Baromètre EBG/Qlik : marketing et ventes pas si en avance dans leur transformation numérique
Les entreprises françaises sont en train de mener leur transformation numérique. Beaucoup de responsables marketing s'estiment plutôt avancée sur la question. Méthode Coué ou réalité ? Les budgets restent faibles et la collaboration entre marketing et les ventes reste problématique. C'est pourtant la condition sine qua non de réussite.
L'EBG et l'éditeur Qlik viennent de dévoiler les résultats de la seconde édition de leur baromètre dédié à l'impact du digital dans la performance marketing et commerciale des entreprises françaises. Cette édition 2015 livre des résultats plutôt surprenants sur l'état d'avancement de la transformation digitale dans le tissu des entreprises hexagonales, ou plutôt la façon dont les directions marketing (58% des répondants) et commerciales (15%) la perçoivent.
Alors que les cabinets anglo-saxons pointent régulièrement nos entreprises pour leur retard dans l'adoption des nouvelles technologies et les nouveaux usages, seul 26% des responsables interrogés s'estiment en retard sur leurs pairs sur le plan de la transformation digitale. 35% s'estiment même en avance sur leurs concurrents pour 37% dans la moyenne.
Un auto-satisfecit étonnant au regard des moyens dont ils disposent comme le souligne Arthur Haimovici, responsable du pole étude / pole B2B de l'EGB : "lorsqu'on considère le budget alloué au digital par rapport au marketing global, cela ne représente encore pour beaucoup d'entreprise que moins de 20% du total." L'analyste détaille la perception des responsables quant à l'impact de leur stratégie digitale sur l'activité de leur entreprise : "L'impact est le plus fort sur la visibilité de la marque, c'est évident, il l'est aussi sur le nombre de prospects. Là où ils doutent encore, c'est sur les évolutions de prix et le panier moyen ce qui est assez logique car le digital en favorisant la transparence a tendance à être déflationniste."
Reconstituer le parcours client reste le problème numéro 1
Le baromètre EBG/Qlik a cherché à évaluer les moyens mis en place par les entreprises françaises afin de mesurer l'impact de leur stratégie IT sur leurs ventes. Car si, sur les campagnes d'eMailing il est assez facile de faire du tracking et de mesurer l'effet d'une campagne sur les ventes, c'est beaucoup plus complexes pour les dépenses réalisées sur les moteurs de recherche, la publicité en ligne et les réseaux sociaux
Pour 57% des répondants, parmi les freins évoqués, c'est le suivi du parcours client qui constitue l'écueil numéro un. Un acheteur qui se présente dans un magasin ou auprès d'un distributeur est-il venu suite à une publicité radio/TV, à un bandeau sur un site Web, à une recherche sur un moteur ou à un email. Difficile de déterminer précisément quel levier marketing a joué le rôle le plus important sachant que notre consommateur a sans doute été exposé à l'ensemble de ces dispositifs avant de prendre sa décision.
Le deuxième écueil est lié à l'informatique et plus particulièrement à la difficulté de réconcilier les données relatives aux clients, données qui sont disséminées au sein de multiples applications et services Saas. 51% des répondants considèrent que c'est un des principaux freins à la mesure de l'impact du numérique, avant même le manque de ressources et de compétences mises à leur disposition.
La fiabilité des données remise en cause par 49% des responsables
Devant ces difficultés, les directions marketing se contentent des indicateurs à leur disposition comme le suivi du trafic Web, le suivi des campagnes, l'activité sur les réseaux sociaux.
Des indicateurs simples mais qui privilégient les canaux numériques et peuvent fausser le rôle joué par les canaux plus complexes à mesurer.
Au final, seulement 11% des entreprises s'estiment capables de calculer la rentabilité de leurs clients et seulement 4% la productivité de leurs marketeurs. "Les responsables commerciaux ne font pas tellement confiance à leurs datas. Quand on leur demande ce qu'ils jugent le plus compliqué dans la construction d'un tableau de bord commercial, ce sont les données qui sont jugées pas assez fiables pour 49% d'entres-eux" détaille Arthur Haimovici.
Point supplémentaire, "ces analyses sont essentiellement tournées vers le passé. On fait encore peu de prédictif en France et c'est un axe d'amélioration assez clair pour les entreprises."
