VMware peine à continuer de faire croître ses revenus
La hausse du CA et des bénéfices de VMware cache une stagnation de l'activité virtualisation malgré les efforts investis et traduit le succès d’une solution qui n’a rien à voir avec son métier historique.
Un chiffre d’affaires en hausse de 4 % (1,52 milliards de dollars), des bénéfices qui ont grimpé de 5% (172 millions de dollars) et tout cela pendant que Gartner célèbre dans son Magic Quadrant les performances de la marque en matière de mobilité et de réseau. Telles sont les annonces que VMware vient de faire à l’occasion de la publication de ses derniers résultats trimestriels.
Pat Gelsinger, le PDG de l’éditeur, exulte : « durant ce trimestre, le marché a fortement validé nos solutions et accueilli favorablement nos stratégies en matière de mobilité et de transformation des processus des entreprises. »
Problème, à force de partir dans toutes les directions, on ne sait plus vraiment à quoi VMware attribue ses bons résultats.
Un business tiré par... la mise à jour vers la dernière version
« En France, le business de VMware se fait en ce moment essentiellement sur la migration de vSphere5 à vSphere6, la dernière version de la suite de virtualisation parue en février dernier. Les clients migrent plutôt rapidement vers vSphere6 parce qu’il améliore véritablement la réplication des VMs (clonage plus rapide, consommation des ressources limitée pour les clones...) ainsi que le fonctionnement en cluster (de 4 à 480 cœurs de processeurs désormais et jusqu’à 8000 VMs) », relate Yves Pellemans, le directeur technique de l’intégrateur APX.
Selon lui, l’outil d’administration vRealize Operation est le second produit qui se vend le plus après vSphere6.
« vRealize Operation sert à optimiser les ressources : on voit les VMs qui en ont en trop, celles qui n’en ont pas assez. Cela permet typiquement d’augmenter le nombre de machines virtuelles de 20% sans acheter de matériel supplémentaire », dit-il.
Les nouveaux NSX et VSAN peinent à convaincre
Et ensuite ? En matière de virtualisation, c’est à peu près tout.
Le nouveau module de virtualisation réseau, NSX, ne se vend pas, contrairement à ce que prétend VMware en brandissant le Magic Quadrant « Datacenter Networking » de Gartner.
« NSX est techniquement un très bon produit. Mais à 6 ou 7000 € la licence par processeur, le produit n’est tout simplement pas aligné sur les prix du marché. Du coup, les entreprises préfèrent se tourner vers les matériels réseau (chez Cisco, F5 Networks, Palo Alto...) qui font la même chose », lance Yves Pellemans.
Selon VMware, 700 clients dans le monde auraient acheté NSX.
La situation est plus complexe pour VSAN 6, le SDS maison (Software Defined Storage) : il est bien moins cher que NSX, mais les entreprises n’ont pas encore compris à quoi il servait.
« vRealize Operations existait auparavant sous le nom de vSOM, mais il nous a fallu un an pour l’évangéliser auprès de nos clients. Il est probable qu’il faille autant de temps pour que les entreprises comprennent l’intérêt de VSAN 6. Il faut dire que le marketing assez... dynamique de VMware a un peu perdu les entreprises, avec des produits qui changent régulièrement de nom, ce qui suggère qu’ils changent aussi de fonction en cours de route ».
En fait, VSAN6, tout comme les nouveaux volumes de données virtuels VVOL, s’adresse plutôt pour l’heure aux seuls fabricants d’appliances hyperconvergées EVO:RAIL. Et, paradoxalement, VSAN 6 doit désormais souffrir de la concurrence du gratuit ScaleIO, le SDS d’EMC, la maison mère de VMware. Quand on parle de semer le doute dans la tête des clients...
Selon VMware, 2000 entreprises dans le monde auraient acheté VSAN.
Le fournisseur le moins crédible d’OpenStack
D’après Yves Pellemans, l’implémentation d’OpenStack par VMware (VMware Integrated OpenStack, ou VIO) a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de convaincre.
