Abandon de VMware : Enix a évalué la réalité de la situation
Dans une étude qu’elle vient de mener auprès d’un échantillon d’entreprises françaises, l’ESN constate une très forte tendance à l’attentisme et des critères de réflexion qui divergent des arguments consensuels.
Augmentation des tarifs de VMware, la suite. Enix, une ESN spécialisée dans le déploiement et l'infogérance d’infrastructures en machines virtuelles ou en containers, plutôt militante des solutions Open source comme Proxmox, OpenStack ou Kubernetes, a voulu en avoir le cœur net : ses clients et prospects sont-ils oui ou non prêts à quitter VMware pour une solution alternative ?
L’intégrateur vient donc de mener une enquête auprès d’une centaine d’entreprises, parmi lesquelles des grands comptes – on sait qu’Enix a pour clients TDF, Weka, Business France ou encore l'Institut Pasteur - mais aussi un bon quart de PME de moins de 250 personnes.
Résultat : 58% des entreprises interrogées n’ont tout simplement pas encore évalué l’impact des augmentations de tarifs de VMware sur leur facture. Et pour cause : la plupart d’entre elles bénéficient encore d’anciens contrats de maintenance, négociés avant le rachat fatidique de VMware par Broadcom. Certains de ces contrats peuvent encore courir pendant plus d’un an.
Pour les autres, la répartition est la suivante : 9,2% calculent que ces augmentations n’ont ou n’auront aucun impact sur la facture, 14,3% estiment une augmentation inférieure à 50%, 10,5% craignent une augmentation de 50 à 100% du prix et seulement 8% se désolent de devoir payer plus de deux fois plus cher qu’auparavant.
De fait, la décision de quitter effectivement VMware ne concerne, à ce stade, que 13% des entreprises. Pour le reste, 54% des clients n’ont pas encore fait leur choix. 28% veulent rester avec VMware. Et 5% envisagent de migrer quand même une partie de leurs serveurs sur autre chose.
Globalement, VMware by Broadcom est plus cher que VMware tout court...
Rappelons qu’avant d’être racheté par Broadcom, VMware proposait à la carte plusieurs dizaines de logiciels en licence éternelle ; les entreprises les achetaient et les faisaient durer le plus longtemps possible, avant d’en acheter des versions plus récentes, généralement au bout de trois, cinq ou sept ans. Ces achats de logiciels étaient complétés par un service d’assistance technique payable, lui, à la souscription mensuelle. Mais avec un tarif négocié au moment de la signature pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Depuis le rachat, Broadcom a changé les règles. Désormais, l’achat de licences éternelles n’existe plus. Les clients qui renouvellent leurs déploiements VMware sont obligés de payer tous les mois un abonnement global pour l’ensemble du catalogue, c’est-à-dire y compris pour certains logiciels qu’ils n’utilisent pas, et pour le support technique. Broadcom argumente que ce bundle, appelé VCF (VMware Cloud Foundation), coûte 30% moins cher aux clients qui achetaient auparavant tous les logiciels du catalogue.
Il existe une version moins chère, VVF (VMware vSphere Foundation), amputée de la possibilité, souvent essentielle, de fonctionner en cluster. Toutes les offres calculent leur tarif selon le nombre de cœurs de processeurs présents dans les machines physiques qui exécutent les logiciels VMware.
« À ce stade, aucune entreprise interrogée ne constate une baisse de tarifs grâce aux bundles », souligne l’enquête d’Enix. Forcément, pratiquement personne n’était client de tous les logiciels de VMware à la fois, puisqu’il s’agissait principalement de décliner les technologies de base – virtualisation de serveurs, de stockage et de réseau – en des outils adaptés à différents métiers ou activités commerciales.
...Mais l’impact financier est variable
En revanche, plus une entreprise est importante, plus elle a de métiers différents et plus elle est susceptible d’utiliser un grand nombre d’outils VMware. Pour évaluer l’impact réel du changement d’approche commercial, il faut donc sortir la calculette : évaluer les prix des logiciels que l’on n’achetait pas avant, retrancher la remise consentie par Broadcom et comparer avec le prix précédent. Résultat : c’est surtout chez les petites entreprises que la différence est importante.
« Parmi les organisations qui nous consultent pour une migration vers des alternatives à VMware, nous rencontrons un grand nombre d’ETI et de PME globalement plus impactées financièrement », observe, en toute logique, Enix. La bonne nouvelle, selon l’ESN, est que les entreprises chez qui le désir de migrer se fait le plus ressentir sont aussi celles pour qui la migration sera la plus simple. Puisqu’elles utilisent moins de technologies VMware que les autres.
Le prix n’est pas le seul argument avancé par les quelques-uns qui souhaitent quitter VMware. « Les entreprises qui souhaitent sortir partiellement ou intégralement de VMware évoquent aussi une volonté de réduire leur dépendance à un fournisseur unique. Cette décision est justifiée par leur perception particulièrement négative des pratiques de Broadcom », note l’étude.
Des critères pratiques qui divergent des arguments consensuels
Quitter VMware, d’accord, mais pour quelle alternative ? C’est la question qu’Enix a ensuite posée aux entreprises.
