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ip-label, ce Français qui se veut à la pointe du monitoring de l’expérience utilisateur

Avec sa plateforme Ekara mêlant monitoring synthétique et RUM, le Français ip-label se pose en expert de la mesure des applications métiers. Un savoir-faire que l’éditeur compte bien valoriser à l’international.

L’observabilité, terme au demeurant marketing, est née de la fusion des grandes branches de la supervision IT. Une scission existait entre la supervision des infrastructures et la gestion de performance des applications (APM). Les éditeurs dont Datadog, Dynatrace, Cisco/Splunk ou encore New Relic ont abattu ses barrières. Ils tentent même de flouter les frontières entre supervision IT et sécurité. Ce n’est pas la vision d’ip-label.

Un adepte du « best of breed » dans un marché prompt à la consolidation

Ip-Label est l’éditeur français d’Ekara. Une plateforme RUM – de monitoring des utilisateurs réels (Real User Monitoring) – et de monitoring synthétique. Elle est disponible en SaaS et on premise (ou en mode self-managed) depuis 2018. Ces sous-catégories de l’APM sont également couvertes par des acteurs comme Dynatrace, New Relic ou encore Datadog. Mais l’acteur né en 2000 dit avoir bâti une expertise dans la mesure de la performance des applications Web et mobile – interne ou externe – du point de vue de l’utilisateur final.

Christophe Depeux, directeur général, ip-labelChristophe Depeux, DG, ip-label

« Depuis le début, nous avons adopté une approche centrée sur l’utilisateur. Pourquoi ? Parce qu’on a tous, à un moment ou un autre, vécu la frustration d’échouer à utiliser un service en ligne ou à finaliser un achat sur un site Web », déclare Christophe Depeux, directeur général d’ip-label. « Du côté des fournisseurs de services, il arrive souvent qu’ils ne comprennent pas les critiques ou les plaintes des utilisateurs. C’est un peu la même chose en entreprise avec les collaborateurs qui utilisent des applications métiers ».

Les équipes support n’ont souvent accès qu’à des indicateurs techniques. « Bien souvent, tout semble normal côté back-end. C’est là qu’on a réalisé qu’il y avait une opportunité d’amélioration ».

La vision qu’ip-label partage avec d’autres acteurs a trouvé un nom chez Gartner : le Digital Experience Monitoring (DEM). Dans son Magic Quadrant publié en septembre 2024, Gartner place ip-label et sa plateforme Ekara dans le carré des « acteurs de niche ».

Benoît Boireau, CTO, ip-labelBenoît Boireau, CTO, ip-label

C’est le seul éditeur européen présent dans cette catégorie. Elle est dominée, selon le cabinet d’analystes, par les champions de l’observabilité Datadog, Dynatrace et Dynatrace, suivi du seul spécialiste du carré de tête, Catchpoint.

« Nous sommes en concurrence avec ces acteurs, mais en réalité nous proposons une solution complémentaire », déclare Benoît Boireau, directeur technique chez ip-label. « Eux aussi offrent des solutions d’analyse RUM, mais à partir des traces et des logs qu’ils peuvent collecter ».

« Nous sommes meilleurs qu’eux sur le monitoring synthétique », poursuit-il. « Nous simulons et automatisons le comportement des utilisateurs comme s’ils utilisaient réellement l’application ».

La plateforme Ekara peut néanmoins s’intégrer avec ces suites d’observabilité et les services de stockage des fournisseurs cloud. Les analyses fournies peuvent servir à déclencher des alertes ou des prises d’action depuis ServiceNow ou PagerDuty. Reste à développer davantage la prise en charge d’OpenTelemetry, l’un des projets pour la R&D de l’éditeur en 2025, en sus de la simplification de la prise en main grâce à l’IA générative.

Ip-label, un spécialiste des environnements mobiles

Ce positionnement conférerait à ip-label des « avantages compétitifs », notamment sur les environnements mobiles. « Nous utilisons de véritables appareils mobiles pour automatiser des scénarios de test complexes, incluant la gestion de notifications multifacteurs, la réception de SMS et les notifications push », assure Benoît Boireau. ip-label a mis en place une ferme de smartphones d’une grosse centaine de smartphones Android et iOS, en sus de quelques PC Windows, Linux et Mac.

Ekara peut appliquer cette mesure de la performance applicative sur des clients légers et lourds.  

Ces robots simulent des parcours utilisateurs – des transactions – afin de vérifier le bon fonctionnement des applications critiques internes ou externes. ip-label les déploie sur des machines utilisant les réseaux et les infrastructures locaux du pays de son client

« Par exemple, nous avons un cas d’usage que l’on appelle le “morning check” », illustre Christophe Depeux. « À six heures du matin, un robot déroule des parcours sur toutes les applications des métiers comme les ERP, les CRM, etc. Cela permet aux équipes techniques d’être alertées, puis de prendre une action avant la prise de poste par les collaborateurs ».

Cette même approche peut être utile avant la mise en production d’applications critiques.

