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Java : Azul tâte le marché français

Après avoir connu une croissance importante dans la région EMEA cette année, le spécialiste californien de Java tente de s’implanter sur le marché français. Il espère convaincre les grands groupes d’abandonner les services Java d’Oracle pour son support supposément aussi efficace et bien moins cher.

Azul Systems est né à Sunnyvale en 2002. Après avoir conçu des appliances consacrées à l’exécution d’applications Java aux alentours de 2005, l’entreprise s’est concentrée sur son travail d’édition d’une plateforme pour remplacer Java SE à partir de 2010.

Entre le 1er février et le 31 juillet 2024, Azul dit avoir enregistré une hausse de 95 % des nouvelles commandes en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMEA). Selon Ian Withing, Chief Revenue Officer chez Azul, cette croissance a largement été portée par l’Europe du Nord.

« Nous sommes une sorte de scale-up », affirme le CRO d’Azul auprès du MagIT. Et d’indiquer que l’éditeur réalise un revenu récurrent annuel de 100 millions de dollars pour 300 collaborateurs. Il aurait entre autres pour clients 36 des entreprises du Fortune 100.

Dans son domaine de prédilection, Java, cette ETI entend gagner du terrain face à son concurrent principal : Oracle.

De fait, ces dernières années, la firme de Larry Ellison a fait évoluer les licences de Java SE plusieurs fois, jusqu’à annoncer l’année dernière la facturation des licences par nombre d’employés, en comptant les externes.

« Il y a des exceptions pour les anciens clients, mais Oracle s’est montré très insistant [concernant le changement de licence], selon les retours que nous avons obtenus ».
Ian WithingChief Revenue Officer, Azul Systems

« Il y a des exceptions pour les anciens clients, mais Oracle s’est montré très insistant [concernant le changement de licence], selon les retours que nous avons obtenus », note Ian Withing. « Ce que nous entendons, c’est qu’ils poussent tout le monde vers ce modèle de tarification basé sur les employés. Il y a une raison à cela : les dirigeants d'Oracle ont déclaré auprès des analystes financiers que Java fait partie de la stratégie de croissance du fournisseur à long terme ».

Azul, un « cost-killer » des déploiements Java

Azul a pour ainsi dire sauté sur l’occasion afin de poser ses produits comme des remplaçants directs des plateformes Java. La promesse ? Réduire les coûts de licence d’environ 70 %. « Quand vous dépensez 1 million de dollars chez Oracle pour le support de Java, l’équivalent chez nous sera peut-être de 200 000 à 250 000 dollars », lance le CRO.

« Quand vous dépensez 1 million de dollars chez Oracle pour le support de Java, l’équivalent chez nous sera peut-être de 200 000 à 250 000 dollars ».
Ian WithingChief Revenue Officer, Azul Systems

Cet argument aurait fait mouche au cours de l’année. C’est la principale raison qui aurait convaincu les organisations d’Europe du Nord d’adopter les solutions d’Azul, dont le conseil municipal de New Castle.

La municipalité de la ville britannique fait partie de ces organisations qui exécutent des applications critiques à l’aide de framework Java vieillissant.  

« Nous sommes la seule entreprise qui fournit encore un support pour les anciennes versions de Java », avance Ian Withing. « Aujourd’hui, Oracle ne fournit même pas de support pour Java 6 et 7. Ce sont de très vieilles versions, mais il existe de nombreuses applications patrimoniales, en particulier dans le secteur bancaire, que les entreprises ne souhaitent pas toucher parce qu’elles sont critiques ».

Chez Azul, l’alternative à Java SE et l’OpenJDK d’Oracle se nomme Azul Core Platform, tandis que sa distribution open source se nomme Azul Zulu. Pour cette version certifiée de l’OpenJDK, l’éditeur propose deux formules de support, l’une standard et l’autre premium. Dans la version standard, les corrections de bugs, et les mises à jour sont effectuées tous les trimestres. Avec le support premium, les corrections sont effectuées hors cycle et les mises à jour sont en « accès anticipés ».

Le niveau de service de première réponse a lieu un jour après la demande les jours ouvrés dans la version standard, tandis que le support premium permet d’avoir une réponse en une heure 24 h/24, 7j/7. En clair, Azul s’aligne sur les politiques d’Oracle en la matière et propose un LTS similaire.

Le support d’Azul Core est fonction d’une tarification au nombre de vCore sur serveur et en nombre de licence par ordinateur de bureau. L’éditeur affiche publiquement ses prix jusqu’à 20 000 vCores et 35 000 ordinateurs. Un mode « illimité » est disponible pour les deux plateformes techniques après avoir négocié avec les commerciaux.

Le remplacement d’Oracle Java SE et le support d’une distribution de l’OpenJDK représenteraient environ 55 % de l’activité d’Azul.

Azul dispose de deux autres produits : Azul Platform Prime (ex-Zing) et Azul Intelligent Cloud.

