SFR propose 10 milliards pour Bouygues Telecom, qui en veut 11
L’homme d’affaires Patrick Drahi a trouvé un accord avec BNP-Paris pour porter la dette de son groupe à 42 milliards d’euros pour racheter l’entreprise de Martin Bouygues, qui a encore en mémoire l’affaire SFR.
C’était jeudi dernier. Le Directeur Général de Bouygues Telecom Enterprises l’assurait au MagIT : l’avenir de l’opérateur et du fournisseur d’accès Internet était pérenne. Pour plusieurs raisons.
La plus importante : Martin Bouygues n’avait pas l’intention de vendre (sauf à ce qu’on lui propose un pont d’or, difficile à refuser).
La plus market : Bouygues Telecom bénéfice d’une croissance importante, en grande partie nourrie des déçus de SFR et de son réseau instable.
La plus financière : le nouveau propriétaire de SFR, l’homme d’affaires Patrick Drahi, est surendetté, ce qui le mettrait dans une position de faiblesse face à la dynamique positive de Bouygues Telecom.
10 milliards pour Bouygues Telecom
Oui mais dans les réseaux, jeudi, c’est déjà de l’histoire ancienne.
Ce week-end, on a ainsi appris que Patrick Drahi avait obtenu sans souci l’accord de BNP-Paribas pour une ligne de crédit de 10 milliards d’euros. Prix qu’il a proposé, en cash, à Martin Bouygues pour son entreprise. Les négociations auraient même été entamées il y a trois semaines.
L’offre sera débattue demain, mardi 23 juin, en conseil d’administration.
Cette offre de 10 milliards se rapproche du pont d’or qui pourrait convaincre Martin Bouygues de vendre. La valorisation de Bouygues Telecom est en effet évaluée à environ 8 milliards d’euros. Le prix proposé par le patron de Numericable-SFR représente donc une prime de 25 %.
Altice : 32 milliards de dette, bientôt 42 ?
La maison mère de SFR-Numericable, Altice, avait arraché SFR face à Bouygues Telecom contre 13 milliards d’euros l'année derni_re. Depuis, Atlice a enchaîné les rachats (Portugal Telecom, Suddenlink, Telindus, Virgin Mobile) pour une dette cumulée de… 32 milliards d’Euros.
Ce qui n’aurait donc, au final, pas empêché BNP-Paribas de soutenir l’offre en acceptant un crédit supplémentaire.
Mais un montant de dettes qui n'a pas manquer de faire réagir le monde politique, Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie, et Michel Sapin, Ministre des Finances, en tête. Le deuxième met en garde contre « des empires fondés sur le sable de l’endettement » quand le premier se délcare contre « la consolidation du secteur qui aurait des conséquences négatives sur l’investissement, l’emploi et le service aux consommateurs ».
Le fait que Patrick Drahi réside en Suisse et le fait que sa holding Altice soit domiciliée au Luxembourg expliquent aussi certainement ces réticences.
Bouygues Telecom Enterprises une entité qui taille des croupières à SFR
En parallèle, pour contrer d’éventuelles critiques des autorités de la concurrence, Patrick Drahi aurait déjà négocié une cession de fréquences, d’antennes et de la totalité des boutiques à Iliade/Free.
D’après le JDD, qui a dévoilé l’opération en cours, Altice serait principalement intéressé par les clients mobiles de Bouygues, dont une partie est constituée d’entreprises... qui ont quitté SFR, dixit Thierry Labbé, DG de Bouygues Telecom Entreprises.
Car si l'entité professionnelles est un nain sur le marché du fixe (2 % de PDM) il possède une part intéressante (20 %) dans la mobilité - certes loin d’Orange (ultra-dominant dans les entreprises) et de SFR, mais représentative et surtout en pleine croissance (« à deux chiffres », déclare-t-on en interne).
11 milliards ou rien
Mais Martin Bouygues n’a pas la mémoire courte. Il veut faire payer le prix fort à celui qui l’a empêché d’acquérir SFR l’année dernière.
Il aurait ainsi laissé entendre qu’il pourrait envisager de vendre, mais pour 10 % de plus. Soit 11 milliards d’euros. Un prix beaucoup plus élevé que ceux des offres qu’il a refusées par le passé à 6 milliards (de Xavier Niel) et à 7.5 milliards (de Patrick Drahi déjà).
Et avec, en sus, l’exigence que la proposition ne soit pas « conditionnée au feu vert de l'Autorité de la concurrence, ou on ne la regardera même pas », lâche sèchement un de ses collaborateurs au JDD.
Verdict demain, donc, au siège de Bouygues Telecom.