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A Dell World, Dell lance des produits concurrents... d’EMC
Des baies de stockage avec plus d’IOPS, des infrastructures convergées pour mieux faire du SDDC et des appliances pour le Cloud hybride. Les riches nouveautés de Dell ont un problème : elles apparaissent terriblement redondantes.
Une semaine après l’annonce du rachat d’EMC, les employés de Dell marchent sur des œufs. A l’occasion du DellWorld 2015 qui se tenait à Austin la semaine dernière, ils ont eu la tâche délicate de commenter le détail de nouveaux serveurs, infrastructures convergées, baies de stockage et autres appliances de cloud hybrides conçus pour concurrencer, entre autres, les produits d’EMC. « Écoutez, il y a six jours, je ne savais même pas que j’aurais à vendre un jour des produits EMC, confie au MagIT Claire Vyvyan, la vice-présidente de Dell EMEA en charge des solutions d’entreprise. Maintenant, il y a un processus légal qui se met en route et qui pourrait durer typiquement neuf mois. Après cette échéance, nous réfléchirons à la manière de mixer nos produits dans un catalogue commun. Mais, d’ici là, ma mission reste d’avoir les produits les plus compétitifs possible, y compris face à ceux d’EMC », lance-t-elle. Et d’ajouter : « en revanche, il y a quelque chose qui a déjà changé. Les entreprises françaises que j’ai eues au téléphone ne nous considèrent enfin plus comme un fabricant de PC. Mais comme un géant du datacenter, au même titre que HP ou IBM. Il était temps : cela fait un moment que nous sommes No1 des serveurs et du stockage en France », revendique-t-elle.
Compellent contre VNX, XC contre VCE
En particulier, Dell a dévoilé cette semaine une nouvelle baie de stockage Compellent SC9000 et une infrastructure hyperconvergée XC6320 qui entrent en concurrence directe avec, respectivement, les baies VNX d’EMC et les VxRack de VCE, la filiale serveurs d’EMC.
Comme les VNX, les baies de la gamme Dell SC sont dotées d’un double contrôleur propre, d’une connectique Fibre Channel et s’utilisent aussi bien au mode bloc qu’en mode fichiers. En revanche, contrairement aux VNX, elles supportent d’être mises en cluster avec des performances qui croissent en même temps que les capacités. Pour bénéficier de ce « scale-out » chez EMC, il faut soit choisir une baie Isilon qui ne fait que du fichier, soit une baie XtremIO, qui ne fait que du bloc (et, avec ses disques Flash, ne sert qu’aux bases de données).
Le modèle SC9000 se différencie de l’ancien SC8000 avec une connectique FC 12 Gbits/s au lieu de FC 6 Gbits/s, 2x 256 Go de RAM au lieu de 2x 64 Go et des processeurs 8 cœurs au lieu de 6 cœurs. Le nombre de CPU ne change en revanche pas, soit deux par contrôleur, et le nombre de disques non plus, soit un maximum de 960 unités pour une capacité de 3 Po. Ces changements permettraient désormais d’atteindre des performances 40% supérieures, soit 385.000 IOPS avec une latence de moins de 1ms.
Le système SCOS arrive pour sa part dans une version 6.7 qui compresse mieux, dispose d’un utilitaire de migration depuis les baies Equalogic (la gamme de baies iSCSI chez Dell), ainsi qu’un système de sauvegarde automatique vers Azure.
L’infrastructure hyperconvergée XC6320 contient quatre serveurs, chacun doté de deux Xeon E5, et six disques 2,5 pouces, pouvant totaliser 11,2 To en mode hybride SSD-disques magnétiques, ou 9,6 To avec six disques SSD.
