Rachat par SFR-Numericable : les trois raisons du « non » de Bouygues Telecom
Martin Bouygues et son conseil d’administration ont repoussé à l’unanimité l’offre de 10 milliards d’euros du groupe de Patrick Drahi. Une décision qui fait primer une logique industrielle sur des bénéfices à court terme trop peu assurés.
La décision ne manque pas de cran. Le Conseil d’Administration de Bouygues Telecom a décidé à l’unanimité de repousser l’offre de 10 milliards d’euros de SFR-Numericable.
Martin Bouygues, défenseur de l’emploi
Martin Bouygues, PDG de l’opérateur et FAI, a expliqué cette décision ce matin sur RTL. Première raison avancée par l’entrepreneur, l’offre de son rival Patrick Drahi se serait de toute façon heurtée aux autorités en charge de la concurrence. Instances qui lui auraient imposé des « remèdes ». Comprendre revendre des actifs et trouver des « synergies ».
Dans la cadre de cette offre, Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires, avait déjà abordé cette question des « synergies », euphémisme employé - d’après lui - à la place des mots « restructuration » et « licenciements ».
« Je ne vois pas comment M. Drahi pourrait monter un financement sérieux et mettre en place des remèdes », a déclaré ce matin Martin Bouygues aux micros de confrères, se positionnant een défenseur de ses employés. « Le conseil a apporté une grande attention aux conséquences d’une consolidation du marché sur l’emploi ainsi qu’aux risques sociaux nécessairement liés à une telle opération », confirme officiellement l’opérateur/FAI par voie de presse.
Bouygues Telecom bien placé pour retirer, demain, les fruits de ses efforts actuels
L’explication est peut-être également (voire surtout) à trouver ailleurs. La dynamique de l'entreprise semble en effet positive.
Nouveaux clients. Part de marché mobile significative dans les entreprises. Bon classement du réseau par l’ARCEP. Plusieurs indicateurs sont au vert. Ajoutés à une offensive commerciale récente sur le marché du fixe où l'entreprise est encore très minoritaire, ces indicateurs pourraient annoncer de futurs bénéfices, supérieurs à l’offre de SFR-Numericable.
C'est en tout cas la logique industrielle moyen terme que revendique le communiqué officiel du Groupe Bouygues. « Le conseil est convaincu que le marché des télécoms est à l’aube d’une nouvelle ère de croissance portée par le développement exponentiel des usages numériques. Il considère que Bouygues Telecom est particulièrement bien placé pour bénéficier de cette croissance sachant qu’il dispose d’un avantage concurrentiel fort et durable grâce à son portefeuille de fréquences et à son réseau 4G reconnu comme l’un des meilleurs du marché ».
Sur Twitter, nombre de clients de l'opérateur – dont beaucoup viennent de SFR – affichent en tout cas leurs satisfactions voire leurs soulagements.
Une offre soumise à trop de conditions
Autre élément explicatif, plusieurs experts du secteur cités par BFM Business estiment que SFR-Numericable pourrait tirer jusqu’à 16 ou 18 milliards d’euros de synergie du réseau de Bouygues Telecom. Autrement dit, le prix proposé – supérieur à la valorisation actuelle de Bouygues Telecom, entre 5 et 8 milliards – est largement inférieur à celui des bénéfices potentiels de l’acheteur.
Dernier point, d’après nos confrères des Echos, Patrick Drahi manquerait de fonds propres et ne serait pas en mesure de garantir la transaction. En tout cas pas assez aux yeux du conseil d’administration.
« Martin Bouygues n’est pas vendeur », nous avait assuré Thierry Labbé, Directeur Général de la branche Entreprises de Bouygues Telecom. Il avait raison.