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Avec Good, BlackBerry veut s’affirmer acteur de l’EMM
Ce rachat à plus de 400 M$ permet au Canadien d’acquérir des technologies absentes de son offre, des brevets déjà âprement disputés, et une base installée essentielle pour renforcer sa légitimité.
BlackBerry a annoncé, ce vendredi 4 septembre, le rachat de Good Technology pour 425 M$ en numéraire. Dans un communiqué, le Canadien explique que cette opération est en ligne avec stratégie « pour offrir aux clients la solution de bout en bout la plus complète qui sécurise l’ensemble de l’entreprise mobile, à travers toutes les plateformes ».
Vantant comme il se doit la complémentarité de l’offre de Good par rapport à la sienne, BlackBerry souligne les points sur lesquels il a, jusqu’ici, échoué à constituer une offre agnostique complète de gestion de la mobilité d’entreprise (EMM).
Un aveu de faiblesse ?
Ainsi, le Canadien évoque les capacités de sécurisation et de conteneurisation des applications de la plateforme d’EMM de Good. A croire que sa technologie d’isolation des environnements professionnels, Secure Work Space, n’a pas tenu toutes ses promesses, malgré ses efforts d’ouverture.
Et si, avec BES 12, BlackBerry promettait le support des environnements hétérogènes, il insiste aujourd’hui que « l’expertise » de Good dans la gestion des environnements « multi-OS, avec 64 % d’activations provenant de terminaux iOS, suivis par une large base installée Android et Windows.
De quoi laisser pense que, malgré le support récent de Samsung Knox et d’Android for Work, ou encore de l’Apple Device Enrollment Program, le véritable apport de BES 12 reste la gestion unifiée de différentes générations de terminaux BlackBerry.
Reste que l’offre de Good viendra assurément compléter celle de BlackBerry. Et l’on pense notamment à des produits tels que Good Share pour le travail collaboratif mobile sécurisé, voire plus globalement la suite Good Collaboration Suite ou Good Mobility Suite pour le développement d’applications métiers à façon.
Eliminer un concurrent
Mais les points de recouvrement des offres restent nombreux, avec notamment les offres de communication d’entreprise sécurisée – qu’il s’agisse d’e-mail ou de messagerie instantanée – des deux éditeurs, avec notamment Good Work et Good Connect pour l’un, et BBM de l’autre, lancé en version entreprise il y a un peu plus d’un an.
En avril dernier, le Canadien avait par ailleurs racheté un spécialiste du partage et de la synchronisation de fichiers, WatchDox, susceptible de créer des redondances avec Good Share.
Ces redondances en cachent d’autres et soulignent un autre enjeu pour BlackBerry : racheter un concurrent sur des marchés historiquement clés pour lui. Dans son communiqué de presse, le Canadien souligne l’importance, pour lui, du secteur public : « BlackBerry est le partenaire mobilité de confiance de tous les gouvernements du G7, de 16 des gouvernements du G20 », et puis « la plateforme BlackBerry 10 est la première solution de mobilité à recevoir la certification de capacité opérationnelle complète pour fonctionner sur les réseaux du ministère américain de la Défense ».
De son côté, Good équipe « plus de 6 200 organisation, dont plus de la moitié du Fortune 100 » mais surtout « toutes entreprises commerciales de défense et de l’aérospatiale » figurant dans ce classement. Et de fournir la seule solution de collaboration mobile certifiée EAL4+ pour iOS et Android.
Pour Eric Klein, analyste mobilité sénior chez VDC Research, cela ne fait pas de doute : ensemble, Good et BlackBerry « dominent réellement le marché fédéral ».
D’autres acquisitions ont récemment montré l’importance de ce marché pour le Canadien, à commencer par AtHoc, spécialiste des télécoms de crise, et surtout Secusmart, spécialiste allemand du chiffrement des communications voix et données qui équipe Angela Merkel.
Renforcer sa légitimité
Mais le rachat de Good permet également au Canadien de renforcer son image et sa propriété intellectuelle en profitant d’un portefeuille de brevets disputé.
En 2012, Good avait attaqué AirWatch et MobileIron pour violation de brevets. Les deux premiers ont conclu un accord amiable au printemps. Au moins d’août, un jury californien a débouté Good et MobileIron de leurs demandes respectives. Mais le premier attend le verdict, en décembre, de tribunaux au Royaume-Uni et en Allemagne pour les procédures qu’il y a engagé contre le second au même motif de violation de brevets.
Encore start-up à l’époque, Good avait attaqué RIM (devenu plus tard BlackBerry), en 2002, pour violation de brevet sur la fourniture de courriers électroniques sur réseaux sans fil. Un accord avait été conclu en 2004.
Un rachat au prix faible
Ceci étant, ce rachat survient à un prix relativement faible : 425 M$, à comparer au milliard et demi de dollars déboursé par VMware pour racheter AirWatch l’an passé. Et que dire du rachat de Sybase par SAP – qui dépassait toutefois largement le seul domaine de la mobilité – pour 5,8 Md$, en 2010. Le montant du rachat de FiberLink par IBM, fin 2013, n’avait pas été communiqué, ni même celui de Bitzer, alors toute jeune pousse, par Oracle, à la même période.
Mais pour Eric Klein, si Good ne s’est pas vendu plus cher, ce pourrait être en raison d’un marché de l’EMM qui ne se porte pas si bien que cela actuellement.
MobileIron a ainsi échoué à atteindre ses prévisions de chiffre d’affaire au premier trimestre de l’année. Dans un communiqué, l’éditeur expliquait alors avoir observé, en fin de trimestre, « plusieurs grands contrats avec des clients nord américains qui n’ont pas été conclu comme attendu ». En outre, de nombreux clients seraient passés à des offres à l’abonnement au mois, réduisant les ventes de licences.