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Chiffrement : le dialogue de sourd semble continuer
Nathalie Kosciusko-Morizet veut obliger les constructeurs de matériel à prévoir des dispositifs favorisant le travail des forces de l’ordre. Alors que 200 experts signent une lettre ouverte contre toute forme d’affaiblissement du chiffrement.
Nathalie Kosciusko-Morizet a déposé un amendement au projet de loi pour la République numérique visant à contraindre les constructeurs de matériels – en général, et pas seulement informatiques – à prévoir des dispositions pour faciliter le travail des forces de l’ordre. L’objectif affiché est « d’éviter que des systèmes de cryptage individualisés ne retardent la poursuite d’une enquête ». Et là, pour les députés signataires, « la France doit prendre l’initiative en obligeant les constructeurs de matériel à prendre en compte l’impératif d’accès des policiers et gendarmes, sous le contrôle d’un juge et uniquement dans le cadre d’une enquête judiciaire, à ces matériels ».
L’une des surprises de ce texte tient au fait que les éditeurs de logiciels ne sont pas visés alors que leurs applications sont au moins au cœur des débats actuels que les smartphones.
Peut-être faut-il alors voir là le signe d’un manque de compréhension du sujet, comme certains semblent le penser. Fin décembre, Amit Royan, le patron de RSA, indiquait ainsi penser que les velléités d’imposer des portes dérobées par la loi comptent parmi « les propositions législatives les plus absurdes des dernières décennies. Cela montre simplement une absence complète de compréhension de la manière dont fonctionne la technologie ».
Une façon de dénoncer ce qui ressemble de plus en plus à un dialogue de sourd, entre industriels et experts défendant des positions confortées notamment par les aspects techniques du sujet et des politiques et représentants des forces de l’ordre cherchant à trouver une issue à ce qui à tous les airs d’un cul de sac.
De nombreuses associations viennent d’ailleurs de publier une lettre ouverte pour la protection du chiffrement, aux côtés d’experts et de particuliers. Dans celles-ci, ils appellent notamment à ne pas céder à la tentation des portes dérobées ni de la mise sous séquestre de clés, entre autres.
Mais peut-être Nathalie Kosciusko-Morizet ne cherche-t-elle finalement qu’à pousser le gouvernement à prendre clairement position sur le sujet. Pour l’heure, celui-ci reste discret sur le sujet, laissant par exemple le soin au procureur de la République de Paris, François Morin, d’insister sur la difficulté que présente la collecte de données sur des smartphones verrouillés de manière de plus en plus robuste. Ou encore à Guillaume Poupard, le directeur de l’Anssi, celui d’introduire l’idée d’un « compromis qui peut sembler paradoxal : on veut protéger les communications électroniques, mais être capable d’y accéder dans les cas où la sécurité le nécessite ».