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FTTH : Altitude Infrastructure entend prospérer là où les grands opérateurs refusent d'investir
Pionniers des réseaux d'infrastructures publics, Altitude Infrastructures intervient dans les zones aujourd'hui désertées par les grands opérateurs. Avec l'accélération des investissements publics dans le FTTH, l'opérateur veut opérer plus de 2 millions de prises à l'horizon 2022.
Dans Star Trek, la mission du vaisseau Enterprise est d’explorer des mondes nouveaux et étranges, de découvrir de nouvelles formes de vie et de nouvelles civilisations et d’aller courageusement là où personne ne s’est aventuré avant lui. À bien y réfléchir, l’opérateur de réseaux Altitude Infrastructure est un peu le vaisseau Enterprise du très haut débit.
Là où les grands opérateurs ne veulent pas aller, dans ces campagnes et villages loin des grandes métropoles, le petit opérateur d’infrastructure basé à Val de Reuil (il emploie environ 140 personnes) a trouvé un terrain de jeu et d’expansion passionnant en déployant et en opérant des réseaux FTTH pour le compte des collectivités territoriales.
Altitude Infrastructure : un spécialiste historique des RIP
Altitude Infrastructure, qui a fait ses premiers pas dans le WI-MAX, s’est spécialisé dans le déploiement de Réseaux d’Initiative Publique (RIP), le nom pudique que l’on donne aux réseaux à très haut débit que les départements et régions de France sont contraints de financer eux-mêmes partout où les opérateurs privés se refusent à investir. Il est l’un des grands acteurs de ce marché où œuvrent aussi d’autres opérateurs comme Axione ou Tutor.
En fait, le quatuor des « grands » opérateurs télécoms que sont Bouygues, Orange, Free et SFR (surnommé BOFS par les abandonnés du très haut débit) et les acteurs comme Altitude Infrastructure semblent vivre sur des planètes différentes. Les premiers sont aujourd’hui obsédés par la rentabilité à court terme. Si bien qu’ils ont choisi de concentrer leurs investissements dans les grandes agglomérations (dites zones très denses) et dans un certain nombre de zones moyennement denses (zones concernées par l’appel à manifestations d’intentions d’investissement, dit AMII). Le problème est que cela laisse en jachère les zones peu denses et les campagnes.
Si on se contentait de laisser faire les grands opérateurs, la France ressemblerait aux États-Unis, un pays où le haut débit (et on ne parle même pas de fibre ou de très haut débit) se déploie dans les villes, mais reste un rêve distant dans les campagnes. Selon la FCC, l’équivalent US de l’Arcep, 39% des foyers ruraux n’ont pas accès au haut débit aux États-Unis – ce taux monte à 41% pour les terres tribales indiennes – contre 4% pour les foyers urbains.
Les RIP fibre optique : la riposte des collectivités au mépris des opérateurs pour les campagnes
Mais le plan THD français a prévu une parade à l’abandon de certains territoires par les opérateurs privés : le bon vieil investissement public, via les RIP. On l’aura compris, ces réseaux ne se développent pas à Paris, Marseille ou Lyon (en tout cas pas pour le FTTH). Ils prospèrent plutôt dans les lointaines périphéries des villes, au bord de l’océan, au fond des Alpes, des Pyrénées, du Massif Central ou des régions agricoles de France, là où les collectivités publiques doivent se substituer aux acteurs privés défaillants.
Selon Altitude Infrastructure, près de 7 millions de prises FTTH (et donc autant de foyers et d’entreprises) sont concernées par les investissements du plan France très haut débit (France THD) dans les réseaux RIP hors des zones très denses et des zones AMII. Cela représente environ un quart de la population et des entreprises françaises, mais plus important l’essentiel du territoire en matière de couverture géographique (cf. carte ci-dessous). Sur ce total Altitude Infrastructure a déjà contractualisé le déploiement d’un peu plus d’un million de prises FTTH avec plusieurs grands réseaux RIP, en Alsace, en région PACA, dans le Doubs ou dans la Manche. Et il vise à terme près du tiers du marché des RIP, soit plus de 2 millions de prises.
Dans le Doubs, les opérateurs privés ne devraient couvrir que 10% du territoire (mais 62% de la population et des entreprises) en investissant environ 82 M€. Les 90% restant du territoire (38% de la population et des entreprises) seront couverts d’ici à 2018 par le RIP en fibre optique opéré par Altitude, un RIP dans lequel les collectivités et l’État vont tout de même investir 184 M€.
Un RIP comment ça marche ?
Comme l’explique David Elfassy, le PDG d’Altitude Infrastructure, il existe aujourd’hui deux grands types de RIP. Les Délégations de service public (DSP) concessives, sont comme leur nom l’indique des concessions. L’opérateur de RIP s’engage à construire, maintenir, opérer et commercialiser le réseau. Le financement est mixte. En général, environ 50% de l’investissement est financé par l’apport de fonds publics. Les 50% restant sont apportés par l’opérateur du réseau sur ses fonds propres ou avec l’appui de fonds d’investissement et d’acteurs bancaires spécialisés dans les investissements à long terme dans l’infrastructure.
