OpenStack se cherche une gouvernance pour décoller
A l’occasion de l’OpenStack Summit, LeMagIt a pu constater qu' OpenStack souffrait d’un manque d’unicité entre ces différents projets. Freinant ainsi considérablement son adoption.
Il n’y a pas de pilote dans l’avion OpenStack. Le projet Open source, qui produit le kit le plus plébiscité de transformation d’un datacenter en Cloud, réunissait cette semaine à Vancouver sa communauté de 2 200 développeurs issus de plus de 80 entreprises, pour, outre officialiser la nouvelle version Kilo, discuter de son avenir.
« OpenStack est principalement composé d’une vingtaine de projets indépendants. Chacun de ces projets a un leader qui donne les directions à suivre. Mais il n’y a personne pour coordonner les leaders entre eux. Et c’est potentiellement un problème », explique ainsi Monty Taylor, qui a la charge des processus techniques d’Helion, l’offre de Cloud public de HP, fondée sur OpenStack (et uniquement disponible aux USA).
Des couches techniques qui s’emboîtent dans des directions différentes
Selon Monty Talor, le problème est que tous les composants d’OpenStack - Nova qui gère les machines virtuelles, Neutron pour le réseau, Cinder pour le stockage bloc, etc. - fonctionnent obligatoirement ensemble mais de moins en moins de la même manière, du fait des initiatives que chaque groupe prend dans son coin.
« Le dysfonctionnement le plus flagrant réside dans la gestion des quotas. Les quotas servent à empêcher qu’un utilisateur ou qu’un script mal programmé commette l’erreur de déployer trop de ressources virtuelles dans un Cloud. Or, cette fonction de quotas est implémentée dans chacune des couches d’OpenStack avec des commandes différentes et des résultats différents. En clair, passez votre chemin si vous voulez implémenter simplement un dispositif de refacturation interne des ressources Cloud ! », s’indigne ainsi Pierre Freund, fondateur de la SSII Osones, spécialisée en intégration de solutions Cloud.
Une complexité qui restreint OpenStack à des niches
Pour Pierre Freund, la multitude des incohérences entre les couches est aujourd’hui le frein numéro 1 à la popularisation d’OpenStack en entreprises.
« OpenStack est bugué et, pour le mettre en place, une entreprise doit au minimum faire intervenir cinq consultants pendant six mois. Depuis deux ans, OpenStack ne décolle pas. Il reste un marché de niche, uniquement pour les entreprises qui ont les moyens d’investir lourdement dans le conseil », fustige-t-il.
OpenStack est bugué, il faut cinq consultants pendant six mois pour le mettre en place
Pierre Freund, Osones
Un constat que partage Boris Renski, le cofondateur de Mirantis, l’un des principaux éditeurs d’une distribution OpenStack : « après une première vague de clients constituée de revendeurs d’applications SaaS, le marché est à présent tiré par les seules entreprises qui sont capables d’investir énormément dans les projets techniques, c’est-à-dire les telcos, les banques et les assurances », dit-il.
En France, Bouygues Telecom, Air France, ou encore EDF font partie des grandes entreprises non financières qui testent actuellement OpenStack, selon les sources du MagIT.
Quand il fonctionne, OpenStack est censé permettre de déployer des infrastructures virtuelles en trois minutes, là où il faut trois jours pour assembler des VM dans VSphere ou trois mois pour installer des serveurs physiques. Malgré ses ambitions initiales d’offrir un standard à toutes les offres Cloud, le projet fait surtout office de solution pour monter dans une entreprise un Cloud sur le modèle d’Amazon AWS, avec un portail qui permet aux métiers de mettre en route des serveurs et du stockage, sans faire intervenir de techniciens et des outils d’administration qui transforment la DSI en prestataire de Cloud interne.
En quête de gouvernance
Plus que les clients, l’écosystème presse la communauté OpenStack d’avancer.
« Les acteurs commerciaux d’OpenStack veulent aller plus loin que le Cloud privé. L’objectif est de proposer des Clouds plus élastiques, qui débordent automatiquement sur d’autres datacenters lors des pics d’activité. Nous avons les compétences techniques pour le faire. Il faut juste que nous nous coordonnions », lance Monty Talor.