« Avec un monitoring synthétique classique, comme celui basé sur Selenium, il devient difficile, voire impossible, de gérer des scénarios sur des applications un peu complexes », considère Benoît Boireau. « C’est précisément là que nous intervenons. Grâce à notre approche, qui combine un pilotage à la fois visuel et technique, nous utilisons une analyse visuelle approfondie des écrans pour contourner ces limitations ».

Si ip-label utilise des composants de Selenium, l’éditeur aurait considérablement gonflé ces capacités : Screen scraping, OCR, Computer vision, etc. Tous les moyens sont bons pour étudier le comportement des front-end et éviter les fausses alertes.

« Même si nous ne connaissons pas la technologie spécifique derrière une application, nous pouvons la manipuler visuellement ».
Benoît BoireauDirecteur technique, ip-label

« Même si nous ne connaissons pas la technologie spécifique derrière une application, nous pouvons la manipuler visuellement », assure Benoît Boireau. « Notre solution reconnaît les éléments à l’écran, ce qui nous permet d’aller au-delà des simples clics à des positions fixes. Nous pouvons cliquer sur un élément, quel que soit son emplacement à l’écran, ou encore identifier du texte, où qu’il se trouve, pour le capturer ou interagir avec lui directement ».

Cela favoriserait la surveillance applicative dans des environnements complexes ou inconnus.

Une approche qui permettrait à ip-label d’aller sur des terrains très peu pratiqués par les Dynatrace, Datadog ou New Relic, plus axés sur le Web et le cloud. Ainsi, l’année dernière, l’éditeur français a convaincu Safran pour surveiller la performance des logiciels CAO de certaines équipes d’ingénierie.

Ces scénarios peuvent être édités à travers un outil no-code accessible aux équipes IT et aux intégrateurs. « Nous maintenons aussi des milliers de scénarios de nos clients », précise le CTO.

Hybrider monitoring synthétique et RUM

Ekara est une plateforme dite hybride. L’éditeur corrèle les résultats des exécutions de ces « robots » avec les métriques RUM. Ces données sont réunies dans un cockpit – des tableaux de bord précâblés – ou renvoyées vers la plateforme de monitoring de prédilection du client.

Si ip-label a d’abord proposé des agents – du code JavaScript pour instrumenter l’application à surveiller en quasi temps réel – il dispose également un moyen pour instrumenter le navigateur Web. Pour ce faire, il a mis au point une extension Chrome et Edge, nommé Ekara RUM Browser.

« Ce système est conçu pour le contexte interne des entreprises », affirme Benoît Boireau. « Cela offre une visibilité sur toutes les applications, y compris celles de tiers comme Salesforce ou Sage ».

L’extension capture le trafic Web et permettrait de surveiller les temps de chargement, la disponibilité et les performances des applications utilisées par les collaborateurs, même lorsque l’ajout d’un agent n’est pas possible. Ekara deviendrait alors un outil de mesure pour le client face à son fournisseur qui dit respecter ses SLA, alors que ses utilisateurs se plaignent de dysfonctionnement. L’éditeur a par ailleurs lancé Ekara Green pour tenter de mesure l’empreinte environnementale des applications. Une demande de ses clients cherchant à respecter la réglementation européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).

Ip-label propose un modèle économique basé sur l’exécution, et non le nombre de scénarios ou de robots. Deux options principales sont disponibles : un abonnement ou une acquisition de licences valables trois ans. Ce modèle aiderait les clients à anticiper et maîtriser leurs coûts, contrairement aux solutions concurrentes, où les frais peuvent dériver en raison du stockage des logs.

Des ambitions en Europe et en Asie

Actuellement, la plateforme Ekara est utilisée par « 400 à 500 clients », dont 80 % d’entre eux sont des entreprises françaises. Ces clients vont de la startup aux entreprises du CAC 40.

Ekara rencontrerait davantage de succès auprès des acteurs de la banque, de l’assurance, de l’énergie, du retail et de l’industrie.

La société, comptant une centaine de collaborateurs, a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros. Elle espère étendre sa présence en Europe (ip-label couvre déjà la France, la Suède, la Finlande, l’Espagne, le Royaume-Uni) et en Asie, depuis Shanghai, où elle a déjà pour client Tencent qui monitore une partie de sa méta-application WeChat avec Ekara.

« Le développement international est un véritable enjeu pour nous. L’objectif, c’est que 50 % du chiffre d’affaires soit réalisé à l’étranger ».
Christophe DepeuxDirecteur général, ip-label

« Le développement international est un véritable enjeu pour nous. L’objectif, c’est que 50 % du chiffre d’affaires soit réalisé à l’étranger », expose Christophe Depeux. « Les États-Unis ne sont pas une priorité, car ce marché est mature. En revanche, après avoir ouvert le marché britannique l’année dernière, nous voyons un potentiel important dans le développement de notre présence sur le continent européen ».

En Europe comme en Chine, ip-label s’appuiera en partie sur des partenaires, comme Fujitsu, CGI ou Kyndril.

« Ces collaborations permettent de répondre à des besoins spécifiques, de saisir des opportunités de niche et de répondre à des appels d’offres nécessitant des solutions de monitoring avancées comme Ekara », estime le directeur général.

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