Quand l'analyse prédictive s'applique au recrutement
Par leurs capacités à analyser rapidement de grands volumes de données et à établir des corrélations pas toujours détectées par l'être humain, les technologies d'analyse Big Data s'appliquent aux Ressources humaines en général et au recrutement en particulier. Pour certains acteurs du marché, elles pourraient apporter une objectivité bienvenue à l'heure où le CV anonyme a été rejeté.
Le CV anonyme doit-il être obligatoire ? Le rapport de Jean-Christophe Sciberras, intitulé « Lutte contre les discriminations en entreprise » et remis au Gouvernement en mai dernier, affirme que non. Rendu obligatoire par la loi en 2006 pour les entreprises de plus de 50 salariés, mais jamais réellement imposé faute de publication du décret, le CV anonyme est loin de faire l'unanimité tant chez les DRH qu'auprès des candidats. Un sondage, réalisé par le site d'annonces gratuites vivastreet.com fin mai, fait apparaître que seule une personne sur quatre pense que le CV anonyme lui permettrait de trouver plus facilement un emploi.
S'agissait-il alors d'une fausse bonne idée ? Si elles ne tranchent pas la question, les technologies numériques s'en sont tout de même mêlées. L'éditeur de solutions de gestion des talents en mode SaaS Cornerstone OnDemand affirme que la technologie offre aujourd'hui la possibilité de lever les tabous inconscients des recruteurs. « Pour l'instant, un recruteur passe peu de temps sur chaque CV et s'arrête sur certains critères.Il réagit avec des biais inconscients. Un système informatique n'a pas ces biais, ce qui permet des recommandations objectives », remarque Vincent Belliveau, directeur général EMEA Cornerstone OnDemand. Ainsi, une adresse ou un patronyme n'évoqueront rien pour une machine, qui analysera le CV en fonction des seuls critères de compétences et d'expériences.
Le Big data trouve de nombreuses applications
A défaut d'analyser les CV de façon anonyme, les éditeurs commencent à proposer des solutions de recrutement prédictif. Il s'agit d'analyser les CV pour s'assurer du succès des recrutements et de la performance des candidats. « Les entreprises possèdent des millions de données sur leurs employés. Il leur est donc possible d'élaborer des modèles prédictifs, d'analyser les corrélations entre différents critères puis d'appliquer ces modèles aux CV afin d'identifier les candidats les plus susceptibles de correspondre aux profils recherchés », explique Vincent Belliveau.
Depuis le rachat de la société Evolv en octobre 2014, Cornerstone OnDemand propose un module d'analyses prédictives baptisé Conerstone Insights. Celui-ci intègre la plate-forme de machine learning et d'analyse Big Data développée par Evolv. Si aujourd'hui, l'analyse prédictive s'applique aux recrutements, elle commence à trouver des applications pour le suivi des formations, la détection du désengagement, l'absentéisme, etc.
Peu à peu, une chaîne complète voit le jour
Cubiks, cabinet conseil en ressources humaines, associe l'analyse des données aux outils de tests existants afin de renforcer la prédiction du succès des recrutements. « L'approche classique consiste à décrire le poste, les besoins, puis à procéder à des entretiens et à formuler des observations. Notre approche, prédictive, consiste à analyser les données pertinentes relatives aux employés, à leurs performances, etc, afin de définir les critères importants pour les questionnaires de personnalité et à évaluer les profils des candidats », détaille Thomas Eymond-Daru, directeur de Cubiks France.
La start-up EasyRecrue, quant à elle, ajoute les entretiens en vidéo différée à ses solutions de recrutement. Le candidat dont le CV a été pré-sélectionné répond en vidéo à un questionnaire que le recruteur et son équipe pourront étudier au moment choisi. Renaud Séquier, professeur à CentraleSupélec et co-fondateur de la start-up Dynamixyz, travaille quant à lui sur l'analyse des visages et la détection des émotions. L'application n'est pas encore intégrée aux entretiens vidéo mais on peut imaginer que demain, le candidat sélectionné après analyse prédictive passera un entretien vidéo qui sera analysé par les logiciels de Dynamixyz et dont les critères seront reportés sur les tests de personnalité par les consultants de Cubiks…
Va-t-on vers une robotisation des ressources humaines ? « Non, il ne s'agit pas de remplacer le recruteur, mais de l'aider en filtrant les candidats », conclut Renaud Séguier.