Datacenters : le dernier onduleur de Schneider démultiplie l’énergie au mètre carré

Le Galaxy VXL apporte 1 250 kilowatts depuis une surface au sol cinq fois plus petite que le précédent modèle. Le fabricant met en valeur la libération de mètres carrés pour installer plus de serveurs. Il pourrait surtout s’agir d’alimenter des serveurs d’IA, plus énergivores.

Faire rentrer plus d’électricité dans les allées des datacenters depuis moins de surface au sol. Tel est l’objectif du nouvel onduleur Galaxy VXL que Schneider Electric commercialise à présent en remplacement de l’ancien Galaxy VX. Sur 1,2 mètre de large et 1 mètre de profondeur, le nouvel équipement fournit de 500 à 1 250 kilowatts aux serveurs. Le précédent leur apportait jusqu’à 1 500 kW, mais sur une largeur de 6,2 mètres.

« C’est un record ! Nous sommes très fiers. Nous sommes 30 % plus denses que notre plus proche concurrent », se réjouit Pierre Antoine Louvot, directeur produits de l’offre UPS chez Schneider.

Cette année, Eaton, le plus proche concurrent de Schneider Electric sur ce marché, a lancé l’onduleur 9 395 X. Celui-ci propose une puissance de 1 000 à 1 700 kW, mais sur une largeur de 3,2 mètres (une seule arrivée pour le courant électrique) ou 3,6 mètres (deux arrivées). Mathématiquement, le Galaxy VXL est effectivement plus dense, puisque trois de ses exemplaires alignés sur 3,6 mètres offriraient 3 750 kW.

« L’enjeu est de libérer de la surface au sol pour nos clients, lesquels sont les data centers privés ou en colocation, les hébergeurs, ainsi que les sociétés qui commercialisent de la surface en salle informatique. Les onduleurs, ce sont des mètres carrés qui ne rapportent rien à nos clients, si ce n’est une fonction utilitaire. Avec le Galaxy VXL, nous libérons des mètres carrés qu’ils peuvent utiliser pour héberger de l’informatique qui, elle, leur rapporte de l’argent », ajoute-t-il, avec le même enthousiasme.

« L’enjeu est de libérer de la surface au sol pour nos clients, lesquels sont les data centers privés ou en colocation, les hébergeurs, ainsi que les sociétés qui commercialisent de la surface en salle informatique. »
Pierre Antoine LouvotDirecteur produits, offre UPS, Schneider

Un onduleur est l’équipement qui, dans un data center, régule le courant pour protéger les alimentations des serveurs contre les surtensions ou les variations de tension du réseau électrique public, lesquelles pourraient être fatales aux appareils électroniques. Il est généralement couplé à des batteries qu’il charge lorsque c’est nécessaire et dans lesquelles il puise une énergie de réserve en cas de coupure du courant.

Cet équipement est d’autant plus important que le courant en entrée dans un datacenter est triphasé (monophasé dans les logements et les bureaux), chaque phase ayant sa propre forme d’onde.

Une technologie inédite contre les chocs électriques

Le nouveau produit de Schneider Electric ne fait pas que densifier ses entrailles. Celles-ci prennent d’ailleurs la forme de dix blocs de 3U de hauteur, qui fournissent 125 kW chacun et qui sont extractibles ; sur le précédent modèle, ces blocs ne fournissaient que 50 kW.

Le Galaxy VXL inaugure aussi un dispositif inédit, à base de connecteurs tactiles, entourés d’une matière en pseudo-plastique brevetée par Schneider, et de volets d’accès qui ne se déverrouillent que lorsque les conditions de sécurité sont réunies.

« Nous appelons ces modules des Live Swap, c’est-à-dire qu’ils sont extractibles et insérables à chaud, comme des modules Hot Swap ordinaires, mais qu’ils ne présentent pas de risque de choc électrique lors de ces manipulations. En l’occurrence, des arcs électriques peuvent se former lors d’une insertion ou d’une extraction d’un module Hot Swap. Ils sont potentiellement très dangereux, car 1 250 kW, cela représente ici presque 2 000 ampères ! Les modules Live Swap évitent ce risque », explique Pierre Antoine Louvot.

D’une part, la nouvelle matière dont les connecteurs sont entourés réduit le niveau d’énergie à la surface du mécanisme à 1,2 calorie par centimètre carré. Cela empêche l’ionisation de l’air (la raison des arcs) tant que les connecteurs du module ne sont pas très proches de ceux du châssis. D’autre part, les connecteurs en fond de panier sont dissimulés derrière un volet qui ne s’ouvre que lorsque le module inséré est quasiment en fin de course.

De fait, si des arcs devaient se produire, ils seraient de faible intensité et seraient limités au fond du tunnel d’insertion du module. Comme celui-ci est obstrué par le corps du module, Schneider assure qu’il n’y a donc pas de risque qu’un choc électrique puisse remonter jusqu’au manipulateur situé de l’autre côté du module.

Les arcs électriques ne sont pas dangereux uniquement pour les techniciens. Ils sont aussi souvent à l’origine des incendies dans les data centers.

Un rendement qui permettrait d’économiser trois fois le prix de l’onduleur

Schneider Electric prétend que son onduleur Galaxy VXL aurait un rendement de 99,3 %, contre 95 % pour le tout venant des onduleurs. Eaton dit de son côté qu’il atteint 99 % de rendement. Le rendement correspond à l’électricité qui est effectivement utilisable par les serveurs, malgré la résistance des matériaux dans les modules, lesquels dissipent une partie de l’énergie en chaleur lorsqu’ils régulent la tension de sortie.

