Bouygues Telecom Entreprise s’attaque aux services fixes professionnels… via la 4G+
Bouygues Telecom Entreprises lance une offre pile entre mobilité et fixe : une box avec une sim 4G+ qui fournit des services fixes « managés » (hotspot Wi-Fi, VoIP, VPN et des fonctions de sécurité). Mais pas le téléphone.
La situation de Bouygues Telecom Entreprises est à la fois bonne et problématique. Bonne car si l’on en croit Thierry Labbé, ancien de Cisco et de Dell aujourd’hui Directeur Générale de la filiale, l’opérateur bénéficie d’un fort reflux des clients de SFR, échaudés et lassés d’un réseau instable. Comme par ailleurs le marché des entreprises n’a pas été frappé de plein fouet par le low-cost (et le law-qual), au contraire du marché B2C, il n’y a pas eu de « destruction de valeur » importante sur ce secteur « où data et voix ne sont pas importants, mais cruciaux ».
Problématique, car si l’opérateur possède 20 % du marché professionnel mobile (pour 25 à 30 % des communications), il n’existe quasiment pas sur le fixe (2 % de part de marché). Or les entreprises veulent de plus en plus des offres unifiées – ou en tout cas capables de couvrir leurs besoins de bout en bout.
Deux routeurs pour les sites non éligibles à la fibre
Fort de ce constat, Bouygues Telecom Entreprises a décidé de lancer une offre pile entre mobilité et fixe. En résumé, une box avec une sim 4G+ qui fournit des services fixes « managés ». En clair, un routeur qui utilise l’internet mobile de Bouygues Telecom pour fournir de l’internet fixe avec des services « avancés » (hotspot Wi-Fi, VoIP, VPN et des fonctions de sécurité).
L’intérêt est de connecter des entreprises en un temps record (trois jours entre la demande et la mise en service contre plusieurs semaines pour une ligne classique) dans des zones non éligibles à la fibre ou au xDSL, et avec des débits équivalents à la fibre optique (Bouygues Telecom revendique un débit descendant de 220 Mo et ascendant de 40 Mo).
L’opérateur avait déjà une offre de ce style mais beaucoup plus basique. Ce nouveau produit permet de connecter 64 postes à Internet (Wi-Fi ou en LAN via les ports Ethernet) et limite la consommation de données à 100 Go. Une limitation purement théorique si l’on en croit Thierry Labbé puisque d’après lui, la consommation moyenne constatée est de 28 Go et à peine 0.5 % des clients dépasseraient les 100 Go. « C’est juste pour prévenir les usages délirants », justifie-t-il.
Techniquement, l’offre se compose de deux routeurs. Un routeur central « intelligent », estampillé Cisco, et un routeur usiné par le chinois Huawai, qui fait office d’antenne pour couvrir les zones borgnes.
Convertir une position favorable dans le mobile en atout pour les services fixes
« Le but est de tirer parti de la qualité de notre infrastructure mobile […] nous n’avons aucun état d’âme à cannibaliser une position sur le fixe que nous n’avons pas », explique le Directeur Générale, qui se qualifie – modestement – de petit acteur.
A la question de savoir si elle ne pourrait pas, néanmoins, concurrencer la fibre dans laquelle Bouygues investit massivement, la réponse fuse : « non ». D’une part parce que les prix ne sont pas les mêmes. D’autres part parce que les besoins sont différents.
« La fibre point à point permet de garantir le débit. C’est ce que demandent certaines entreprises, même si ce débit est inférieur. Et même si le prix de la fibre est plus élevé », constate Alexandre Penon-Vaudoyer, Chief Marketing Officer.
Deux usages types, deux tarifications
Les prix justement. Bouyges Telecom Entreprise identifie deux usages pour cette nouvelle offre. Le premier, comme connexion principale (« sur des chantiers, ou sur des évènements, des salons ou des expositions » explique Céline Lazard, Responsable Marketing des Offres Fixes et Cloud) ou comme deuxième connexion (« dans des agences pour proposer Internet aux clients avec un réseau totalement déconnecté de celui du SI de l’entreprise »).
Le deuxième usage fait office de « back-up » de la ligne filaire, « au cas où une pelleteuse coupe un câble en bas de chez vous ». Le premier usage est facturé à 99 € par mois. Le deuxième 75 €.
Gros bémol néanmoins, cette double-box ne remplace pas une ligne téléphonique pure et dure classique (« mais elle permet la voix sur IP », nuance Céline Lazard).
Parmi les entreprises ayant déjà adopté ce type d’offres, Bouygues Telecom Entreprise cite… Bouygues Construction. Mais aussi la Société Générale (dans ses agences) et Total (dans ses stations), tous les deux pour proposer l’accès Wi-Fi à leurs clients de manière sécurisée.
De la pérennité de Bouygues Telecom
Thierry Labbé se montre confiant quant au succès commercial de cette nouvelle offre qu’il qualifie de « petit joyau en avance de phase ».
« Nous avons des dizaines de milliers de clients dans le mobile, nous espérons les convaincre », résume-t-il, en phase avec sa conception des « règles d’or du commerce » qui sont dans l’ordre : garder ses clients (« notre taux de churn (NDR : attrition) est aujourd’hui de moins de 1 % auprès des professionnels »), faire de « l’upsale » - augmenter la valeur des services fournis (ce que vise cette offre) et enfin, gagner de nouveaux clients.
Sur ce dernier point, Alexandre Penon-Vaudoyer ne donne pas d’objectif chiffré mais il espère – et constate avec l’offre précédente – une accélération de 50 % des ventes de fixes professionnels.
Quant à la question de la pérennité de Bouygues Telecom, le Directeur Général reconnaît que tous ses clients lui posent la question. Tout en ne se préoccupant pas nécessairement de la réponse.
« Toutes les organisations ont appris à prendre des décisions dans un contexte d’incertitude », répond-il au MagIT, avant d’assurer : « je croise Martin Bouygues régulièrement. Tout ce que je peux vous dire – et c’est ce que je dis à mes clients – c’est qu’il n’a pas du tout l’intention de vendre. Et deuxième point, que nous investissons massivement pour l’avenir et la qualité de notre offre ». Sous-entendu : ce que ne devrait pas pouvoir faire SFR avec l’endettement record de son nouveau propriétaire qui va, avant tout, chercher à rentabiliser son achat en l’exploitant tel quel pour rembourser les banques.