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Pour rebondir sur ce constat, Cisco, EMC et Nuage (filiale d’Alcatel Lucent spécialisée dans les réseaux virtuels) ont dévoilé lors de cet OpenStack Summit un nouveau bureau, le Product Working Group, censé identifier les problèmes de coordination et rétablir le dialogue entre les différents projets.
Sur scène, les membres de cette équipe ont résumé dans un tableau - incompréhensible - les différents états de maturité de chaque projet au fil des trois versions en cours d’OpenStack (Juno qui constitue la base des distributions actuelles, Kilo officialisée lors de ce salon et qui devrait être implémentée d’ici à trois mois, ainsi que la prochaine Liberty dont les fonctions étaient discutées lors du salon).
« La communauté OpenStack se focalise sur l’ingénierie du développement. Avant d’écrire en Python les 10 millions de lignes de code actuelles qui composent le projet, ils écrivent les 10 millions de lignes qui vont servir à les tester. Je me félicite qu’ils s’ouvrent désormais à des questions un peu plus opérationnelles », commente, mi-figue, mi-raisin, Pierre Freund.
Imad Sousou, le directeur général des technologies Open Source chez Intel, est beaucoup plus direct : « OpenStack incarne la promesse du Software Defined Infrastructure. C’est ambitieux. Mais, là, on fait du surplace. Les gens sont en train de se demander si une technologie Open Source peut vraiment servir à faire des Clouds privés. Il est urgent d’amener OpenStack au niveau de maturité qu’a atteint Linux », s’emporte-t-il.
Le business se résume à vendre de l’accompagnement et du PaaS en option
Pendant ce temps, les éditeurs de l’écosystème occupent le terrain en dévoilant les nouvelles incarnations de leurs distributions OpenStack.
Red Hat joue la carte de l’administration du Cloud, quel que soit le Cloud qui tourne en dessous, d’ailleurs. Ainsi, son CloudForms 3.2 permet de créer des catalogues de ressources utilisables par l’utilisateurs lambda et de monitorer l’activité, que ce soit à partir d’un Cloud privé OpenStack comme d’un datacenter virtuel dans vSphere, dans Microsoft Hyper-V ou, en ligne, dans Amazon AWS. Également, le tout nouveau Cloud Suite for Applications, réunit en une seule solution sa distribution RHEL OpenStack, CloudForms et OpenShift, sa plateforme de PaaS (qui transforme les serveurs virtuels en services accessibles aux applications).
Son concurrent Mirantis, qui revendique ne vendre que de l’OpenStack, vient d’annoncer un programme de partenariat « Mirantis Unlocked » qui lui permet de fournir des connecteurs entre OpenStack et des ressources externes, a priori faisant partie de l’historique des entreprises. « Ainsi, nous sommes les seuls à proposer un OpenStack qui se connecte au load balancer NetScaler de Citrix et à une base de données Oracle non virtualisée », dit Boris Renski. Jusqu’à présent, la distribution de Mirantis s’est surtout fait connaître par sa bonne intégration avec Cloud Foundry, la solution PaaS de Pivotal, concurrente d’OpenShift.
Bien qu’il n’existe pas de chiffres officiels, un sondage mené rapidement par LeMagIT lors de l’OpenStack Summit semble montrer que les distributions de Red Hat, Mirantis et HP (Helion) sont les plus répandues sur le marché.
« Franchement, il n’y a pas de différence fonctionnelle d’une distribution à l’autre. Vous prendrez du Mirantis pour faire du Cloud Foundry derrière, et du Red Hat ou du HP Helion parce que vous avez plus confiance dans leurs services d’accompagnement. Le conseil, indispensable en l’état pour déployer OpenStack, c’est là qu’est le business. Il faudrait être fou pour vendre une distribution propriétaire, comme c’est le cas dans le monde Hadoop, à un stade où rien n’est encore sec dans OpenStack », a déclaré au MagIT un ingénieur de HP qui tenait à conserver l’anonymat.