Oracle met tous ses logiciels et matériels dans son Cloud
Le fournisseur promet une hybridation totale entre ses serveurs physiques et son Cloud public. Du moins pour exécuter ses propres logiciels.
Juste de l’opportunisme ? Sept ans après avoir dit du Cloud qu’il s’agissait d’un buzzword sans lendemain, Oracle prétend désormais fournir le plus grand nombre de services en Cloud. Ses derniers SOA Cloud Service et API Manager Cloud Service lancés ces jours-ci sont respectivement les 25ème et 26ème. « Nous mettons petit à petit toutes nos technologies historiques dans notre Cloud public. Vous trouverez en IaaS des serveurs, de l’archivage et du stockage et, bien entendu, notre base de données. En SaaS, toutes nos applications. Et en PaaS, tous nos outils historiques pour les développeurs », a lancé Dave Donatelli, le nouveau vice-président de la division Infrastructures, dans le cadre du forum Oracle Digital Transformation qui se tenait fin septembre à Paris. Selon lui, 95% du catalogue historique d’Oracle devrait être disponible dans le Cloud du fournisseur d’ici à la fin de l’année.
La même expérience entre le datacenter et le Cloud
Les versions Cloud d’Oracle SOA et API Manager, dans la catégorie PaaS, sont censées permettre aux développeurs de déployer des applications qui fonctionnent à l’identique dans le Cloud et sur des serveurs au sein de l’entreprise. Pour Dave Donatelli, « identique » est ici le mot clé. « Nous sommes les seuls à proposer un Cloud public conçu à partir des mêmes logiciels et des mêmes matériels que nous vendons aux entreprises. Partout ailleurs, les développeurs sont obligés d’adapter leurs travaux quand ils passent d’une machine de test physique à une machine virtuelle dans un Cloud public. De plus, ils n’ont pas la garantie que les comportements, les performances, les expériences utilisateurs dans le Cloud correspondront à ceux de leurs applications quand elles s’exécuteront sur le datacenter de leur entreprise. Ce problème n’existe pas quand on passe du Cloud Oracle aux serveurs Oracle », jure Dave Donatelli.
Manifestement, le fournisseur a bien compris que la préoccupation actuelle des entreprises était le Cloud hybride, c’est-à-dire parvenir sans trop de difficulté à faire la jonction entre des datacenters très particuliers et des offres en ligne tout aussi particulières. OpenStack et Docker font partie de ces technologies ouvertes qui devraient, à terme, simplifier ces jumelages. Mais, ils sont toujours en développement. Et il est peu probable qu’ils séduisent déjà les clients d’Oracle - des pouvoirs publics, des compagnies financières - qui utiliseraient, pour certains, les mêmes applications depuis 23 ans.
Et Dave Donatelli d’ajouter que les ressources physiques et Cloud d’Oracle sont à ce point similaires que le fournisseur proposera bientôt à ses clients des contrats avec lesquels ils pourront passer de l’un à l’autre, selon l’évolution de leurs besoins. Il est cependant à noter qu’IBM promet lui aussi l’arrivée prochaine à son catalogue de l’interchangeabilité totale entre ses serveurs installés en entreprise - les mainframes Z et les machines Power - et son Cloud public SoftLayer. Comme celle d’Oracle, l’offre d’infrastructure matérielle et Cloud d’IBM sert à exécuter des machines virtuelles Linux et des bases de données. Bon point pour IBM : SoftLayer est, lui, hébergé en France.
Une offre en vase clos
Outre le fait de promettre un Cloud hybride qui fonctionne déjà, Oracle assure que ses serveurs et son Cloud public sont plus performants pour exécuter ses applications. « Nous, nous ne faisons pas de solutions assemblées qui servent un peu à tout. Nous fabriquons des Systèmes de Production qui sont expressément conçus pour nos logiciels », dit Dave Donatelli. Sur le modèle des Exadata (appliance de base de données) et ExaLogic (appliance pour applications Java) lancés en 2008, les huit « systèmes de production » (Engineered Systems, en version originale) actuellement au catalogue du constructeur sont des infrastructures hyperconvergées préconfigurées en usine avec des logiciels Oracle pour un besoin particulier (stockage, Big Data, IaaS, etc.). Les autres fabricants de serveurs - HP, Cisco, Dell, Fujitsu, Lenovo - proposent des infrastructures hyperconvergées génériques qui sont configurées a postériori, elles, et par des intégrateurs tiers.
Rien ne prouve cependant que les ingénieurs d’Oracle soient meilleurs sur la chaîne de montage que des intégrateurs qui assemblent des configurations chez les clients. D’autant que les systèmes de production d’Oracle sont basés sur les mêmes processeurs x86 et le même système Linux que tout le monde. Étonnamment, ils ne sont pas construits à partir des technologies maison - processeurs Sparc et système Solaris - dont on aurait plus volontiers cru qu’elles bénéficient d’optimisations inédites. « Nos serveurs Unix/Risc ont leur propre feuille de route et nous ferons des annonces à leur sujet plus tard », esquive Dave Donatelli.
Surtout, ce Cloud hybride Oracle a un défaut : il ne marche bien qu’en vase clos. Ne se déversent dans le Cloud public Oracle que les charges de travail des serveurs Oracle. Et ne s’exécutent sur des serveurs Oracle que les applications SaaS issues du Cloud Oracle. Rien n’est prévu pour aller chercher de la capacité ou des fonctions dans les Clouds de Microsoft Azure, de Salesforce, de Google ou d’Amazon.
Un outsider de l’infrastructure
Revendiquant 400 000 clients dans le monde, Oracle a atteint un chiffre d’affaires de 6,5 milliards de dollars au dernier trimestre. Contrairement à ce que la communication du fournisseur tend à laisser penser, la majeure partie de ses revenus provient toujours de la vente de serveurs physiques et de licences logicielles. Le chiffre d’affaires de l’activité Cloud - location de services IaaS, SaaS et PaaS - ne représente que 611 millions de dollars, soit à peine 7% du CA global. « Le Cloud bouleverse le marché de l’infrastructure. Il va mettre à mal tous les acteurs traditionnels. Nous pensons d’ailleurs que notre Cloud progressera bientôt plus que le reste de notre activité », lance Dave Donatelli. Un peu comme une méthode Coué : selon Gartner, Oracle vend aujourd’hui moins que HP, Dell, IBM, Lenovo, et Cisco au classement des... acteurs traditionnels de l’infrastructure.