Autre point à améliorer pour les entreprises afin d'améliorer l'impact du numérique sur leurs ventes, la collaboration. Seulement 35% des sondés ont mis en place des tableaux de bord partagés entre ventes et marketing, et seulement 20% ont des indicateurs communs.
"Pour la plupart des répondants, le tableau de bord ne permet pas d'avoir une vision complète. La vision à 360° du client reste une sorte d'idéal difficile à atteindre. En tout cas 42% des entreprises déclarent ne pas être parvenu à ce stade."
La vision 360° du client reste un idéal à atteindre pour beaucoup
Cette quête à la vision 360 du client, Yann Nouchy, Chief Digital Officer de l'enseigne de prêt à porter Etam la vit aujourd'hui. "J'ai rejoint le groupe Etam au mois de juin afin de créer la direction digitale. L'idée étant de se dire que l'on a qu'une seule cliente qui se fiche de savoir combien il y a de managers au CRM, à la data, au E-Commerce ou dans les magasins. Elle a juste envie qu'on la suive tout au long de son parcours et ce, sans couture ! Mon job, c'est de casser les silos dans l'organisation, d'essayer de faire communiquer les magasins avec Internet, le programme de fidélité avec Internet, le E-Commerce avec les achats, etc."
Si, à l'image d'Etam, les grandes entreprises se sont maintenant dotées de CDO pour coordonner leurs efforts en matière de données clients, les outils sont encore insuffisants ou tout du moins mal utilisés. Les métiers ne seraient pas comblés par les solutions décisionnelles dont elles disposent actuellement. Ainsi 54% des répondants se sont déclarés insatisfaits, une proportion qui passe à 57% dans les populations marketing.
Si plus de 80% des directions marketing utilisent des outils de Web Analytics, l'accès aux outils de reporting et à l'analytique n'est pas majoritaire, que ce soit au service commercial, ou au marketing.
Quant aux outils capables d'analyser des données provenant des médias sociaux et ceux capables de délivrer des visualisations de données avancées, ils sont rarissimes.
Des tableaux de bord et des KPI partagés entre le marketing et le commercial est une autre idée qui devrait tomber sous le sens et pourtant elle est loin d'être une réalité dans les entreprises françaises.
Seul le tiers des répondants affirme en effet avoir mis en place ces tableaux partagés. Dans 28% des entreprises ce type de collaboration n'existe pas du tout et 20% n'ont que quelques indicateurs communs. Enfin, dans 15% des cas, marketing et commercial ont chacun leurs outils analytiques et leur propres chiffres. Les résultats de cette approche séparée sont bien connus quand, en réunion, chacun vient confronter ses chiffres avec ceux des autres.
Big Data : un effort sur le long terme
Si beaucoup reste à faire face à cette collaboration défaillante, beaucoup préfèrent regarder ailleurs, notamment du côté du buzzword du moment, le Big Data. Pour 80% des répondants au baromètre, le Big Data est considéré comme une opportunité à saisir. Il est même plébiscité à 84% par les commerciaux.
Reste à déployer ce type de solutions pour améliorer l'efficacité commerciale. 45% des personnes interrogées affirment que leur entreprise a bel et bien élaboré une stratégie sur le sujet.
Très avancé sur ce domaine, Le Figaro Medias a démarré son approche Big Data dès 2012. "La question qu'il faut se poser, c'est est-ce que je vais avoir besoin de quelqu'un pendant 6 mois pour développer 2 ou 3 algorithmes ou est ce on s'inscrit dans un projet à plus long terme" explique Alexis Marcombe, directeur général Délégué de la régie publicitaire du groupe de presse. "C'est le long terme qui paye, ne serait-ce que parce que l'investissement initial est très lourd. Quand nous avons lancé notre projet en 2012, nous avons investi 5 millions d'euros. Nous sommes équipés d'une DMP et aujourd'hui 14 personnes travaillent dessus. Nous avons une très grande variété de profils car le Big Data c'est le mélange du monde des mathématique et celui des sciences humaines."
Bien peu d'entreprises ont atteint ce niveau de maturité sur la question aujourd'hui en France et surtout y ont consacré un budget aussi conséquent.
Seuls 22% des répondants ont affirmé avoir mis en place un DMP, mais ils sont 42% à l'envisager. Etonnant alors que le baromètre souligne que 60% des répondants réclament cette vision à 360° du client, et qu'ils exigent des données plus précises et plus fiables.