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La stratégie de Docker jugée trop ambitieuse par les utilisateurs et les partenaires
Les professionnels du secteur se demandent si la croissance éclair de Docker ne va pas tomber en disgrâce, alors que la société va de plus en plus au-delà de ses fonctions cœur pour toucher le monde des entreprises.
Il se pourrait bien que le chouchou du monde des conteneurs commence à perdre quelque peu de son lustre.
Docker a fêté ses 3 ans ce mois-ci. En 3 ans, la société a déjà parcouru un long chemin : un grand nombre de contributions, 160 millions de dollars en levées de fonds et déjà réalisé plusieurs acquisitions. Chéri par les développeurs, Docker s’est rapidement frayé un chemin dans les environnements IT en production. Mais à côté de ce succès, on se demande si l’entreprise n’en fait pas trop, trop tôt et ne s’éloigne pas de ses utilisateurs potentiels et de ses partenaires.
Le gagne-pain de Docker se trouve dans son format de conteneur et dans le Docker Engine qui permet de bâtir et d’exécuter des conteneurs Docker. Mais cela ne s’arrête pas là : on trouve aussi Docker Registry, pour la centralisation d’images ; Docker Compose pour définir des applications multi-conteneurs, Docker Swarm, pour le clustering et le scheduling ; et Docker Machine, pour automatiser le provisioning de Docker. Puis on compte également deux registres : Docker Hub et Docker Trusted registry. Ou encore les nouveaux Docker Datacenter, Docker Cloud et Universal Control Plane.
Attaquer rapidement le marché avec une série de produits fait partie de la stratégie de Docker, affirme Scott Jonhston, le COO de Docker. « Il s’agit de se concentrer sur l’horizontal, avec une plateforme capable de s’étendre, de boucler la boucle et de proposer une solution éprouvée. »
Certains observateurs pensent aussi que c’est la bonne voie à suivre si Docker ne veux pas se limiter aux développeurs mais s’ouvrir à l’ensemble de l’IT. « C’est exactement ce qui doit se passer, soutient Chris Riley, analyste DevOps chez Fixate IO. Docker souffre déjà du problème d’avoir été développé par des développeurs pour des développeurs et d’une adoption bottom-up. »
Les développeurs qui ont utilisé les produits Open Source de Docker gratuitement n’ont pas assez pris part au jeu pour forcer une adoption à l’échelle de l’entreprise. Là où Docker doit se positionner pour devenir pérenne sur le long terme, ajoute-t-il encore.
Toutefois, les tentatives qui visaient à monnayer les produits ont échoué – en témoigne la récente réaction des utilisateurs face à la tarification de Docker Cloud. « Nombre de startups sont injustes lorsqu’elles quittent le navire, maintient Chris Riley. Elles doivent s’attendre à des retombées et faire avec. »
Docker, trop rapide ?
Pour certains, le plus gros problème de Docker réside dans sa progression trop rapide. Par exemple, ceux qui ont testé Docker Swarn prétendent qu’il est à la traîne derrière Apache Mesos et Google Kubernetes.
XtremIO (propriété d’EMC) qui propose du stockage Flash, a récemment monté un PoC (Proof-of-Concept) de son système dans un environnement en conteneurs pour l’un de ses clients (une banque). Il s’est appuyé sur Mesosphere et Marathon pour le scheduling et l’orchestration plutôt que sur Docker Swarm. « Il voulait une solution qui fonctionne. Swarm n’est pas encore là lorsqu’on aborde le scaling », assure Itzik Reich, le CTO de XtremIO.
Toutefois, en s’étirant ainsi, Docker pourrait aussi perdre son empreinte. « On note une inertie sur de nombreux projets, où le nombre de « pull requests » est en baisse et où les équipes ne sont plus aussi réactives qu’avant », explique Aaron Welch, co-fondateur de la société Packet, un fournisseur de Cloud, amateur de conteneurs.
Malgré tout, les produits clés de Docker ne sont pas développés aussi rapidement que ça. « Des projets comme Dockerfiles pourraient par exemple proposer davantage de fonctions et d’écarter de certaines pièces », affirme Pauly Comtois, vice président en charge de Devops, au sein d’un grand média. Il se dit un grand fan de Docker, mais « ils ont passé du temps à s’éloigner de leurs compétences cœurs, au lieu de se concentrer à faire évoluer leur produit cœur vers la maturité. »
Les partenaires accusent le coup
De plus, la précipitation avec laquelle Docker sort ses produits peut poser des problèmes aux partenaires, résume Jeff Behl, en charge du réseau chez LogicMonitor, un spécialiste des outils de monitoring. Entre les versions 1.8 et 1.10, « il n’y a eu aucune rétrocompatibilité ; ce qui est très douloureux. »
Les partenaires Docker sont soumis à des pressions depuis des mois. « J’ai commencé à le sentir à la DockerCon de Barcelone », en novembre, explique de son côté Zachary Smith, le CEO de Packet. « Docker avait le discours suivant : « ne parlez pas de Kubernetes ». Je ne suis dit que cela était bizarre. »
Cette attitude a aussi entaché les relations de Docker avec les fonds d’investissements, ajoute-t-il, de peur d’investir dans des entreprises dont les produits pourraient être répliqués par Docker. Par exemple, on suppose que Docker se prépare à sortir un service de SDS (Software-Defined Storage) de type VMware VSAN, qui pourrait alors concurrencer des startups spécialisées dans le stockage, comme Rancher Labs et Portworx.
Les investisseurs prenant pied dans ce secteur préfèrent au lieu de cela avertir les startups de s’aligner sur Google Kubernetes, Mesosphere ou HashiCorp. « Il existe véritablement un halo autour de Kubernetes et de Google Cloud Platform », commente Zachary Smith.
Docker n’a pas souhaité commenter.
Traduit et adapté par la rédaction.