Agentforce 2.0 : Salesforce veut étendre ses agents IA « au-delà du CRM »
Le géant du CRM entend proposer des agents IA non seulement capables d’effectuer des tâches de manière autonome au cœur de sa plateforme, mais aussi d’interagir avec des systèmes externes. L’objectif ? Couvrir des cas d’usage en dehors de son périmètre actuel. Pour Marc Benioff, CEO de Salesforce, ces agents représentent une « main-d’œuvre numérique » au potentiel économique inégalé… et aux retombées sociétales éludées.
Salesforce n’a de cesse d’affirmer ô combien il maîtrise les ressorts de l’IA générative. Et de tourner les « potards » du marketing autant qu’il le peut. Alors qu’il semble suivre sa feuille de route à la lettre, voilà qu’il présente Agentforce 2.0, dont la disponibilité générale est prévue en février 2025.
Agentforce 2.0, le retour
Pour rappel, Agentforce a changé de nom plusieurs fois. Il y a quelques mois, il fallait parler d’Einstein GPT.
« Einstein GPT, c’est un peu la réponse que nous avions donnée à nos clients qui nous disaient que : “ChatGPT, c’est très bien, mais nous ne pouvons pas l’utiliser. Il n’est pas sécurisé, il n’est pas fiable” », justifie Sanjna Parulekar, vice-président du marketing produit chez Salesforce, auprès du MagIT.
« Salesforce a fait le plus dur en construisant une couche de sécurité afin d’utiliser cette nouvelle technologie LLM ». Cette couche se nomme l’Einstein Trust Layer. Elle s’appuie sur différentes techniques pour tenter d’empêcher les hallucinations. « Maintenant, Agentforce est le point culminant de création d’une offre de plateforme complète pour la construction de ces nouveaux types de systèmes agentiques », affirme-t-elle.
Cette couche « agentique » est transverse à la plateforme Salesforce. Plus particulièrement, Agentforce Builder, le studio de création des agents, doit permettre de faire interagir de grands modèles de langages avec les données présentes dans le CRM accessible, entre autres, à travers une architecture RAG, et des « skills ».
Ces « skills » correspondent à l’attribution d’un rôle à un LLM, de prompts pour orienter ces tâches et aux chaînages d’actions permettant d’appeler par API des outils tierces ou des fonctions des services du CRM, entre autres, à travers l’outil low-code/no-code Flow. Par exemple, l’éditeur a présenté la disponibilité de skills consacrés au développement des ventes et à l’entraînement des commerciaux. Ces skills ne sont pas uniquement des briques sur étagère. Le géant de l’intérim Adecco est en train de concevoir des agents, dont les skills permettent d’analyser les CV des candidats, de trier les candidatures, de contacter les membres de la « short list » à travers différents canaux, puis d’organiser un rendez-vous.
Coupler Agentforce, Slack et les systèmes tiers
Dès janvier, dans la plateforme collaborative Slack, un Hub permettra de centraliser les agents. Les commandes @agentforce servent à appeler les agents déjà configurés. En outre, des skills et des actions spécifiques à Slack, comme créer un canal, gérer des listes, des canevas, ou encore envoyer des messages.
Slack a aussi le droit à une brique d’Enterprise Search, tout comme Agentforce (et c’est la raison de ce renommage) bénéficie d’une amélioration dite significative de son architecture RAG et de son moteur de raisonnement appelé « Atlas » (LeMagIT détaillera son fonctionnement).
Reste que tout cela demeure dans l’univers Salesforce. Si certaines entreprises se mettent à exploiter la plateforme comme le système d’information back-office unifié, il n’en reste pas moins que ces agents, pour être utiles, devront communiquer avec des solutions externes. En ce sens, de premiers partenaires de Salesforce commencent à proposer des skills à travers AppExchange, dont ceux proposés par Asymbl, Docusign et Neuron.
À partir de février également, Mulesoft, le spécialiste de la gestion d’API acquis par Salesforce, ouvrira Agentforce à l’extérieur, notamment à travers un catalogue d’API. Un centre intitulé Topic Center doit permettre de retrouver des skills et des actions réutilisables impliquant des systèmes tiers. Ainsi, Agentforce pourra interagir avec les services d’AWS, GCP et Azure, avec les ERP SAP, avec des bases de données MongoDB, Snowflake, Workday, IFS, les ERP Oracle, etc.
