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L’art généré par l’intelligence artificielle génère des revenus
Un rapport de l’assureur Hiscox montre que les collectionneurs d’art s’intéresseraient de plus en plus aux œuvres produites par des algorithmes, bouleversant ainsi les codes traditionnels du marché. Même si la question des droits d’auteurs n’est pas encore totalement réglée.
L’art généré par une intelligence artificielle (IA) peut-il véritablement être considéré comme de l’art ? On ne tranchera pas le débat philosophique ici, mais le marché semble commencer à donner son verdict. C’est oui.
D’après une étude de l’assureur Hiscox, 40 % des collectionneurs prévoiraient en effet au cours des douze prochains mois d’augmenter leurs acquisitions d’œuvres faites par des IA génératives (GenAI).
Un marché de l’art divisé sur l’IA
Un constat s’impose néanmoins. Cette nouvelle catégorie artistique séduirait particulièrement les nouveaux collectionneurs – souvent plus jeunes. Parmi ces acheteurs, 52 % envisageraient un achat de ce type et 28 % auraient déjà franchi le pas. À l’inverse, les collectionneurs chevronnés – et plus âgés – ne seraient qu’un sur trois (29 %) à envisager d’acheter le fruit d’une IA, et seulement 2 % l’ont fait.
Hiscox explique ce début d’engouement par la popularité et le nombre croissant de sites web et d’artistes qui vendent cette catégorie d’art, que ce soit sous forme physique ou en tant que NFT, ainsi que par le buzz médiatique autour de Stable Diffusion, Midjourney et DALL·E – les trois systèmes text-to-image les plus populaires.
Mais un marché unanimement prudent
Un point réunit cependant les différentes générations. Plus de 80 % des collectionneurs réclament plus de transparence sur l’origine des œuvres, pour bien distinguer les créations humaines et les productions algorithmiques.
Cette exigence est d’autant plus forte qu’elle recoupe la délicate question des droits d’auteur (sur quelles bases se sont entraînés les modèles ; qui créditer, en particulier quand l’œuvre est le fruit d’un processus mixte entre machine et retouches humaines).
Afin d’attirer l’attention sur ces questions de droits d’auteur et de juste rémunération des créateurs, Hiscox a fait réaliser un portrait à partir des photographies de 40 visages d’artistes contemporains. Dans l’IT B2B, la problématique a été au centre du travail d’un éditeur spécialisé comme Adobe qui garantit à ses clients que les images générées par son IA Firefly sont utilisables et qu’elles rémunèrent les créateurs originaux (l’éditeur promet même de prendre les frais de justice à ses frais en cas de procédure).
Autre convergence de points de vue entre collectionneurs d’art, les plus âgés (69 %) et les plus jeunes (67 %) sont d’accord pour dire que l’art généré par IA a moins de valeur que l’art créé par un humain (ou un humain seul) – même si un quart des nouveaux acheteurs (26 %) estiment que l’art généré par IA est aussi important que les « médiums traditionnels » que sont la peinture, la sculpture et la photographie.
Un marché de la vente d’art qui s’ouvre à l’IA
Moins de « valeur » ne signifierait pas moins de « valeur marchande » pour autant, puisqu’un passionné d’art sur deux (56 %) estimerait que l’art généré par IA pourrait atteindre les mêmes niveaux de prix dans le futur que l’art « traditionnel ».
Julie HuguesResponsable Marché Art chez Hiscox France
Logiquement, cette opinion est particulièrement présente chez les nouveaux collectionneurs (44 %).
« L’intelligence artificielle est désormais omniprésente dans notre société, et le marché de l’art n’y échappe pas », en conclut Julie Hugues, responsable Marché Art chez Hiscox France.
En 2018 le « Portrait d’Edmond de Belamy » – créé par le collectif parisien Obviou – a été adjugé à 432 500 dollars chez Christie’s, un record qui « marque un tournant pour l’art génératif » dixit Hiscox.
D’autres ventes aux enchères semblent confirmer cette tendance. Le marché a depuis été irrégulier, note l’assureur, mais Hiscox constate également que l’année 2024 a été celle d’un regain de ventes (Refik Anadol, Sougwen Chung, Harold Cohen, Obvious, Claire Silver et Roope Rainisto).
L’IA générative entre au musée
Même les musées commencent à consacrer de la place aux artistes qui travaillent avec l’IA. C’est le cas du Centre Pompidou qui a ouvert ses portes à Vera Molnár en 2024.
D’autres artistes comme Harold Cohen au Whitney Museum of American Art à New York, Ian Cheng à la Fondation Beyeler à Bâle, ou encore Refik Anadol à la Serpentine Gallery à Londres ont également eu leurs expositions dans des cadres prestigieux. Un autre signe fort de la mutation de ce marché.
Un marché où l’IA a en tout cas réussi à créer une chose qui ne fait aucun débat : créer de nouveaux revenus.