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« La spécialité d’OpenStack est d’être un produit Open Source qui tue rapidement des VM et en relance d’autres pour que les développeurs puissent travailler. A l’opposé, la spécialité de VMware est d’être un produit commercial qui garantit la résistance des machines virtuelles en production, parce que celles-ci exécutent des processus SAP ou SQL qui ne doivent surtout pas s’arrêter », commente le directeur technique d’APX, suggérant que, parmi la myriade d’éditeurs d’OpenStack, VMware est sans doute le dernier auquel les clients s’adresseraient.
Dans son bilan financier trimestriel, VMware passe d’ailleurs totalement sous silence le succès commercial de ce produit.
Un vrai succès sur le marché très mineur du VDI
« Le problème, surtout, c’est que la virtualisation, le métier historique de VMware, est à présent vu comme une commodité. Et l’éditeur a surtout besoin de trouver des relais de croissance ailleurs s’il veut continuer à progresser durablement », estime Yves Pellemans.
En VDI, VMware a connu un succès relatif avec Horizon. « Le coup de génie de VMware concernant Horizon est de l’avoir intégré à sa suite d’administration vRealize : il s’agit juste d’un onglet supplémentaire dans l’interface. Sachant que les clients du VDI sont les grandes entreprises françaises et que 85% d’entre elles utilisent déjà VMware pour virtualiser leur datacenter, faire d’Horizon une option de vRealize a signifié que le VDI devenait subitement simple à administrer. Or, la simplification est ce que les clients cherchent tout particulièrement en VDI. Parce que le VDI est considéré comme une activité marginale, qui coûte vite très chère si elle est complexe », se félicite Yves Pellemans.
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Selon lui, Horizon a tout simplement remplacé Citrix pour faire du VDI.
Sauf que... les entreprises françaises n’utilisent quasiment jamais de VDI.
« Dans 80% des cas, le déport d’affichage d’une seule application métier, de type Windows vers un poste nomade est suffisant. Par conséquent, le leader en France de ce type de solutions est l’éditeur français Systancia. Systancia ne permet pas de virtualiser tout un poste de travail et ne fournit pas de fonctions d’administration évoluée. En revanche, il permet très simplement et pour moins cher qu’Horizon (ou que Citrix), d’afficher sur la tablette d’un technicien une application métier qui s’exécute à distance », constate-t-il.
AirWatch, ce produit qui n’a rien à voir mais qui se vend
Finalement, le seul logiciel hors-virtualisation qui semble véritablement fonctionner dans le catalogue de VMware est AirWatch, la suite de gestion des flottes mobiles, qui était déjà leader sur son marché avant que VMware ne la rachète, il y a un an et demi.
Selon VMware, les commandes de licences AirWatch aurait progressé de 60% en un an. Surtout, Airwatch présente l’intérêt d’exister en version SaaS. Or, quand on scrute dans le détail les derniers résultats financiers trimestriels de VMWare, on s’aperçoit que l’ensemble de ses services en ligne représente 959 millions de dollars de chiffre d’affaires contre seulement 639 millions pour la vente de licences, soit une activité de services en ligne qui rapporte 50% de plus.
Mis à part AirWatch, les services en ligne de VMware sont essentiellement son offre de cloud public vCloud Air destinée à prolonger en ligne les datacenters déjà virtualisés avec vSphere.
On ne sait pas combien pèsent les revenus de vCloud Air par rapport à ceux d’AirWatch, mais les analystes estiment que ce service de cloud peine à décoller, suggérant de fait un vrai succès pour la solution de mobilité.
Sur AirWatch
En définitive, les bons résultats de VMware signifient sans doute que son marché historique de la virtualisation stagne plus ou moins malgré tous les efforts investis dans le développement de nouveaux produits (322 millions de dollars dépensés en R&D rien que sur le dernier trimestre) et que l’éditeur sauve la mise avec une solution de mobilité qui n’a rien à voir avec son métier.