Solutions 2015 : Le CRM vole la vedette à l’ERP
Le salon Solutions ERP cohabite cette année avec divers salons dédiés à a business Intelligence, aux e-achats et au CRM. Un CRM qui empiète de plus en plus sur l’ERP dans les systèmes d’information. Plus agile, Cloud, mobile, le CRM est en train de ringardiser l’ERP et grignote peu à peu ses prérogatives.
Les professionnels du progiciel d’entreprise ont rendez-vous cette semaine à Paris avec une concentration de salons dédiés aux ERP, à la dématérialisation, à la Business Intelligence et au CRM. Au total, 200 exposants attendent 6 000 personnes sur les 3 prochains jours. Un assemblage plus ou moins homogène de salons qui marque aussi la concentration du secteur des progiciels : ce secteur connait aujourd’hui des mouvements telluriques importants.
L’ère des grands projets de déploiements d’ERP des années 2000 est achevée et les éditeurs d’ERP peinent toujours à convaincre les entreprises françaises de l’intérêt d’opter pour leurs solutions Cloud. Un modèle Saas qui fait pourtant le succès actuel des éditeurs de CRM qui sont en train de faire bouger les lignes. Plus agiles, les plateformes CRM se dotent de plus en plus de fonctions, quitte à empiéter sur les ERP.
Le marché des ERP bientôt supplanté par le CRM
L’analyse des différents segments de marché d'applications pour entreprises montre que le chiffre d’affaires encaissé par les éditeurs de solutions de CRM est en train de rattraper celui des éditeurs d’ERP
Selon le Gartner, en 2016, les deux marchés seront équivalents à 31 milliards de dollars et, à partir de 2017, les solutions de CRM pèseront plus lourds que les ERP. A l’heure où le leitmotiv des entreprises est de placer le client au centre de leur stratégie, où la transformation numérique est devenue l’enjeu de la décennie pour toutes les entreprises, le CRM se pose de plus en plus comme la pièce maîtresse des systèmes d’information, quitte à reléguer l’ERP aux seules tâches de gestion.
Pour Jean-Noël Barat, responsable des ventes chez Mismo Informatique, éditeur nantais d’une solution de CRM, cette frontière entre ERP et CRM a tendance à s’amoindrir. « Plusieurs raisons à cela. D’une part, la donnée client, capitale pour toute entreprise, bouge en permanence. Les clients passent maintenant commande en toute autonomie. Donc, on a besoin d’en savoir plus sur ces clients afin d’anticiper leurs comportements de demain. D’autre part, le CRM s’est enrichi d’une vision marketing plus profonde que par le passé. »
Pour développer la fidélité client et accroitre le chiffre d’affaires, les entreprises développent de plus en plus de services additionnels. Des services qui ont de plus en plus tendance à être gérés au niveau du CRM et non pas au niveau de l’ERP, bien plus lourd à faire bouger. « On intègre au CRM la gestion des services proposés aux clients qui sont de plus en plus nombreux. A partir du moment où on a un client, l’entreprise veut capitaliser sur lui et lui proposer des services complémentaires. Des services gérés par la force commerciale. C’est la raison pour laquelle cette frontière entre ERP et CRM a tendance à s’émietter et qu’elle est beaucoup moins nette que par le passé. »
Pour Hervé Guillaud, responsable de Dimo Software, cet essor du CRM, après celui des ERP, correspond à l’état de maturité des entreprises. « Le CRM est une pierre angulaire du système d’information, mais n’est souvent pas le point de départ. Quand on évoque la maturité des entreprises, le CRM est mis en place afin de compléter l’ERP. Le premier outil que met en place une entreprise, c’est l’outil qui va lui permettre de gérer sa comptabilité, sa facturation, sa logistique, selon son métier. Généralement, que ce soit pour une PME ou un grand compte, il faut quelques années pour digérer cet investissement, puis, quelques années plus tard, le CRM s’impose de manière assez naturelle. Un goulet d’étranglement apparait sur la gestion des clients, l’ERP ne suffit plus et on vient le compléter par un CRM. »
L’importance du CRM vis-à-vis de l’ERP varie en fonction du secteur d’activité
Pour Pierre Bourdial, Consultant Senior CRM chez Microsoft, il existe 3 grandes familles d’utilisateurs d’une plateforme CRM. Son plus gros utilisateur est bien évidemment la force commerciale de l’entreprise, notamment pour toute la gestion des opportunités, des devis. Viennent ensuite le volet service avec la gestion des retours, du SAV avec les bases de connaissances. Puis la partie marketing.