« AgentForce 2.0 possède tout ce dont nous avons besoin pour non seulement faire évoluer nos clouds [les solutions verticalisées de Salesforce, N.D.L.R.], mais aussi pour aider chaque équipe et chaque flux de travail au-delà du CRM à effectuer des tâches en dehors de Salesforce », vante Adam Evans, directeur du produit plateforme IA chez Salesforce, lors d’une conférence de presse en ligne.
Selon le cabinet de conseils français AI Builders, Agentforce représente la solution d’IA agentique « la plus performante à ce jour ».
Et Sanjna Parukelar d’insister sur des cas d’usage sortant des frontières traditionnelles du CRM, par exemple le recrutement, la réponse aux questions RH, le soutien à la gestion de patrimoine et de portefeuilles produits chez les instituts financiers.
Dans un premier temps, avec Agentforce dans Slack, il s’agit (à nouveau) de resserrer les liens entre Salesforce et Slack. Rien de plus naturel, l’éditeur a bâti son empire (Salesforce prévoit de générer 38 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici la fin de l’année) sur la vente de croisée de ses « clouds ». Selon les analystes, il serait de plus en plus rare de ne pas voir une entreprise qui n’a pas à la fois un produit Salesforce et, au moins, une entité utilisant Slack. Microsoft a pu récolter les fruits de son empreinte massive dans les entreprises pour imposer Teams. Pour autant, Slack a des qualités indéniables malgré quelques manques du côté de la visioconférence et n’a pas les défauts causés par les intégrations hasardeuses (pour rester poli) des briques de la sphère de Microsoft.
« Main-d’œuvre numérique »
Outre ses piques envers Microsoft et son Copilot qu’il a renommé « Clippy 2.0 », Marc Benioff, cofondateur et PDG de Salesforce, a exposé sa vision d’une « main-d’œuvre numérique » (Digital Labor), des agents robotiques pouvant « augmenter » le travail des humains avec la promesse de maintenir une activité en continu (24 h/24, 7 jours sur 7), de réduire la charge de travail des employés, d’améliorer la productivité et son efficience et « d’étendre les capacités de cibler le marché sans recruter davantage ».
Marc BenioffCEO et cofondateur, Salesforce
« Je ne suis pas sûr que, lorsque nous avons commencé ce voyage, nous comprenions parfaitement où nous allions. En effet, si l’on considère le marché total adressable de la main-d’œuvre numérique, il ne se chiffre pas en milliards, en dizaines de milliards ou en centaines de milliards. Il s’agit de milliers de milliards », lance Marc Benioff, lors d’une conférence de presse ayant eu lieu le 17 décembre.
Un concept « tellement avant-gardiste » que beaucoup d’analystes ne l’auraient pas évalué, selon le dirigeant.
Marc Benioff se garde bien d’évoquer la balance économique entre la consommation de services d’IA – à deux dollars par conversation – et la suppression de postes.
Une équation économique que certaines entreprises pourraient se poser. D’autant que sur son site Web consacré à Agentforce Service Agent, Salesforce présente un simulateur de ROI impliquant un passage progressif des tâches des agents humains aux agents IA. La page vante des économies importantes.
« 83 % de toutes les questions posées sur help.salesforce.com sont désormais résolues par la couche agentique », affirment les porte-parole de Salesforce qui présentent leur entreprise comme le patient zéro de cette automatisation du travail. Si l’information n’est pas liée, selon Crunchbase, Salesforce a licencié 10 000 personnes entre 2022 et 2024. Le géant du CRM compte actuellement plus de 72 000 collaborateurs. Pour autant, ce seront bien des humains qui tenteront de convaincre d’adopter Agentforce. Salesforce compte recruter au total 2 000 commerciaux pour vendre ses produits d’IA. « Nous recrutons quelques milliers de commerciaux supplémentaires pour nous aider à vendre ces produits. Nous avons déjà reçu 9 000 références pour les 2 000 postes que nous avons ouverts. C’est incroyable », s’exclame Marc Benioff.
Pour l’heure, après plus de 10 000 prototypes, environ 1 000 clients auraient commencé à déployer des agents. Une dizaine d’entre eux sont mentionnés publiquement.