Ce rendement serait rendu possible par des techniques de dérivation qui filtrent la forme de l’onde électrique (« qui compensent les harmoniques », dit plus exactement Schneider Electric). Le nom de cette technique n’est pas très clair : les documentations fournies par le constructeur évoquent tantôt « la eConversion », tantôt « le mode ECOnversion ». En tout état de cause, cette technique équiperait tous les onduleurs de la série Galaxy V depuis 2014.

A priori, le rendement maximal n’est pas soutenable dans 100 % des cas. Lorsque les serveurs demandent tous en même temps un certain niveau élevé d’énergie, les onduleurs passeraient en mode Double Conversion. Selon les chiffres communiqués par les fournisseurs, le rendement du Galaxy VXL de Schneider Electric tomberait alors à 97,3 % et celui du 9395X d’Eaton à 97,5 %. Schneider Electric avance que le Galaxy VXL basculerait moins souvent en mode Double Conversion que son concurrent.

Selon les documentations du Galaxy VXL, l’existence du mode ECOnversion permettrait généralement d’économiser trois fois le prix de l’onduleur en dix ans sur la facture d’électricité. La documentation évoque une économie de 29 700 € par onduleur. Pierre Antoine Louvot parle plutôt de pratiquement un million d’euros d’économie sur 15 ans à l’échelle d’un campus de datacenters. LeMagIT en déduit qu’il évoque une telle économie pour un site équipé d’une vingtaine de Galaxy VXL, avec une puissance totale d’environ 25 mégawatts.

Cette puissance correspond généralement à 17 000 m² de salles informatiques. Sauf si les clients achètent des onduleurs en double, au titre de redondance en cas de panne.

Pour donner un ordre d’idée, à La Courneuve, en région parisienne, le plus grand datacenter de France, le Paris Digital Park (alias Digital Reality PAR8), qui devrait être opérationnel cette année, est censé offrir 80 MW de puissance électrique pour 43 200 m² de salles informatiques. À Marseille, le même Digital Reality construit un nouveau data center géant, MRS5, qui devrait offrir, d’ici à 2026, entre 18 et 22 MW de puissance électrique pour 12 000 m² de salles informatiques. Sur le campus de Gravelines, les quatre datacenters d’OVHcloud totalisent 50 MW pour 32 000 m² de salles informatiques.

Densifier les onduleurs pour fournir plus d’électricité à l’IA

Au-delà des arguments écologiques et économiques de Schneider, la tendance sur le terrain semble plutôt que les data centers ne vont pas spécialement réduire la surface au sol occupée par leurs onduleurs. Car la consommation des serveurs croît autant que la densité des équipements de Schneider Electric. À cause de l’IA. Dell commence ainsi à commercialiser des serveurs 2U qui consomment jusqu’à 4,5 kilowattheures, alors que ses modèles antérieurs à l’IA consommaient plutôt 2 kWh.

Certes, ces nouveaux serveurs compensent leur propension à devenir de plus en plus énergivores par un refroidissement liquide qui, lui, consomme beaucoup moins d’électricité que les ventilateurs. Schneider Electric se veut d’ailleurs à la pointe dans ce domaine, aussi. En moyenne des ventilateurs augmentent la consommation des serveurs de 50 %, alors que le refroidissement liquide ne l’augmente que de 4 %. Mais même dans ces conditions, les baies ont de toute façon besoin de plus d’électricité. Donc d’autant d’onduleurs, mais plus puissants.

C’est bien ce que propose aussi le Galaxy VXL : sur une largeur de 6 mètres, il offre 6 250 kilowatts, soit plus de quatre fois la puissance du Galaxy VX pour une surface équivalente. En fin de compte, Le Galaxy VXL rend possible l’installation de serveurs d’IA sans consommer plus de mètres carrés pour les onduleurs.

Il est d’ailleurs à noter que Schneider Electric a publié dans le même temps un rapport à propos de l’impact de l’IA sur la consommation des datacenters. En première approche, ce rapport confirme qu’il faudra faire entrer de plus en plus d’électricité dans les data centers, au moins jusqu’en 2030, pour alimenter autant de serveurs qu’avant, mais de plus en plus énergivores à cause de l’IA.

Le rapport dessine quatre scénarios. Si le lourd entraînement des modèles fondamentaux se réduit petit à petit au profit de traitements en IA générative (moins consommateurs en puissance de calcul), le marché des datacenters passera d’une consommation mondiale de 100 térawattheures en 2025 à 785 TWh en 2035. Si le rythme d’entraînement des LLM ne faiblit pas, alors la consommation mondiale des data centers atteindrait 1370 TWh en 2035.

Dans les deux autres scénarios, le rapport prend en compte la pénurie de production d’énergie. Dans ce cas, la consommation mondiale des datacenters pour l’IA générative atteindrait un pic à 595 TWh en 2033, puis baisserait doucement. Le rapport évoque 570 TWh en 2035. Si l’on ne peut pas se passer d’entraîner toujours autant des LLM, alors la consommation mondiale des datacenters atteindrait son pic dès 2030, avec 670 TWh, puis s’effondrerait jusqu’à 190 TWh en 2035.

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