« C’est sur la partie commerciale que l’on trouve la plus grande analogie avec l’ERP. Le processus commence dans le CRM puis va dans l’ERP au moment où il faut finaliser la commande. Pour la partie services, c’est bien dans le CRM que va être gérée toute la relation avec le client. La frontière ERP/CRM est claire dans certains domaines mais beaucoup moins dans d’autres, comme les services notamment. »
Jean-Noël Barat de Mismo ajoute que « la production n’est pas dans le CRM. On la retrouve généralement dans l’ERP, mais il peut arriver que l’on place des données de production dans le CRM. »
Le responsable des ventes évoque le cas de l’un de ses clients, la société K-Line (groupe Liebot), spécialiste de la menuiserie aluminium. « Leurs commerciaux visitent une clientèle d’artisans et ils ont besoin de savoir, au moment de leur visite mensuelle, où en est exactement la commande du mois précédent, où en est le traitement d’un litige sur un éventuel élément défectueux. Les commerciaux n’ont pas accès à l’ERP de l’entreprise qui sert à la production, mais tout le suivi de fabrication a été introduit dans le CRM, car sur le terrain, les commerciaux ont besoin de cette information immédiatement. »
Cette notion de CRM pièce centrale du SI émerge peu à peu. « On a besoin aujourd’hui d’une donnée sur le client qui soit centralisée », estime Jean-Luc Malet, directeur de projet chez Néréide, intégrateur de l’ERP libre Apache OFBiz. « Le CRM va regrouper un certain nombre d’informations amenées depuis la standardiste jusqu’au commercial. Tout doit être centralisé dans le CRM pour que ces informations importantes soient mises à disposition des autres acteurs dans la société. Gestion de production, gestion des stocks, les équipes commerciales doivent aussi avoir accès à ce type d’informations. Beaucoup de données du système d’information sont utiles pour les commerciaux. C’est pourquoi il est important de soigner les échanges entre ERP et CRM. »
Le Saas ne résout pas tous les problèmes de déploiement du CRM
Par rapport aux grands projets de mise en place des ERP du début des années 2000, le CRM bénéficie d’une plus grande simplicité de déploiement, notamment grâce au Cloud. Pierre Bourdial de Microsoft souligne : « Tous les acteurs du CRM ont aujourd’hui une offre Saas à leur catalogue. Dès que des commerciaux sur le terrain doivent accéder au CRM de l’extérieur, c’est bien plus simple dans le Cloud. C’est l’argument numéro 1 devant même celui portant sur l’absence de maintenance des plateformes. Nous offrons des solutions utilisables en Saas, en on-premise ou en mode hybride. Mais aujourd’hui toutes nos réponses aux appels d’offres proposent le Saas. Ensuite, cela va dépendre des contraintes du client. »
Jean-Noël Barat de Mismo souligne : « Il y a une vrai tendance aujourd’hui à aller vers le Cloud, on ne peut le nier. Cela dit, il y a deux types de projets. Les entreprises qui sont sur un premier projet CRM ne se posent plus la question : elles vont dans le Saas. Par contre, sur les projets de renouvellement, parce qu’elles ont une infrastructure existante, elles recherchent une intégration à l’ERP et ne vont pas spontanément vers le Saas. »
Même si avec le Cloud, la mise en place est techniquement bien plus simple, les projets restent plus complexes qu’il n’y paraît, et les risques d’échec élevés. C’est le cas auprès de commerciaux qui ne souhaitent pas nécessairement partager leurs informations sur les clients, ou ceux qui refusent de voir leur activité quotidienne tracée par la plateforme CRM. « C’est très dur d’imposer un CRM à des commerciaux sans qu’il ait été accepté au préalable par eux », reconnaît Jean-Luc Malet.
« La force commerciale est névralgique dans une entreprise et on ne peut lui imposer un outil sans en avoir discuté avec eux, monté un projet et vu les éléments qui les concernent très directement. »
Tout comme pour les projets des grands ERP d’antan, ces projet doivent recevoir un soutien direct de la direction générale, non pas seulement lors du choix de la solution, mais tout au long de sa mise en place. « Le CRM, ce n’est pas Big Brother », surenchérit Pierre Bourdial. « Le CRM est un outil qui va permettre à l’entreprise de gagner plus d’argent. Avec de meilleures informations sur le client, le commercial peut proposer à son client le bon produit au bon moment. Les commerciaux doivent pouvoir comprendre ça, le CRM n’est pas là pour leur prendre leur job ! Dans tous les projets que nous menons, les utilisateurs doivent être impliqués dès le début. Dès le début, on doit leur mettre en main l’application et on évite à tous prix les grands cycles en V. Ils doivent participer aux décisions au maximum. »
En termes de gestion de projet, éditeurs et intégrateurs poussent les entreprises à opter pour des déploiements itératifs et des montées en fonctionnalités progressifs plutôt que les Big Bang générateurs de blocages, de frustrations et conduisent parfois à l’échec.
« Souvent, les projets sont focalisés sur le volet fonctionnel en oubliant les processus métier », remarque Sébastien Henrot, Directeur Commercial et Marketing d’Ines CRM. « Les chefs d’entreprise et les responsables de services ont tendance à demander telles ou telles fonctionnalités parce qu’ils en ont entendu parler. Parfois il faut rester plus terre à terre et commencer par les fonctions de base, que celles-ci soient bien utilisées avant d’aller vers des choses plus sophistiquées. »
Plus agile, le CRM est en train de reléguer les ERP aux tâches administratives et dans les ateliers. Un signe des temps sans doute, le client et le marketing sont désormais la priorité numéro 1 de bon nombre d’entreprises.