Les critères importants qui ont été le plus souvent exprimés sont que la solution alternative soit aussi robuste et performante que celle de VMware (dans 60% des réponses), que son prix soit plus intéressant (dans 47% des réponses), qu’elle soit simple d’utilisation (dans 30% des réponses), qu’elle bénéficie d’un bon support, éventuellement communautaire (dans 18% des réponses) et qu’elle soit facile à automatiser (dans 17% des réponses).
La souveraineté, la notoriété et l’ouverture (plus exactement le fait que la solution mette l’entreprise à l’abri du vendor lock-in) n’arrivent qu’après, alors que ce sont les sujets que les cabinets de conseil et les intégrateurs mettent généralement le plus en avant. Et Enix ne fait pas exception à la règle :
« Chez Enix, nous sommes convaincus que pour préserver leur souveraineté, éviter une dépendance aux éditeurs et réduire leurs coûts, les entreprises doivent conserver et développer leurs compétences internes ou avec des partenaires français, plutôt que de les déléguer à des éditeurs propriétaires étrangers. C’est dans cette optique que nous sommes engagés depuis 20 ans auprès d’eux dans la promotion de l’Open source. »
Les alternatives à VMware : l’embarras du choix
Concernant les entreprises qui souhaitent migrer la totalité ou une partie de leurs serveurs vers autre chose que VMware, 26% d’entre elles ne savent pas encore quelle alternative choisir. Les autres ont toutes des idées différentes.
34%, la majorité, souhaitent aller vers une solution propriétaire, c’est-à-dire Nutanix ou Microsoft Hyper-V.
25% préfèrent basculer sur une solution Open source. Les plateformes évoquées sont Proxmox, OpenStack, ou un système qui fait moins parler de lui : XCP-NG. La particularité de ce dernier est qu’il ne repose pas sur l’hyperviseur KVM du noyau Linux, comme les deux autres, mais sur Xen, autrefois promu par Citrix.
Le rapport explique : « une préoccupation des DSI avec des infrastructures sur site concerne la réutilisation de leurs équipements. Dans ce contexte, les solutions Open source offrent l’avantage d’une compatibilité matérielle native très large. » Mais il prévient : « dans ces scénarios, le remplacement de VMware ne consiste en revanche pas uniquement à changer de technologie de virtualisation. Il faudra probablement déployer un nouveau stockage, une nouvelle sauvegarde, de nouveaux outils d’administration. »
13% des entreprises qui veulent quitter VMware citent une migration vers le cloud public. Selon Enix, il ne s’agit pas nécessairement d’aller chez les hyperscalers américains. Si l’ESN travaille bien avec AWS, Azure ou GCP, elle assure infogérer l’informatique de plusieurs de ses clients chez OVHcloud, Scaleway et Outscale.
Enfin, les 9% restants parlent d’abandonner purement et simplement la virtualisation pour passer leurs traitements au format container, typiquement via un orchestrateur Kubernetes. Contrairement à ce que ces pourcentages peuvent laisser paraître, le sujet d’engager une transformation profonde de la manière dont fonctionnent les applications dans un datacenter est sur la table chez 27% des entreprises interrogées par Enix.
En pour cause : la containerisation est une réflexion qui va bien au-delà du périmètre de VMware, car elle porte essentiellement sur la pertinence d’investir dans la refonte d’applications pour les rendre plus interopérables avec des services tiers. Techniquement, des applications en containers peuvent même fonctionner par-dessus VMware ou ses alternatives, ce qui présente l’avantage de conserver les mêmes outils d’administration.
Tarder à se décider pose le risque de devoir se précipiter
Bref, migrer de VMware vers autre chose peut être toute une aventure. Mais le rapport d’Enix pointe que, paradoxalement, les projets peinent à démarrer, alors qu’il s’est déjà passé un an depuis le chamboulement des contrats par Broadcom. Ainsi, 37% des entreprises souhaitant migrer ne vont rien faire à court terme. 42% réfléchissent encore à la manière technique de s’y prendre. 21% discutent toujours du calendrier qu’il faudra suivre.
Le rapport pense avoir identifié les freins : « les DSI ont souvent évoqué les aspects organisationnels, aussi bien pendant le projet de migration que pour la gestion quotidienne des plateformes basées sur les nouvelles solutions. »
Enix concède que la réussite de telles migrations repose sur le facteur humain. Il faut mobiliser les équipes pour obtenir leur adhésion, les former pour les faire monter en compétence et leur faire faire une cartographie rigoureuse de l’existant pour ne rien laisser au hasard dans la gestion du projet. L’ESN partage à ce titre son expérience des migrations qu’elle a pu accompagner :
« La complexité et la durée des migrations varient fortement en fonction du contexte et de l’existant au sein des organisations. La phase de préparation s’avère généralement la plus longue. Elle inclut les réflexions sur la stratégie, mais également l’audit de l’existant, l’analyse des besoins fonctionnels autour de la seule virtualisation, l’analyse du plan de contrôle, l’organisation de la gestion opérationnelle de la plateforme cible, etc. Quant à la migration en elle-même, sa durée varie aussi selon les cas, elle peut s’étaler sur une période de 1 à 6 mois. »
De fait, si Enix encourage les entreprises à ne pas migrer de manière précipitée, l’ESN les alerte surtout sur la dangerosité de retarder encore leur prise de décision : « notre conseil est de ne plus reporter ces réflexions cruciales », conclut le rapport, en rappelant que les contrats en cours ont une échéance qui se rapproche.