Interoute change d'actionnaires et veut se développer par acquisitions
Les fonds Aleph Capital et Crestview Partners ont pris conjointement 30 % du capital de l’opérateur Interoute Communications. Ce dernier veut plus que doubler de taille par acquisitions.
Aleph Capital, le fonds d’investissement londonien formé par le banquier d’affaire français Hugues Lepic (ex-Goldman Sachs) et son partenaire New-yorkais Crestview Partners, ont annoncé hier avoir conjointement acquis 30 % du capital de l’opérateur Interoute Communications.
Interoute est actuellement contrôlé majoritairement par la fondation Sandoz, une fondation familiale Suisse créé par Edouard-Marcel Sandoz, le fils du fondateur de la société Sandoz SA (aujourd’hui Novartis). Aleph Capital et CrestView Partners, viennent en fait remplacer au capital l’opérateur émirati Emirates International Telecommunications (filiale de Dubai Holding) qui détenait une part minoritaire dans Interoute.
Interoute : un opérateur né de la déréglementation des télécoms en Europe
Interoute a été fondé pendant la phase de déréglementation du marché des télécommunications initiée par l’Union Européenne en 1998. L'opérateur a depuis créé un réseaux paneuropéen en fibre optique de près de 67 000 km, qui dessert près de 90 villes dans 24 pays, ce qui en fait l’un des plus importants réseaux optiques du continent (si l’on excepte bien entendu les réseaux optiques des grands opérateurs historiques).
Interoute propose des services de bande passante, d’accès Internet, de VPN ainsi que des services avancés d’hébergement dans une série de datacenters interconnectés à son réseau. La firme opère ainsi 12 datacenters en propre et a des capacités d’hébergement dans 31 datacenters en colocation. Elle emploie près de 1 450 salariés et réalise un CA supérieur à 400 M€.
Participer à la consolidation du secteur des télécoms et de l'hébergement
Selon la firme, l’arrivée d’Aleph et de CrestView devrait lui permettre de participer à la consolidation du secteur en Europe et de mener à bien des acquisitions dans le secteur des télécoms et du cloud. Des opérations qui nécessiteront sans doute un renforcement de l'implication financière d’Aleph et de CrestView dans les mois à venir. Interoute vise notamment à développer ses capacités au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais n’exclut pas non plus des acquisitions en Europe continentale.
Brian Cassidy, l’un des gérants de Crestview Partners, explique ainsi dans un communiqué qu’Interoute « peut désormais capitaliser sur la hausse de la demande sur deux fronts : la bande passante et les services Cloud. Nous pensons qu’il y aura de nombreuses opportunités de consolidations sur le marché de la fibre et du Cloud en Europe, et Interoute doit y participer. »
Consolider dans un secteur soumis à une forte tension sur les prix et à une concurrence accrue
Le problème est que si la demande croit, les prix ne cessent de baisser ce qui continue à poser un problème fondamental aux acteurs de l’infrastructure télécoms, alors que les fournisseurs de services « over the Top » comme Netflix, Google, Microsoft et consorts cannibalisent un large part de la valeur ajoutée. La multiplication des acteurs sur les grands marchés du MAN (comme l’illustre la concurrence féroce sur Paris) se traduit par un effondrement des coûts de bande passante, un phénomène encore renforcé par l’ouverture de certaines plates-formes de peering aux grandes entreprises (à l’instar de France-IX).
Le marché des datacenters reste quant à lui porteur mais il est menacé par la montée en puissance des acteurs du cloud public et du SaaS (plus les entreprises optent pour des applications SaaS ou pour le cloud et moins elles ont besoin de prestation d’hébergement pour leurs propres infrastructures). Interoute, même s’il a plutôt bonne réputation sur son marché, n’a à ce jour pas réussi a attiré de grands noms sur ses plates-formes datacenters.
IBM par exemple a choisi GlobalSwitch pour héberger les infrastructures de SoftLayer à Paris, tandis que Salesforce a positionné ses infrastructures chez Equinix. Le chemin reste donc encore long pour que l’opérateur soit considéré comme un acteur de premier rang sur le marché de l’hébergement et il reste aussi un acteur de second rang face aux mastodontes historiques tels qu’Orange, Telefonica ou Deutsche Telekom.
Interoute reste un acteur de second rang dans le secteur des télécoms
Il sera donc intéressant de voir quelles seront les acquisitions à venir de d'Interoute qui ambitionne via des acquisitions de faire plus que doubler sa taille pour dépasser le milliard d’euros de revenus. À titre de comparaison, un acteur international comme Cogent, qui a un métier comparable à celui d’Interoute opère un réseau de 95 000 km, gère en propre 50 datacenters dans le monde et a réalisé un CA de 380 M$ en 2014.
Colt Telecom de son côté opère un réseau de plus de 80 000 km avec des Pop dans près de 200 villes européennes et gère 22 datacenters dans 11 pays. La firme qui a réalisé un CA de 1,5 Md€ en 2014 a par ailleurs noué une alliance avec la division réseau de Deutsche Telekom en février pour étendre la portée de son réseau en Europe.
Par comparaison, Orange opère un backbone internet – OpenTransit — de 450 000 km (réseaux optiques sous-marins inclus), auquel s’ajoute un réseau nord américain optique de 25 000 km, un réseau express Européen de près de 20 000 km (successeur de l’EBN), un backbone russe de près de 10 000 km… Orange dispose de POP dans 220 pays et sa division entreprises, Orange Business Services, a réalisé un CA de 6,5 MD€ en 2013.
Sans préjuger de la qualité de ses services, la route est donc longue avant qu’Interoute ne devienne un acteur de classe Tier 1…