur, nous optimisons le flux afin qu’il ne souffre pas des aléas d’une connexion potentiellement saturée ou bas débit », commente Chalan Aras, directeur général de la division réseau de Citrix. Selon lui, il serait généralement possible d’utiliser un environnement Windows 10 distant au travers d’une connexion 4G partagée par un téléphone avec le même ressenti qu’un Windows 10 installé en local.
La gamme réseau de Citrix comprend historiquement le boîtier NetScaler ADC qui sert, depuis le siège d’une entreprise, à authentifier les connexions des utilisateurs distants et à les orienter vers les serveurs qui exécutent leur environnement de travail. A celui-ci s’ajoute un nouveau NetScaler SD-WAN, à connecter sur la passerelle de tous les sites géographiques des entreprises pour attribuer des priorités aux flux de données (de sorte que YouTube ou Facebook ne grèvent pas la bande passante d’un bureau XenApp, par exemple) et les acheminer le mieux possibles en jonglant entre les différentes connexions disponibles (accès fibre/ADSL classique, ligne MPLS, passerelle 4G...). En version Enterprise Edition, NetScaler SD-WAN offre même de compresser les flux et de les mettre en cache s’ils sont souvent consultés. NetScaler SD-WAN peut prendre la forme d’une appliance physique ou d’une VM qui fonctionnent près de la passerelle WAN d’un site, ou encore d’un module du client Receiver.
Devenir un acteur du réseau
De son côté, NetScaler ADC savait déjà fonctionner sous la forme d’une VM, afin d’exécuter dans l’appliance autant de répartiteurs de charge qu’il y a d’environnements applicatifs différents (en comptant environ 4 à 8 instances par appliance). Il se décline à présent sous la forme d’un conteneur (NetScaler CPX), pour théoriquement exécuter 10 fois plus d’instances qu’il y a de VM. « Faire de NetScaler ADC un microservice présente deux intérêts. D’une part, on démultiplie le nombre de copies d’un même environnement applicatif pour servir plus d’utilisateurs. Cela est utile, par exemple, si l’application finale est un service utilisable par le public. D’autre part, avec sa forme de conteneur Docker, NetScaler CPX entre de fait dans la catégorie des infrastructures que des DevOps vont déployer tous seuls. C’est-à-dire que l’on propose aux DevOps d’inclure à leur application un firewall et un load balancer dédiés », détaille Chalan Aras.
Encore plus étonnant, la famille NetScaler se complète à présent d’une nouvelle suite NetScaler Management and Analytics System (NMAS). Il s’agit d’un logiciel pour orchestrer, automatiser, visualiser et analyser les flux de données. « Cette fonction prendra tout son sens pour mener des analyses Big Data, typiquement sur des flux d’objets connectés », lance Chalan Aras.
« Service utilisable par le public », « DevOps », « Big Data » ou encore « objets connectés » sont à l’évidence des nouveautés dans le vocabulaire de Citrix qui s’est jusqu’ici fait connaître pour le marché niche de l’utilisation de Windows à distance. Mais Chalan Aras a une vision, partagée par le CEO de l’éditeur : « notre famille NetScaler pèsera 6 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici à 2020. Les entreprises viendront chez nous pour acheter ce type de réseau agile car le marché évolue vers une centralisation des problématiques IT autour de l’application plutôt qu’autour de l’infrastructure. Or, nous sommes bien plus compétents sur ces questions que les équipementiers réseau », affirme-t-il.