Comme les machines de VCE, ce XC6320 est censé exécuter des machines virtuelles, en particulier du VDI ou des bases de données. Surtout, il fonctionne sous le système Nutanix 4.1.2 (en surcouche de ESX-i, KVM ou Hyper-V), un concurrent d’EVO:RAIL de VMware pour administrer les machines virtuelles en cluster (SDDC), voire pour transformer la machine hôte en brique de stockage de type Software Defined Storage (SDS), en concurrence directe avec ScaleIO d’EMC et Virtual SAN de VMware.
Dans les allées du salon, Rick Walsworth, le vice-président, de Formation, une jeune startup qui édite un nouveau système de Software Defined Storage exulte : « Franchement, cette fusion entre Dell et EMC, avec tous ces produits qui se font concurrence entre eux, c’est du pain béni pour nous. Les entreprises ne vont plus aller les voir tant qu’ils n’auront pas consolidé leurs catalogues et nous sommes bien partis pour que ça dure plusieurs mois. Pendant tout ce temps, cela va renforcer l’intérêt pour des fournisseurs plus dynamiques, plus innovants tels que nous. D’autant plus qu’avec nous, les DSI auront la garantie que nous ne sommes pas là pour leur vendre des solutions à tiroirs », s’amuse cet ancien d’EMC. Lancée l’année dernière, Formation compterait déjà parmi ses clients de grands comptes américains.
Équiper les hébergeurs pour éviter les effets du passage au Cloud
Parmi les autres annonces, le Dell World 2015 a célébré le lancement de nouvelles infrastructures pour les hébergeurs. Dans la droite lignée de la création de la business unit DSS en août, les nouveaux serveurs DSS 1500 (1U), 2500 (2U) et 7000 (4U) sont des machines basiques à base de Xeon E5, de 8 à 90 disques et de 32 slots DDR4 pour la RAM. Mais ils sont conçus pour être vendus en palettes de milliers d’exemplaires.
« L’avantage de cette machine est la densité, elle offre en 4U ce que nos concurrents font dans 5U. L’utilisation-type est ce que nous appelons l’archivage actif. C’est-à-dire le stockage de vidéos ou autre contenus pour des distributeurs en ligne ; il faut que chaque contenu soit accessible rapidement à défaut de l’être souvent », commente Ajay Misra, directeur des solutions scalables pour centres de données. Un peu gêné, il ajoute : « ces machines peuvent servir à faire du Software Defined Storage. Normalement, nous conseillons pour cela l’utilisation des systèmes Ceph ou Scality. Je n’ai rien concernant le support d’EMC ScaleIO dans ma feuille de route. Enfin, pour l’instant », dit-il.
Dans le même genre, Dell et Microsoft ont dévoilé une version réduite de CPS, l’appliance qui met un bout de Cloud Windows Azure derrière le pare-feu de l’entreprise. Cette nouvelle version, en 2U, permet d’exécuter jusqu’à 300 ou 400 machines virtuelles, là où le modèle sorti l’année dernière en exécute jusqu’à 3000. « Très clairement, cette solution, avec un prix plus abordable que la précédente, va surtout servir aux hébergeurs locaux pour proposer à leurs clients d’exécuter des applications SaaS d’Azure dans un cloud privé. Je ne crois pas que les clients finaux l’utilisent eux-mêmes pour exécuter des machines virtuelles dans un Cloud Azure hybride. Ils chercheraient plutôt à le faire avec Amazon », commente Allan Krans, analyste pour le cabinet américain Technology Business Research. Ici aussi, la solution conjointe de Dell et Microsoft cogne avec la stratégie d’EMC, lequel proposait plutôt de mettre en place des stratégies de Cloud hybride sur la base d’un stockage qui fait le pont entre privé et public.
Chez Dell, on avance qu’équiper les hébergeurs préserve la marque d’une chute d’activité si d’aventure toutes les entreprises décident de mettre leur datacenter dans le Cloud. « Cela dit, je remarque qu’au bout d’un certain temps, passée leur transformation digitale, les entreprises ressortent du Cloud et reviennent à des datacenters locaux. Car il est financièrement plus intéressant de posséder que de louer », avance Claire Vyvyan.