L’autre forme de RIP est le RIP affermé. Dans ce cas de l’affermage, c’est la collectivité publique qui prend à sa charge l’ensemble des investissements et la construction du réseau. L’opérateur de RIP n’est chargé que de l’exploitation et de la maintenance. Il paie en général une redevance d’affermage. Les contrats sont en général conclus pour une durée de 15 ans. Altitude infrastructure est aujourd’hui acteur sur ces deux types de RIP, par exemple en Alsace en DSP ou en région PACA et dans la Manche en affermage.
Dans la plupart des cas, les projets de RIP des collectivités bénéficient du soutien financier du plan THD lancé par l’État et appuyé par 3 milliards d’euros de budget. Mais ce soutien est suspendu au respect de contraintes nombreuses, notamment en matière de déploiement et de respect de certaines prescriptions d’architecture. L’idée étant de faire en sorte que les réseaux soient un peu tous conçus sur le même moule. Un moule qui doit permettre aux opérateurs en place d’utiliser ces infrastructures comme support pour commercialiser leurs propres offres. C’est du moins ce qu’espèrent ses concepteurs. D’ailleurs David Elfassy confirme qu’Altitude a organisé son Système d’information en conséquence, afin de permettre à des opérateurs tiers de provisionner des services, comme si les réseaux qu’il opère étaient une extension du leur.
Des investissements publics rentables ?
L’ironie est que si tout se passe comme prévu, les RIP pourraient à terme être un investissement rentable pour les collectivités. Comme l’explique le patron d’Altitude, les collectivités ne se lancent pas dans ces investissements à fonds perdu : « Tous les programmes sont montés pour être rentables ». Il précise toutefois que « Les collectivités construisent des programmes avec une perspective de rentabilité à long terme », à la différence des grands opérateurs, aujourd’hui obsédés par un retour sur investissement rapide.
En fait, avec le très haut débit, c’est un peu comme si les départements se lançaient dans la construction de routes départementales, sauf qu’au lieu d’être gratuites, elles seront à péage (par les opérateurs et donc indirectement par les utilisateurs). À horizon 15 ans, le pari pourrait même être payant puisqu’avec l’extinction des réseaux cuivre les collectivités se retrouveront opérateurs d’infrastructure monopolistiques sur une partie de leur territoire et pourraient même tirer de confortables revenus de leurs réseaux, une fois ceux-ci amortis.
Cela pourrait même être plus rapide que certains le pensent. David Elfassy cite par exemple l’exemple de ce petit village du Doubs, jusqu’alors oublié du haut débit et dont les 380 habitants se sont littéralement jetés sur la fibre à son arrivée avec près de la moitié du village abonné dans les semaines qui ont suivi le lancement. « L’appétence pour le très haut débit est forte dans les territoires qui en sont aujourd’hui dépourvus », confirme David ElFassy et elle touche aussi bien les particuliers que les entreprises.
La bataille des services sur les RIP
Si les entreprises plébiscitent en général les RIP car ils leur permettent enfin de disposer de services de données à très haut débit à des prix raisonnables, les particuliers semblent parfois plus récalcitrants à utiliser les services de ces réseaux, du fait de l’absence fréquente des services proposés par les grands opérateurs. Mais pour David Elfassy, c’est un faux problème : « les particuliers sont prêts pour avoir du débit à sacrifier une partie des services habituellement proposés avec les box », d’autant qu’ils peuvent se constituer leurs propres bouquets de service avec des acteurs comme Netflix. De plus, l’offre des fournisseurs alternatifs comme le propre WiBox d’Altitude ne cesse de s’améliorer. WiBox propose déjà du triple Play et il devrait rattraper son retard en matière de box en cours d’année avec une box androidTV offrant des services similaires à ceux des grands opérateurs. David Elfassy estime même que la bascule vers le FTTH pourrait être l’occasion pour un nouvel acteur comme OVH ou même un acteur des contenus d’émerger face aux acteurs actuels du haut débit en France.
Reste que les acteurs publics souhaitent souvent que les grands fournisseurs proposent leurs services sur les RIP afin d’accélérer leur rentabilité, mais aussi de proposer une offre plus riche à leurs administrés. Mais pour l’instant, les grands opérateurs traînent souvent des pieds, laissant le champ libre aux acteurs plus petits. Car, comme on le verra en détail dans la seconde partie (à venir) de cet article, les objectifs des collectivités et des grands opérateurs privés sont loin d’être alignés pour ce qui concerne le déploiement de la fibre optique. et dans certains cas, les opérateurs continuent à jouer la carte de la montée en débit via VDSL2, plutôt que d'utiliser les RIP.
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