Azul Platform Prime est une plateforme cloud spécialisée pour l’exécution de JVM (Java Virtual Machines) s’appuyant à la fois sur l’OpenJDK, un collecteur de déchets spécifiques, nommés C4, le compilateur « Just In Time » (JIT), Falcon et un composant chargé du « warmup », c’est-à-dire l’accélération du lancement des JVM.

« Nous aidons les clients à vraiment accélérer les performances de leurs applications Java », affirme Ian Withing.

Parmi les clients de Prime, Azul mentionne Salesforce, Walmart, Taboola, Netflix ou encore Pinterest. « Nous démontrons aux clients qu’ils peuvent augmenter les performances et exécuter des applications Java sur moins d’infrastructure. Et cela représente une économie en millions de dollars ».

Une approche qui ne serait pas dépréciée par les fournisseurs cloud. « Les entreprises comme AWS s’efforcent d’attirer plus de clients dans leur cloud », déclare le CRO. « De manière contre-intuitive, elles sont très intéressées par le fait d’aider leurs clients à réduire leurs coûts d’infrastructure parce qu’elles veulent les garder pendant au moins 10 ans ».

Des pistes pour se débarrasser du code Java inutilisé

Intelligent Cloud, la troisième offre d’Azul permet de détecter les vulnérabilités liées à Java, d’inventorier le code, les JVM et leur fonctionnement, ainsi que les composants qui en dépendent.

Concernant l’approche DevSecOps, Azul s’arrête à la découverte des actifs liés à Java et son écosystème, à travers la mise en relation du code et des CVE, en mettant en avant les vulnérabilités « critiques ». Pour le reste, c’est aux clients de prendre des actions pour remédier aux problèmes de sécurité. « Nous sommes très actifs dans la communauté Java. Nous avons apporté une contribution importante au comité sur la vulnérabilité de Java », avance le CRO.

L’outil d’inventaire doit, lui, aider à repérer le code inutilisé. « Il vous indique essentiellement quel code Java est effectivement “mort” ou s’il n’est plus utilisé », résume Ian Withing. « Cela permettrait d’économiser de l’argent, de réduire des coûts d’infrastructures, etc. Pour autant, le CRO explique que cela permet surtout d’améliorer la productivité des développeurs, qui habituellement passe plus de temps à gérer la dette technique.

« Si nous pouvons aider à faire économiser 10 % de leur temps à de grosses équipes de développement, cela veut dire que les développeurs peuvent être redirigés vers des projets à plus haute valeur ajoutée », illustre le responsable financier.

Une fois que les JVM sont inventoriés dans Intelligent Cloud à travers un broker nommé Fowarder, il est possible de les surveiller d’un peu plus près.

Pour l’heure, Intelligent Cloud est utilisé par un petit nombre de clients. « Les primoadoptants sont de gros utilisateurs », assure le CRO. Intelligent Cloud a été lancée à la fin de l’année 2021.

Azul se prépare à s’étendre sur le marché français

C’est en tout cas ce menu à trois entrées que l’éditeur entend proposer prochainement aux grands groupes français. Il dispose déjà d’un support localisé en français orchestré par une équipe installée à Prague.

Maintenant, il faut pouvoir rassembler des partenaires capables de déployer les outils Azul et de migrer de Java SE vers Azul Platform Core.

« Comme dans le reste de l'Europe du Sud, nous souhaitons nous développer et faire croître l'activité en France ».
Ian WithingChief Revenue Officer, Azul Systems

« Comme dans le reste de l'Europe du Sud, nous souhaitons nous développer et faire croître l'activité en France », annonce Ian Withing. « Actuellement, nous devons établir des liens avec des partenaires sur place. La bonne nouvelle, c’est que la plupart de nos partenaires existants sont présents sur ce marché  ». Azul collabore avec des acteurs comme SHI, Insight, SCC ou encore Software One.

C’est la mission actuelle de Jefferson Ruby, directeur des comptes partenaires pour la région EMEA Sud chez Azul Systems, depuis près de six mois.

En revanche, il resterait beaucoup de travail pour les former et mieux cibler les clients. « Nous n’en sommes qu’aux premiers stades. Mais les signes sont très positifs, car le dénominateur commun à tous ces acteurs est la possibilité de travailler avec les clients pour remplacer Oracle », avance le CRO.

Azul Systems n’est pas le seul à chercher à prendre des parts à la firme de Larry Ellison. Selon l’étude « the State of Java Ecosystem » mené par New Relic, en 2024, 6,2 % des applications supervisées reposent sur Azul Core Platform, quand 20,8 % d’entre elles exploitent Oracle Java SE. Après une année record pour Amazon Coretto, le framework d'AWS propulse 17,8 % des applications observées. C’est finalement Eclipse Adoptium (dont la version supportée se nomme Temurin) qui gagne en popularité (18,2 % des applications), avec une hausse de son adoption de plus 50 % entre 2023 et 2024.

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